1. M. le Président, vous vous rendez en Chine pour une première visite : que pensez-vous du développement de la Chine ?
La croissance et le développement économique de la Chine sont impressionnants. En trente ans de réformes, la Chine est devenue la deuxième puissance économique mondiale. J'ai beaucoup de considération pour ce dynamisme et pour les transformations profondes de la société chinoise qui l'accompagnent.
La Chine retrouve aujourd'hui dans le monde la place qui, en réalité, a toujours été la sienne : celle d'une civilisation plurimillénaire, d'un pays de grande culture qui partage une très forte amitié avec la France.
Pour la France, cette émergence pacifique de la Chine est une formidable opportunité, qui permet de coopérations nouvelles, mutuellement bénéfiques. C'est l'un des objectifs de ma visite.
Il nous revient de relever ensemble de nouveaux défis, puisque la montée en puissance de la Chine, comme celle de tous les grands pays émergents, a entraîné une transformation profonde des équilibres internationaux. C'est le sens du partenariat que France et Chine ont engagé pour oeuvrer ensemble au renforcement de leurs relations bilatérales et pour exercer leurs responsabilités dans le monde.
2. L'amitié franco-chinoise jouit d'une longue histoire. Même si le développement des relations a pu connaître des péripéties, le fondement du partenariat est solide. Vous avez proposé d'établir, avec la Chine, des relations plus franches, harmonieuse et stables. Que préconisez-vous ?
L'amitié entre nos deux pays est ancienne. Elle s'est établie au fil des siècles. Le 27 janvier 1964 a été une étape fondatrice puisque la France fut la pionnière dans l'établissement de relations diplomatiques avec la République populaire de Chine. Nous devons nous montrer aujourd'hui à la hauteur de notre passé commun en nous tournant ensemble vers l'avenir et c'est ce que nous avons décidé avec le Président Xi Jinping.
Je viens en Chine animé d'une triple volonté : volonté d'intensifier notre dialogue politique, sur tous les sujets d'intérêt partagé, bilatéraux comme multilatéraux ; volonté de rééquilibrer nos échanges économiques et commerciaux ; volonté de développer les échanges entre nos sociétés, et tout particulièrement entre les jeunesses de France et de Chine, par une mobilité plus grande.
Notre relation a besoin de stabilité et de confiance. Nous sommes deux grands pays amis qui peuvent aborder ensemble tous les sujets avec franchise et dans le respect mutuel.
3. Au plan bilatéral, dans quels secteurs concrets souhaitez-vous approfondir la coopération entre la France et la Chine ? Comment faire pour que cette coopération soit mutuellement bénéfique ?
Le déséquilibre des relations commerciales entre nos deux pays constitue un sujet de préoccupation. Face à cette situation, nous souhaitons travailler avec la Chine, dans une logique qui soit mutuellement bénéfique.
Nous avons déjà développé des partenariats industriels, dans le nucléaire civil et dans l'aéronautique. Nous devons les renforcer et nous en inspirer dans des domaines d'avenir : agro-alimentaire, santé, urbanisme et développement durable, services financiers, économie numérique pour ne citer que quelques exemples. Dans tous ces champs d'activité, la France et les entreprises françaises disposent d'expériences et de solutions, que nous devons savoir adapter pour répondre aux besoins de la Chine.
Nos deux pays ont également intérêt au développement des investissements croisés. Les investissements chinois créateurs d'emplois sont les bienvenus en France et nous entendons les faciliter. Les entreprises chinoises déjà présentes connaissent les avantages qu'il y a à s'implanter en France : qualité de la main d'oeuvre, position au coeur de l'Europe et de ses infrastructures de transport, environnement très favorable à l'innovation scientifique et technologique.
Nous devons aussi multiplier les échanges de personnes et les coopérations en matière d'enseignement supérieur. Les responsables d'entreprises et les touristes chinois sont les bienvenus en France. Nous faisons tout pour que des visas leur soient délivrés dans les meilleurs délais possibles. De nouvelles liaisons aériennes se développent. Et nous souhaitons répondre rapidement aux attentes des clientèles chinoises car la France est la première destination touristique du monde.
4. La diplomatie française est très active depuis votre prise de fonctions. Comment percevez-vous le monde d'aujourd'hui, la montée en puissance des pays émergents, la mondialisation ? Quel rôle la Chine devrait-elle jouer à l'avenir sur la scène internationale ?
Les initiatives prises par la France illustrent sa volonté de prendre toute sa part à la construction d'un monde plus stable, à une véritable gouvernance mondiale.
Les ordres anciens ont disparu et les nouveaux équilibres peinent à se trouver.
La France et la Chine, qui sont deux grandes puissances, membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies, qui ont une coopération très forte dans le cadre du G20, doivent y oeuvrer ensemble.
Ma venue est donc l'occasion d'intensifier notre dialogue sur les grands enjeux internationaux.
Nos deux pays doivent aussi travailler ensemble pour une croissance équilibrée, à laquelle nous avons tous intérêt. C'est l'objet du dialogue économique et financier que la France souhaite renforcer avec la Chine.
Nous devons enfin relever le défi environnemental. La France a proposé d'être l'hôte de la conférence des parties de la Convention climat en 2015, date à laquelle sera adopté le futur accord global devant s'appliquer à partir de 2020. Je souhaite que, dans cette perspective, nos deux pays renforcent tout particulièrement leurs échanges.
5. Vous avez mentionné à plusieurs reprises vouloir rétablir des relations économiques plus équilibrées entre les deux pays, c'est à dire réduire le déficit commercial excessif de la France avec la Chine. Quelle en est selon vous la raison essentielle ? Quelle solution envisagez-vous ? Avez-vous un plan spécial concernant la Chine ?
Le commerce avec la Chine génère effectivement notre plus gros déficit commercial bilatéral (26 Mds€ en 2012).
La France aborde sa relation avec la Chine avec une ambition et une exigence élevée. Nous souhaitons tirer notre partenariat vers le haut dans la réciprocité. Ce principe, que la Chine pratique elle-même, est le fondement des relations de l'Union européenne avec ses partenaires stratégiques. L'Europe est l'un des ensembles économiques les plus ouverts au monde, et elle attend de ses partenaires le même degré d'ouverture.
6. L'Europe a pris de nombreuses mesures pour faire face à la crise : renforcement de la discipline budgétaire, mise en place d'un certain nombre de mécanismes pour stimuler la croissance, renforcement de la cohérence des politiques économiques des Etats-membres de l'Union européenne. Comment appréciez-vous l'état de l'intégration européenne ? Comment considérez-vous les relations sino-européennes dans le contexte actuel ?
L'Union européenne a fait beaucoup depuis plus d'un an pour renforcer la zone euro. Des décisions fortes ont été prises pour apporter une réponse efficace à la crise, pour préserver l'intégrité de la zone, et engager un contrôle du comportement des banques.
Ces mesures, auxquelles la France a beaucoup contribué, répondent à un triple objectif : croissance, stabilité et solidarité. Mais nous devons encore retrouver la croissance. C'est l'intérêt de la zone Asie - Pacifique, car la prospérité de la Chine et celle de l'Europe sont indissociables.