Le président français François Hollande a assisté jeudi à Beijing à la cérémonie de signature d'une dizaine d'accords commerciaux entre son pays et la Chine, dont une commande de 60 nouveaux Airbus par la partie chinoise.
Pourtant, cela ne comblera pas le déficit commercial français vis-à-vis de la Chine qui se montait à environ 26,5 milliards d'euros en 2012, selon les douanes françaises.
"Trois ordinateurs portables sur quatre achetés en France sont produits en Chine", a indiqué Romain Lafarguette, chercheur français à la Banque centrale européenne et fondateur du site Internet redeconomiste.com.
Selon lui, ce déficit est constitué pour un tiers par les produits informatiques, de télécommunications, de maroquinerie et textiles.
Il a pointé que l'Allemagne, qui savait profiter de la montée en puissance de l'industrie chinoise pour lui vendre ses produits (comme les machines outils pour les usines), était le seul pays de la zone euro ayant un surplus commercial avec la Chine.
"Un des gros avantages des pays membres de l'Union européenne, dont la France, est le secteur des services, qui maintient un excédent commercial avec la Chine", a analysé Yao Ling, vice-directrice du département européen de l'Institut de recherche sur la coopération économique et commerciale internationale de Chine, relevant du ministère du Commerce chinois.
Elle a ajouté toutefois que la faible contribution du secteur manufacturier à l'économie nationale française expliquait en partie le déséquilibre commercial entre les deux pays.
La France a subi une forte désindustrialisation, a constaté Lafarguette, citant les statistiques de l'INSEE : plus de 2 millions d'emplois ont été perdus dans le secteur industriel depuis 1980, soit près de 40% de la main d'oeuvre du secteur d'alors.
L'INSEE estime qu'entre 30% et 45% des suppressions d'emplois en France sont dues à la concurrence internationale et en premier lieu à celle de la Chine.
"De ce point de vue, le déficit commercial avec la Chine est un déséquilibre structurel auquel seule la France peut remédier en devenant plus compétitive : soit par les coûts soit par la qualité", a argumenté le chercheur français. D'après lui, il est difficile de voir comment la situation va s'améliorer à moyen terme.
Force est de noter que les exportations françaises vers la Chine ont connu une croissance à deux chiffres ces trois dernières années. Les belles performances du secteur aéronautique contribuent largement à cette croissance. De 2010 à 2012, Airbus a livré chaque année une centaine d'avions à la Chine, soit plus de 20% de la production internationale de ce géant de l'aéronautique.
Une enquête du ministère chinois du commerce note en outre une forte augmentation des ventes de vins, de produits pharmaceutiques et de produits de luxe en provenance de la France.
L'enrichissement de la Chine et l'émergence de la classe moyenne représentent une formidable opportunité pour la France, a dit d'un ton sûr Lafarguette.
En revanche, les importations en provenance de Chine sont confrontées à une baisse importante. Ceci n'est un bonne nouvelle ni pour la France ni pour la Chine, a confirmé Lafarguette, en expliquant que ce recul était lié à la crise économique qui a entraîné une contraction de la demande des ménages français.
La montée en gamme des produits "made in China", ayant plus de valeur ajoutée, est aussi un facteur du déséquilibre commercial entre la Chine et la France, a argumenté Yao Ling.
Elle est favorable à davantage d'importations de produits de haute technologie de France en particulier et d'UE en général, qui sont restreintes depuis des années par l'embargo des ventes des armes vers la Chine (de nombreuses technologies impliquent en effet des secteurs militaires et civils).
Lafarguette a proposé pour sa part, que plutôt que de pratiquer des délocalisations d'entreprises françaises en Chine, qui nourrissent aussi le déséquilibre, il serait préférable pour la France d'avoir des entreprises chinoises qui produisent en France, car ce seraient des travailleurs français qui seraient employés et les taxes seraient payées en France.