L'amphithéâtre de l'ancienne Université franco-chinoise, où ont été présentés des discours du Dr Sun Yat-sen et du célèbre éducateur Cai Yuanpei, a récemment accueilli un dialogue entre Wu Jianmin, ancien ambassadeur de Chine en France, et Pierre Morel, ancien ambassadeur de France en Chine, à l'occasion du 50e anniversaire de l'établissement des relations sino-françaises.
Durant ces discussions, les deux diplomates, qui ont grandement contribué aux relations sino-françaises, ont partagé leurs expériences sur le développement des liens bilatéraux.
Le 27 janvier 1964, la Chine et la France ont établi leurs relations diplomatiques en publiant simultanément un bref communiqué à Beijing et à Paris. Cette annonce fut un choc pour le monde bipolaire de l'époque et fut qualifiée par les médias d'"explosion nucléaire" dans le domaine de la diplomatie.
Tant Pierre Morel, alors étudiant à l'Institut d'études politiques de Paris, que Wu Jianmin, qui avait déjà commencé sa carrière, eurent conscience de la grande importance de cet événement pour les deux pays et le reste du monde. Les deux hommes ont longtemps travaillé au renforcement de ces relations durant leur carrière.
Outre le désir d'émancipation de la Chine et de la France dans un monde bipolaire, cette décision reflète aussi la clairvoyance du général de Gaulle concernant l'émergence de la Chine et son admiration pour la culture de ce pays, a expliqué M. Wu.
Selon M. Morel, le général de Gaulle, qui a toujours attaché une grande importance au statut de la Chine, étudiait depuis longtemps la possibilité d'établir des liens bilatéraux.
Les Etats-Unis, après avoir pris acte de cette annonce, convoquèrent l'ambassadeur de France à Washington pour lui faire part de leur forte opposition. L'ambassadeur avait alors répliqué que la partie américaine suivrait le même chemin que la France d'ici dix ans, a rappelé M. Morel.
Quelques années plus tard, le président américain Richard Nixon se rendit compte de la nécessité d'améliorer les relations entre son pays et la Chine. Il s'entretint alors avec le général de Gaulle avant de prendre sa décision.
Comme chaque couple, la Chine et la France ont traversé des moments difficiles durant les 50 ans de leurs relations.
En 1992, la vente d'armes françaises à Taiwan entraîna une grave détérioration des liens sino-français. M. Wu Jianmin, alors porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, critiqua violemment cette décision. Cependant, durant le dialogue, il a tenté d'expliquer comment le contexte international de l'époque avait motivé la décision de la France. En effet, après 1989, de nombreux pays occidentaux pensaient que les brusques changements en Europe de l'Est et la dislocation de l'Union soviétique entraîneraient un écroulement de la Chine.
"En février 1990, je souhaitais inviter un haut responsable de la Commission de la Communauté européenne à dîner pour lui présenter la Chine. Celui-ci m'avait alors répondu ne pas savoir si mon pays existerait encore dans les deux ou trois mois à venir. Ce genre de point de vue a certainement affecté l'attitude de la France", a-t-il déclaré.
M. Morel a ajouté que 1991 fut une année de frustration du côté français dans les relations avec la Chine. Certains événements en Chine avaient effectivement suscité une vive émotion du côté français, entraînant une forte contraction des liens bilatéraux, notamment dans le domaine économique, sans toutefois causer de gel des relations.
"L'un des points importants est que notre vision fondamentale concernant l'unité de la Chine, qui était au départ le choix que nous avions fait en 1964, restait inchangée", a-t-il précisé.
Malgré les différends, la Chine et la France parvinrent à trouver une solution convenable par le dialogue, illustrant la maturité des relations bilatérales, a souligné Wu Jianmin.
En janvier 1994, les deux pays sont sortis de cette période de reflux après la publication d'un communiqué conjoint. Trois ans plus tard, à l'occasion de la visite officielle de Jacques Chirac en Chine, les deux pays ont signé une déclaration conjointe portant sur un partenariat global, ouvrant ainsi une nouvelle phase de leurs relations.
En 2001, durant le mandat de Wu Jianmin en tant qu'ambassadeur en France, Beijing et Paris étaient en concurrence pour l'organisation des Jeux olympiques de 2008. M. Wu a tenu à partager une histoire survenue juste avant l'annonce du résultat.
"Au moment de la réunion du Comité olympique à Moscou, Paris avait préparé une grande quantité de champagne pour célébrer sa possible victoire. J'avais fait le déplacement, mais les membres de la délégation française furent étonnés en me voyant. Je leur ai répondu que j'étais venu à leur invitation. J'ai ajouté qu'en cas de victoire parisienne, je célébrerais l'annonce avec eux, et je les ai invités à fêter la nomination de Beijing en cas de victoire chinoise", a-t-il expliqué
Cette concurrence ne reste pas un bon souvenir pour M. Morel, qui était à cette époque ambassadeur à Beijing. Il a cependant reconnu que la capitale chinoise disposait alors d'un très bon dossier.
"Je me souviens avoir félicité la Chine, c'était justement le 14 juillet", a-t-il indiqué.
Deux ans plus tard, lorsque Shanghai a présenté sa candidature pour l'organisation de l'Expo 2010, la France a cette fois apporté un grand soutien à la Chine, et M. Wu Jianmin reste reconnaissant envers le pays pour son aide.
"Plusieurs grandes entreprises françaises, menées par Carrefour, avaient créé un club de soutien à la candidature de Shanghai. Ce ne fut pas simple, car Carrefour ne possède pas des magasins uniquement en Chine. Face au mécontentement d'autres pays, l'entreprise avait alors déclaré que soutenir l'Expo de Shanghai bénéficiait non seulement à la Chine, mais aussi au reste du monde. Cette réponse m'avait ému".