Dernière mise à jour à 08h47 le 25/09
Quelqu'un cherche du travail? Les entreprises chinoises embauchent !
A 7h30 du matin, les places de stationnement sont déjà difficiles à trouver autour de l'usine de l'entreprise A123 Systems à Michigan, un fabricant américain de batteries automobiles, l'équipe du matin étant déjà à l'oeuvre.
Racheté par le plus grand équipementier automobile chinois Wanxiang début 2013, A123 Systems, autrefois développeur et fabricant de premier plan de batteries lithium-ion, a été sauvé de la faillite. Ses employés licenciés ont retrouvé leur emploi et d'autres ont été embauchés.
Le groupe Wanxiang n'est pas seul. S'appuyant sur le vaste marché chinois et une forte demande américaine en capitaux étrangers pour stimuler son redressement après la crise financière de 2008, une armée de sociétés chinoises a multiplié rachats et investissements aux Etats-Unis, développant des marques locales et créant des emplois.
Plus important encore, ces créations d'emplois ne sont que l'un des résultats encourageants des investissements chinois.
La combinaison d'importants fonds et circuits de distribution chinois avec les technologies et l'expertise de gestion de pointe des Etats-Unis a également accru la compétitivité des groupes fusionnés, générant un effet "1+1 est plus grand que 2".
DES ENTREPRISES AMERICAINES EN FAILLITE SAUVEES
Dans l'usine d'A123 Systems, plusieurs lignes de production façonnent de nouveaux produits 24 heures sur 24, une scène difficile à croire lorsqu'on se souvient que l'entreprise avait fait faillite il y a trois ans faute de liquidités.
Un an à peine après le rachat, Wanxiang a réussi à rendre A123 Systems rentable et sauver plus de 500 emplois locaux. L'équipementier chinois a même récemment annoncé un investissement de 300 millions de dollars pour agrandir ses sites de production dans le Michigan.
Greenfield Industries, une société de Caroline du Sud qui occupait un rôle de premier plan dans l'industrie des outils de coupe, a été rachetée pour 20 millions de dollars en 2009 par le groupe chinois TDC Cutting Tools alors qu'elle était au bord de la faillite et ne comptait pas plus de 116 employés.
Au début, "on était préoccupé, avec tout ce qui se disait à la télévision sur les Chinois qui essayaient de tout racheter. On craignait qu'ils amènent leur propre personnel et nous excluent de tout ce qui se passe, mais ça n'a pas eu lieu", se souvient une employée, Sherrie Carter. "C'est comme une ambiance familiale et ça a été tout simplement incroyable", a-t-elle décrit.
Aujourd'hui, Greenfield Industries a retrouvé sa vitalité et compte 350 employés.
A123 Systems et Greenfield Industries sont deux exemples typiques d'une série de succès en matière d'investissements chinois aux Etats-Unis.
Selon une étude récente, les investissements chinois dans les entreprises américaines représentent aujourd'hui près de 50 milliards de dollars et ce chiffre devrait atteindre 200 milliards d'ici la fin de cette décennie.
Et de récentes statistiques du ministère chinois du Commerce montrent que les investissements chinois représentent désormais environ 80.000 emplois à temps plein aux Etats-Unis, soit une multiplication par cinq depuis 2010.
A l'évidence, la création d'emplois n'est pas le seul effet positif lié à ces rachats.
En 2013, le fabricant de textile chinois Keer a investi 218 millions de dollars pour construire une usine de fils industriels en Caroline du Sud, l'ancien bastion du "Couloir sud du textile" des Etats-Unis, qui a vu disparaître des milliers d'emplois depuis les années 1980 en raison de la mondialisation.
Une usine de teinture et d'impression ainsi qu'une usine de coton se sont installées à proximité de Keer, contribuant à la revitalisation industrielle de cette région du sud des Etats-Unis.
Début septembre, le maire de Springfield (Massachusetts), Domenic Sarno, a inauguré une ligne d'assemblage de wagons financée par la China Railway Rolling Stock Corporation (CRRC), estimant que ce projet aiderait à relancer l'industrie locale et à donner une nouvelle vitalité à son économie.
Charlie Baker, gouverneur du Massachusetts, a pour sa part estimé que ce projet pourrait représenter "un véritable tournant pour Springfield et l'ouest du Massachusetts", se félicitant du retour du secteur manufacturier dans sa communauté.
CAPITAUX CHINOIS CONTRE SAVOIR-FAIRE AMERICAIN
De fait, les investissements chinois n'ont pas seulement aidé des entreprises américaines en difficulté à survivre. Les fusions ou acquisitions ont permis aux entreprises des deux parties d'accroître leur compétitivité, mais aussi de tirer un bénéfice mutuel en apprenant l'un de l'autre, en se complétant et en se prémunissant contre les inconvénients.
Ni Pin, président de Wanxiang America, a récemment indiqué à Xinhua que le secret derrière la renaissance et le développement d'A123 Systems était le fait de combiner la technique américaine avec l'immense marché chinois, car environ 70% des produits lithium-ion d'A123 sont exportés vers la Chine, qui devrait devenir le plus important marché de véhicules électriques dans les années à venir.
Wan Long, président de Shuanghui, le plus grand producteur de porc de Chine qui a racheté Smithfield Foods en 2013, a souligné que cette acquisition avait permis à la société américaine d'entrer sur l'immense marché chinois via le réseau de distribution de Shuanghui. Inversement, Shuanghui a accédé à des produits américains de haute qualité, compétitifs et sûrs ainsi qu'à l'expertise opérationnelle de Smithfield.
"Cette fusion a créé une société avec des atouts, des produits et une portée géographique sans égal", a ajouté M. Wan.
Il convient de noter que les entreprises chinoises ont essayé d'optimiser les entreprises rachetées en exploitant pleinement leurs points forts.
Après l'acquisition de la division PC d'IBM en 2005, le géant chinois Lenovo a conservé la culture et la structure de l'entreprise américaine en gardant ses deux centres opérationnels (l'un à Morrisville en Caroline du Nord et l'autre à Beijing), tout en conservant une grande partie du management.
Yang Yuanqing, PDG de Lenovo, a indiqué lors d'un entretien accordé en avril dernier à Reuters qu'"on a dépensé autant d'énergie à rapprocher nos cultures qu'on l'a fait sur les process et les fonctions commerciales".
Dix ans après ce rachat, Lenovo est devenu le plus grand producteur mondial de PC, surprenant le monde entier avec un résultat d'exploitation augmentant de 28% par an en moyenne.
En outre, les entreprises chinoises ont aussi changé de stratégie, en investissant davantage dans la recherche et l'innovation en vue d'un développement durable à long terme.
Une étude du cabinet de conseil Rhodium Group a montré une augmentation rapide des investissements chinois dans les secteurs industriels de pointe et fortement innovants tels que les hautes technologies.
Pour le seul premier trimestre 2014, les investisseurs chinois ont annoncé des accords dans le secteur de la high tech représentant plus de six milliards de dollars. Parmi eux, on recense le rachat de Motorola Mobility et de l'activité serveurs x86 d'IBM par Lenovo ou encore l'acquisition du constructeur de voitures électriques Fisker par Wanxiang.
Les sociétés chinoises augmentent également de façon importante leurs dépenses en recherche et développement (R&D) aux Etats-Unis, passant de presque zéro en 2007 à 31 millions de dollars en 2009 et à 366 millions de dollars en 2011.
DE GRANDES PERSPECTIVES MALGRE LES OBSTACLES
Néanmoins, investir aux Etats-Unis n'est pas sans difficultés. Dans leurs efforts pour entrer sur le marché américain, les entreprises multinationales chinoises sont inévitablement confrontées à des risques, des doutes et des obstacles.
Les entreprises chinoises ont perdu 36,8 milliards de dollars de 2005 à 2013, principalement à cause de leur ignorance de l'environnement réglementaire et culturel local, selon le mécanisme China Global Investment Tracker lancé conjointement par l'Institut des entreprises américaines et la fondation Heritage.
"Investir aux Etats-Unis est très en vogue, mais il faut faire de très bonnes recherches sur le marché avant de se lancer, sous peine de perdre de l'argent", a expliqué Victor Yuan, vice-président de Sany Heavy Industry Corporation.
Par ailleurs, les autorités de réglementation et les parlementaires américains, qui se méfient, voire ont des préjugés à l'égard des entreprises chinoises, ont délibérément imposé des restrictions afin d'empêcher les entreprises chinoises d'entrer dans des secteurs tels que l'énergie et les transports. Il est encore plus difficile pour les sociétés financières chinoises de pénétrer sur le marché américain.
"Les autorités de réglementation et les parlementaires américains ne connaissent pas bien le secteur financier chinois et ont encore des préjugés sur les sociétés financières chinoises", a indiqué Xu Chen, président et PDG de la filiale américaine de la Banque de Chine.
Toutefois, ni les doutes ni les restrictions ne peuvent empêcher les relations commerciales sino-américaines de se développer.
Plus tôt ce mois-ci, un consortium dirigé par China Railway Group et la société américaine XpressWest Enterprises ont signé un accord sur la construction d'une ligne de chemin de fer à grande vitesse qui reliera Las Vegas dans le Nevada à Los Angeles en Californie, un accord qui symbolise le renforcement des relations commerciales sino-américaines.
A n'en pas douter, ces liens commerciaux vont continuer de croître. Lors d'une table ronde de PDG sino-américains organisée mercredi à Seattle, le président chinois Xi Jinping a appelé à renforcer la coopération économique entre les deux pays.
Lors de la première étape de sa visite d'Etat aux Etats-Unis du 22 au 25 septembre, M. Xi a fait valoir le fait que "l'investissement des entreprises chinoises aux Etats-Unis n'a cessé de croître au cours des dernières années, créant ainsi un grand nombre d'opportunités d'emploi dans le pays".
"Nous soutenons les grandes entreprises américaines qui installent des sièges régionaux ou des centres de recherche et de développement en Chine, et nous encourageons davantage de petites et moyennes entreprises à développer leurs affaires en Chine. Parallèlement, la Chine va continuer à augmenter ses investissements aux Etats-Unis", a-t-il précisé.
Mettant l'accent sur la nature mutuellement bénéfique de la coopération économique et commerciale sino-américaine, le président Xi a noté qu'il existait de nouvelles opportunités pour la Chine et les Etats-Unis et qu'ils devraient approfondir leur coopération économique au profit de leur développement et de la prospérité du monde.