Dernière mise à jour à 18h25 le 12/07
Quotidien du Peuple : Selon vous, est-ce que ce tribunal arbitral a la compétence et l'autorité nécessaire pour résoudre des différends internationaux, notamment lorsqu'il s'agit d'un territoire maritime ?
J.Pégouret : L'autorité du TPA est légitime pour l'interprétation et l'exécution des résolutions de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la Mer (CNUDM).
Par contre, il n'est pas habilité à se prononcer sur les litiges territoriaux et la délimitation des frontières.
Saisi en 2013, il a effectivement admis en 2015 cette limite de prérogatives en se déclarant compétent seulement sur la qualification géologique des zones disputées.
Selon toute vraisemblance, le verdict du TPA, répondant sur la qualification des zones contestées, sera interprété comme faisant droit aux revendications des Philippines mais tout dépendra des suites qui lui seront données.
Quotidien du Peuple : Sur la base du consensus des pays concernés du respect des faits historiques et conformément au droit international, la Chine s'est toujours engagée à préconiser la résolution du conflit de souveraineté territoriale par le biais de négociations et consultations. Que pensez-vous de cette résolution du conflit ?
J. Pégouret : L'attitude qui cherche à résoudre les conflits par le droit, qui plus est en faisant appel à des règles propres à une culture provisoirement dominante est périlleuse.
L'histoire a montré les pièges dans lesquels étaient tombés des pays ne répondant pas aux critères de gouvernance édictés principalement par les puissances occidentales à l'issue des deux Guerres Mondiales mais aussi dans des périodes précédentes.
La France n'a pas accepté la perte de l'Alsace et de la Moselle en 1860 et a récupéré ces territoires en 1918 dans un grand élan patriotique et un conflit qui a fait 18,6 millions de morts.
Le Traité de Versailles a alimenté le sentiment d'humiliation de l'Allemagne débouchant sur la Deuxième Guerre mondiale et aussi été l'un des points de départ du mouvement du 4 mai 1919 après l'attribution injuste au Japon des concessions que l'Allemagne avait obtenues en Chine lors des Guerres de l'opium.
Plus récemment, les interventions militaires occidentales, sous couvert de résolutions de l'ONU, ont conduit à des désastres en Irak et en Libye notamment. Pourtant, elles avaient été légitimées par la présence soi-disant bien établie « d'armes de destruction massive » ou pour « protéger les civils de Benghazi »
A l'inverse, l'Organisation de Coopération de Shanghai (OCS) donne un contrexemple remarquable de forum de résolution des différends territoriaux et de coopération mutuellement avantageuse.
C'est dans ce contexte que Chine et Russie ont résolu leur conflit frontalier dans les régions de l'Oussouri et de l'Argun et qu'on n'observe plus, depuis la création de l'organisation il y a 15 ans, de conflits entre ses pays membres.
Il est révélateur que l'Inde rejoigne l'OCS alors que subsiste une situation encore non réglée au Cachemire avec la Chine et que deux pays en conflit ouvert au Nagorno-Karabakh, l'Arménie et l'Azerbaïdjan, aient rejoint l'organisation comme partenaires de dialogue.
Lors de la 16e réunion de Chefs d'Etat de l'OCS les 23 et 24 juin 2016 à Tachkent, les participants ont salué les progrès obtenus dans « l'esprit de Shanghai » fondé sur la confiance, le respect mutuel, l'égalité, le respect de la diversité des civilisations et la poursuite d'un développement commun.
L'OCS est visiblement perçue comme plus propice au règlement des conflits que l'arbitrage des instances de l'ONU et, en conséquence, attire progressivement les voisins des pays créateurs.
Le nouveau président philippin Duterte s'est prononcé pour la reprise des négociations avec la Chine et, semble-t-il, pour mettre de côté la saisine du TPA.
Elu sur une base populaire et devant affronter les milieux d'affaire proches de l'ancienne présidence et les groupes maffieux, il peut avoir besoin de l'aide financière de la Chine pour réaliser les investissements requis pour son programme basé sur l'élévation de vie des couches populaires et la sécurité.
Le verdict du TPA pour le cas philippin pourrait être une chance pour la Chine de prendre définitivement la main en Mer de Chine méridionale
Mais à quelques mois des élections présidentielles aux Etats-Unis, on peut cependant redouter que l'administration Obama veuille appuyer la politique agressive déployée contre la Chine depuis 2010 auprès des pays de l'ASEAN et de l'APEC par la candidate démocrate Hilary Clinton.
La période qui suivra le verdict du TPA sera très critique car le nouveau président philippin risque d'être dépassé par la surenchère des Etats-Unis auprès de ses alliés dans la région et des manœuvres ou des incursions militaires qu'ils seraient tentés de mener pour provoquer la Chine.
(Li Yongqun, journaliste au Quotidien du Peuple)