Dernière mise à jour à 12h11 le 05/03
"Ma famille était tellement pauvre que je me suis presque mariée à un homme juste parce que sa famille avait promis de nous acheter une bicyclette", a indiqué Rayhangvl Emir, une législatrice ouïgoure du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine.
Mme Emir est responsable de la réduction de la pauvreté et de l'emploi dans un bourg à Kachgar, l'une des villes les plus à l'ouest de la Chine. Âgée de 28 ans, elle est à Beijing pour participer à la 5e session de la 12e Assemblée populaire nationale (APN, parlement chinois), qui s'ouvrira dimanche.
Elle est députée à l'APN depuis environ cinq ans, et ses propositions lors des sessions précédentes de l'APN étaient principalement centrées sur l'emploi et la réduction de la pauvreté, dont une a mené à la construction d'une usine textile dans sa ville, qui devrait employer 5.000 personnes.
Cette année, elle soumettra une proposition sur la formation professionnelle dans les quartiers locaux de la ville. De nombreux habitants de Kachgar ne sont pas employés dans les usines et restent dans une situation de pauvreté car ils n'ont pas de compétences.
LE LIEN AVEC NINGBO
Mme Emir s'est toujours demandée pourquoi certaines personnes étaient pauvres. Née dans un petit village du district d'Akto, elle se souvient être allée à l'école pieds nus. Elle n'avait pas de jouet acheté dans un magasin et n'a jamais imaginé une telle chose.
Sa vie a pris un autre tournant en 2007, alors que des agents de recrutement pour des usines de la province du Zhejiang sont venus à la recherche de travailleurs.
Aspirant à une vie meilleure et curieuse de nature, elle a refusé la demande en mariage et la bicyclette, et s'est rendue dans l'est du pays pour travailler dans une usine textile à Ningbo, avec 40 autres personnes.
"Les yeux des villageois étaient remplis de haine le jour de notre départ. Aussi difficile que soit la vie, les filles de ma ville natale sont censées se marier et travailler dans les champs avec leurs maris durant le reste de leur vie".
Sa vie à Ningbo n'était pas facile au début. Ni elle, ni ses compagnons ne parlaient couramment le mandarin et ne possédaient les compétences pour leur travail. Après plusieurs mois, Mme Emir a figuré parmi les meilleurs employés de l'usine, de manière générale grâce à l'aide et au soutien des autres travailleurs, également loin de chez eux.
"Je gagnais environ 4.000 yuans (580 dollars) par mois", a-t-elle indiqué. "J'étais très contente. Dans ma ville natale, je n'ai pas pu faire d'études universitaires parce que ma famille ne pouvait pas payer les frais de scolarité de 5.000 yuans".
Après avoir entendu parler de la réussite de Mme Emir, deux de ses frères aînés sont venus à Ningbo pour la rejoindre. Avec l'argent qu'ils ont gagné, la famille a construit une maison en briques peinte en bleu et blanc, avec 17 pièces, remplaçant l'ancienne maison en terre de trois pièces.
LE SENS DE LA RESPONSABILITE
Mme Emir a fini par croire qu'elle avait la responsabilité d'aider les autres à trouver la prospérité. Avec son aide, environ 1.800 personnes de son district sont allées travailler à Ningbo. En 2012, elle est retournée au Xinjiang pour étudier dans un collège professionnel à Urumqi, capitale du Xinjiang, choisissant de se spécialiser dans la traduction du mandarin chinois à la langue ouïgoure.
"Le mandarin est une nécessité pour la recherche d'emploi hors du Xinjiang", a indiqué Mme Emir. Sa nouvelle compétence linguistique a largement contribué à son travail de réduction de la pauvreté.
En 2013, elle a été élue députée à l'APN alors qu'elle était encore étudiante. Après avoir obtenu son diplôme, elle est devenue une fonctionnaire à Kachgar. "Avec mes expériences, et en tant que députée à l'APN et responsable du bourg, je peux aider davantage de personnes", a-t-elle ajouté.
Tout en aidant des personnes à trouver des empois dans les provinces de l'est du pays, Mme Emir et le gouvernement local aident également des entreprises à mettre en place des usines locales.
Par rapport à il y a dix ans, de grands changements ont eu lieu dans la région du Xinjiang, concernant les infrastructures, l'économie et les conditions de vie. A Kachgar, des usines apparaissent partout, et quitter la ville natale pour trouver un emploi n'est plus la seule option.
L'économie du Xinjiang a augmenté de 7,6% en 2016, soit 0,9 point de pourcentage de plus par rapport au taux national. Les revenus ruraux disponibles par habitant ont augmenté de 8% pour atteindre 10.183 yuans.
D'après Mme Emir, le développement local a connu une forte expansion après la deuxième conférence centrale de travail sur le Xinjiang en mai 2014, alors que les autorités centrales ont commencé à consacrer davantage de fonds à l'éducation et à inscrire davantage d'enfants à l'école, en adoptant plus de politiques visant à réduire la pauvreté dans les régions rurales et frontalières.
Ces dernières années, un programme connu en tant qu'"aide au jumelage" a permis à d'autres provinces et municipalités d'offrir leur soutien financier et personnel au Xinjiang, en construisant de nouvelles infrastructures et en finançant l'industrie locale. Environ 1,74 million de personnes sont sorties de la pauvreté depuis 2011. La plupart des villages possèdent actuellement l'électricité et l'eau courante, et peuvent être rejoints par des routes pavées.
Interrogée sur son moyen de transport à Kachgar, Mme Emir a répondu avec un sourire : elle et son mari ont acheté une voiture l'année dernière.