Dernière mise à jour à 10h51 le 15/02
Avec l'entrée en vigueur ce vendredi de l'accord économique et commercial de phase 1 entre la Chine et les Etats-Unis, le développement futur des relations entre les deux plus grandes économies du monde est de nouveau au centre de l'attention mondiale.
Lors d'un entretien téléphonique la semaine dernière consacré à l'épidémie du nouveau coronavirus, le président chinois Xi Jinping et son homologue américain Donald Trump ont salué cet accord et ont convenu de promouvoir davantage les relations bilatérales. Ce nouveau consensus a rassuré les hommes politiques, les bourses, l'industrie manufacturière et les gens du monde entier.
De fait, ceux qui suivent de près les interactions sino-américaines n'ont pas seulement les yeux fixés sur cet accord qui a temporairement atténué la dispute commerciale ouverte par Washington à l'heure du 40e anniversaire de leurs relations diplomatiques, mais ils cherchent également à discerner l'orientation de ces relations complexes et importantes pour les 40 prochaines années.
Alors qu'ils cherchent des réponses, le récent livre "Fausses craintes : les relations entre les Etats-Unis et la Chine" pourrait leur fournir quelques indices à cet égard. Ecrit par l'expert chinois Xin Jiyan, il propose une approche rationnelle pour présenter les aspects historiques, culturels et économiques des relations sino-américaines.
Il est l'antithèse du "Marathon de cent ans : la stratégie secrète de la Chine pour remplacer l'Amérique comme superpuissance mondiale", une publication sensationnaliste du sinologue américain Michael Pillsbury qui génère des craintes infondées sur le développement de la Chine.
Malgré ce fort contraste, les deux livres laissent entendre qu'il est important de remonter en arrière dans le temps pour avoir un éclairage. Et, de fait, l'histoire récente offre une bonne leçon.
Quand le président Mao Zedong et son homologue américain Richard Nixon ont lancé le processus de normalisation des relations bilatérales voici un demi-siècle, ils voyaient et pensaient au-delà de leur époque et des frontières de leurs pays.
Aujourd'hui, à une époque d'interdépendance croissante et à une nouvelle étape cruciale des relations bilatérales, une telle vision à long terme et globale est plus que jamais nécessaire à Washington lorsqu'il s'agit d'élaborer la stratégie américaine vis-à-vis de la Chine.
Le 2 juin 1971, M. Nixon recevait une lettre secrète de la Chine indiquant que M. Mao espérait avoir un entretien direct. Il avait alors envoyé son conseiller à la sécurité nationale, Henry Kissinger, pour discuter avec la Chine dans le cadre d'une mission secrète, qui devait paver le chemin à la visite du président américain à Beijing en février 1972, laquelle ébranla le monde.
"Le timonier doit dominer les flots, sinon il sera submergé par la marée", avait dit Richard Nixon lors d'une rencontre avec le Premier ministre chinois d'alors Zhou Enlai. Cette dynamique de dialogue et de compréhension s'est maintenue malgré les changements de dirigeants. Le 1er janvier 1979, la Chine et les Etats-Unis établissaient des relations diplomatiques au niveau des ambassadeurs.
Comme M. Kissinger l'a observé dans son livre "De la Chine", lorsque la Chine et les Etats-Unis ont commencé à rétablir leurs relations, la plus importante contribution faite par les dirigeants de l'époque a été leur volonté de porter leur regard au-delà des dossiers immédiats du moment.
Grâce à de telles perspectives stratégiques de la part des deux parties et à leurs efforts sans relâche pour renforcer la coopération et la compréhension, les deux grandes puissances mondiales ont été le témoin ces dernières décennies du passage de contacts exploratoires à un partenariat fructueux, d'une exclusion mutuelle à une interdépendance étroite.
Malheureusement, à l'opposé de cette dynamique historique, les relations sino-américaines connaissent aujourd'hui de graves troubles. Le 40e anniversaire des relations diplomatiques sino-américaines en 2019 a vu les deux pays, au lieu de célébrer cet événement, s'engager dans une dispute commerciale, considérée par nombre de personnes comme une tentative américaine d'endiguer le développement de la Chine.
A l'avenir, comme le propose Xin Jiyan dans son livre, la clé pour prendre une bonne décision, tant côté américain que chinois, réside dans la capacité à porter un jugement exact sur les intentions stratégiques de l'autre, au lieu de se jeter les yeux fermés dans le soi-disant piège de Thucydide.
Ce conseil est particulièrement pertinent. En analysant les causes de cette dispute commerciale, on peut facilement déceler des signes montrant que Washington, brandissant capricieusement le gros bâton des droits de douane, envisage désormais de substituer des bénéfices à long terme par des récompenses instantanées en se montrant prêt à plonger le monde entier dans le chaos pour son seul profit.
Les brutales perturbations infligées aux deux économies illustrent le danger d'une telle quête de satisfactions à court terme. D'un autre point de vue, elles prouvent une fois de plus que pour la Chine et les Etats-Unis, la coopération et le dialogue valent mieux que la friction et la confrontation.
De plus, les relations entre grandes puissances servent de pierre angulaire à la stabilité mondiale. En cette ère de la mondialisation, les relations sino-américaines ont encore plus d'importance pour le monde. En réfléchissant à l'avenir des relations bilatérales, Beijing et Washington doivent penser avec une perspective globale. Les coûts élevés de la dispute commerciale initiée par les Etats-Unis que paie l'économie mondiale constituent un rappel qui donne à réfléchir.
Comme M. Xi l'a confié à M. Trump lors de leur dernier entretien téléphonique, la signature de l'accord économique et commercial de phase 1 démontre que les deux pays peuvent toujours trouver des solutions acceptables pour chacun par le dialogue, à condition qu'ils préservent un esprit d'égalité et de respect mutuel.
Les deux parties devraient désormais mettre en oeuvre de bonne foi cet accord difficilement conclu et, plus important, maintenir cette dynamique positive et consolider leurs relations bilatérales reposant sur les principes de coordination, de coopération et de stablité non seulement dans leur propre intérêt, mais également dans celui du monde entier.
L'ancien diplomate américain Chas Freeman, qui a été l'interprète de M. Nixon lors de sa visite en Chine en 1972, l'avait ainsi souligné : "Nous nous devons à nous-mêmes et à notre postérité de nous efforcer davantage de travailler ensemble pour faire progresser les nombreux intérêts stratégiques que nous avons en commun".
Les "objectifs des Deux Centenaires" de la Chine et sa vision d'une communauté de destin commun pour l'humanité, entre autres, illustrent la sagesse politique dont font preuve les dirigeants chinois en matière de vision à long terme et d'engagement envers le bien commun.
Il est grand temps pour les dirigeants américains de retrouver la clairvoyance dont ont fait preuve leurs prédécesseurs voici 50 ans au lieu de se concentrer sur ce qui leur paraît l'intérêt seul de leur pays.