Cinq histoires s'entrecroisent sur les terrasses du vieux quartier d'Alger, Bab-el Oued, à peine interrompues par les cinq appels à la prière quotidiens: "Es-Stouh" (Les terrasses), le dernier film de Merzak Allouache ("Omar Gatlato", sélectionné à Cannes en 1977), nous offre un aperçu de la société algérienne en suspens.
Le choix des terrasses pour planter le décor de son film est motivé par une évolution récente qu'a pu observer le réalisateur en Algérie: "les terrasses ne jouent plus leur rôle traditionnel de rencontre et de repos, depuis peu elles sont devenues des lieux de vie, squattées. Le chaos perceptible de la rue a fini par atteindre ces espaces autrefois calmes et protégés".
Le film suit le développement de cinq histoires se deroulant sur ce nouvel espace de vie algérien, scandées par le rythme des cinq appels à la prière quotidiens. Un homme y torture son frère pour lui extorquer une signature au bas d'un document, une fillette discute avec son oncle enchaîné dans un placard sur le toit pour une raison inconnue, une famille de squatteurs tue le propriétaire de la maison dont ils occupent le toit, un commissaire prodigue quelques conseils pour mieux se débarrasser du corps du propriétaire qui s'avère être celui de son beau frère, un groupe de jeunes musiciens répètent sur la terrasse, à défaut de mieux, jusqu'au jour où une voisine se fait battre par un homme sous leurs yeux et enfin une petite équipe de cinéma se fait tuer car se trouvant au "mauvais endroit au mauvais moment".
Pour M. Allouache, la société algérienne n'a pas encore digéré la décennie noire de la guerre civile, "je travaille sur la société algérienne, que je critique, car elle se trouve dans une période très difficile, elle devrait être en train de se reconstruire mais elle semble malade". En effet toutes ces situations absurdes et caricaturales que M. Allouache raconte dans son film sont parfaitement comprises par le public algérien. "Par le surréalisme j'essaye de tirer la sonnette d'alarme", dit le réalisateur.
Ces terrasses sont des lieux cachés, à l'abri des regards et du contrôle social, elles permettent au réalisateur de "symboliser les situations occultées en Algérie, je tente de symboliser une certaine hypocrisie". Si le gouvernement algérien a donné son feu vert au tournage de ce film pourtant assez dur vis-à-vis de la société algérienne, M. Allouache n'en est pas moins amer de constater que "le film est en compétition officielle ici à Venise, mais pourtant je ne vois aucun représentant algérien".
Il nous explique qu'en ce qui concerne le cinéma dans son pays, "le problème n'est pas de tourner des films, je tourne ce que je veux mais le problème c'est plutôt qui regarde mes films? Car en Algérie le cinéma est quasiment mort".
Cette situation difficile, voire même dangereuse du cinéma en Algérie est symbolisée dans le film par cette équipe de cinéma qui en filmant au "mauvais endroit" se fait abattre parce qu'elle a vu quelque chose qu'elle n'aurait pas dû voir. "Le métier de réalisateur est encore difficile en Algérie", dit M. Allouache.