Dernière mise à jour à 09h29 le 10/09
Les "Assises du produire en France" qui se sont déroulées à Reims (région Grand-Est) jeudi et vendredi ont vu défiler nombre de candidats à la charge suprême de la République pour 2017. Une affluence qui illustre combien le "made in France", qui reste pourtant une exception, s'impose d'ores et déjà dans la campagne présidentielle d'un pays en pleine désindustrialisation.
Le "patriotisme économique" est sur toutes les lèvres dans l'Hexagone. Le thème de la réindustrialisation s'avère particulièrement porteur, surtout à huit mois d'une élection présidentielle. Vendredi, ce ne sont pas moins de seize candidats à la présidentielle, de droite et de gauche, ou leurs représentants, qui se sont succédés à la tribune de la seconde édition des "Assises du produire en France", à Reims, dans la région Grand-Est.
Organisateur de la manifestation en 2015, le socialiste Arnaud Montebourg, ancien ministre de l'Economie et du Redressement productif, a ouvert le feu. "Il faut que notre pays retrouve sa fierté industrielle. J'ai fait le choix de dédier ma candidature au made in France. Produire en France c'est avoir l'esprit patriotique. Je veux bien ne pas être protectionniste mais il ne faut que l'on soit naïfs", a-t-il lancé.
Candidat à la présidentielle 2017, Arnaud Montebourg se veut le champion de la "démondialisation", affirmant que son action au gouvernement a permis de sauver "plus de 200 000 emplois" sur "240 000 menacés".
Aux côtés de l'ancien ministre de l'Economie et du Redressement productif, le vice-président de l'UDI (Union des démocrates et indépendants/centre), Yves Jégo, il entend faire du patriotisme économique une grande cause nationale.
"Plutôt que de politiser sans cesse le débat et de parler une énième fois de la nécessité de baisser ou non les charges pour les entreprises françaises, il faut réaffirmer que la marque France est un plus pour elles qu'elles doivent mieux exploiter", défend Yves Jégo, lui aussi organisateur des "Assises du produire en France".
En 2010, Yves Jégo a lancé le label "Origine France Garantie" dans le but de distinguer les produits réellement fabriqués dans l'Hexagone. Aujourd'hui, 1 600 produits de 500 entreprises ont obtenu ce label. Dernièrement, les bottes Aigle et les costumes Daniel Hechter.
Arnaud Montebourg et Yves Jégo sont loin cependant d'avoir le monopole de la défense du "fabriqué en France". D'un bout à l'autre de l'échiquier politique, on prône le "protectionnisme", le "patriotisme économique", ou encore la "préférence nationale".
A Reims, vendredi, chacun y est allé de son couplet. De la patronne du Front National Marine Le Pen, au gaulliste Nicolas Dupont-Aignan, à l'écologiste Cécile Duflot, au leader du Front de gauche Jean-Luc Mélenchon, Alain Juppé et Bruno Le Maire, rivaux dans son propre camp de l'ancien Président de la République Nicolas Sarkozy.
Dans un contexte de crise économique, de chômage de masse et de destruction d'emplois industriels (moins de 10 % des emplois français sont désormais liés à l'industrie), le discours autour du "Made in France" permet dans le même temps de diaboliser la mondialisation, de s'adresser aux classes populaires qui se sentent abandonnées par la classe politique, tout en flattant la fibre patriotique et l'ego national des entrepreneurs et des patrons.
Sur le terrain, si l'on observe certes un nombre croissant de jeunes entrepreneurs qui s'organisent pour produire localement, le "Fabriqué en France" reste l'exception. Le slip français, créé en 2011 par Guillaume Gibault, ou le jean 1 083, fabriqué dans la Drôme par Thomas Huriez n'ont pas fait beaucoup d'émules jusqu'ici.
Le nombre d'emplois serait multiplié par trois lorsqu'un consommateur choisit de consommer français, affirme une étude de la Fédération indépendante du Made in France et Le Bottin du Made in France sans qu'il soit possible pour autant de vérifier de tels chiffres.
Les comportements des consommateurs seraient par ailleurs en train de changer, se félicite-t-on. En 2015, 70% des Français se disaient prêts à payer entre 5% et 10 % plus cher pour acquérir des produits fabriqués dans l'Hexagone, selon l'Institut français de l'opinion publique (IFOP). Mais, là aussi, difficile de s'assurer de la fiabilité de telles déclarations.
Certains entrepreneurs reviennent maintenant en France, mettent encore en avant des observateurs. Mais c'est peut-être moins par patriotisme que par réalisme économique, lorsque les coûts sont à nouveau avantageux dans l'Hexagone. C'est le cas de Zodiac, le fabricant de pneumatiques qui a expliqué avoir quitté la Chine parce que les salaires y avaient considérablement augmenté.
Fabriquer en France a un sens économique si les coûts sont supportables et si l'entreprise apporte un peu plus, préviennent des économistes. Le "Made in France" peut être alors un fer de lance à l'export. Plutôt que de demander aux Français d'acheter français, il faut convaincre les étrangers de le faire, insistent-ils.
Mais, autant l'enjeu est capital pour la France, autant le débat politique sur le patriotisme économique flirte bien souvent avec le populisme et risque de devenir un fond de commerce pour des candidats à la présidentielle, comme ce fut le cas en 2012.