Dernière mise à jour à 16h51 le 19/05

Page d'accueil>>Economie

Pauline Houl revient sur les relations économiques sino-suisses

le Quotidien du Peuple en ligne | 19.05.2017 16h32

Lors de la clôture du Forum d'«Une Ceinture, Une Route», Pauline Houl, membre de la délégation de la Présidente de la Confédération suisse et secrétaire générale de la Chambre de commerce Suisse-Chine, a accordé une interview à People.cn en donnant ses dernières impressions sur cette initiative d'envergure proposée par le Président Xi Jinping.

Défis et opportunités

Les relations commerciales et diplomatiques entre la Chine et la Suisse ont de tout temps été excellentes, a d'abord expliqué Pauline Houl, qui travaille depuis des années dans les échanges économiques des deux pays. Non seulement la Suisse est la première nation européenne à avoir conclu un accord de libre-échange avec la Chine, mais c'est aussi l'un des premiers pays d'Europe occidentale à adhérer à la banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB). De plus, la Confédération Helvétique se positionne actuellement comme l'un des principaux centres pour l'internationalisation du RMB en Europe, créant ainsi une base solide pour la coopération bilatérale.

Cependant, la Chine d'aujourd'hui est confrontée à quatre défis principaux : Transformer son modèle de croissance, quantitativement et qualitativement. Maîtriser l'inévitable ralentissement de la croissance sous forme d'un atterrissage en douceur. Savoir traiter les relations de la Chine avec l'économie mondiale. Et enfin voir comment faire face à l'évolution de la politique intérieure du pays.

Pauline Houl a mis en évidence l'état actuel des entreprises suisses en Chine: «Les sociétés étrangères investissant en Chine rencontrent désormais des difficultés en raison du ralentissement économique». Les réglementations rendent également leur travail plus difficile et les gestions plus attentives des autorités chinoises sur Internet ont pesé sur l'activité économique globale.

«Bien que l'on soit confronté à une plus forte concurrence des firmes locales, les perspectives demeurent positives et la Chine reste encore un marché attrayant», a-t-elle souligné.

Ajoutant que la ‘nouvelle normalité' du développement économique, caractérisée par un meilleur environnement de l'urbanisation, l'optimisation de la structure de l'énergie, la modernisation industrielle, la consommation intérieure (en particulier des services), et l'innovation, vont créer de nouveaux débouchés pour les compagnies étrangères et surtout pour les entreprises suisses».

Les relations sino-suisses le long de l'initiative «Une Ceinture, Une Route»

Selon Pauline Houl, il y a actuellement entre 800 et 1000 entreprises suisses et leurs filiales établies en Chine, employant plus de 200000 personnes.

La Suisse présente un avantage compétitif dans les domaines de la finance, l'agriculture, les Cleantech, la santé, l'éducation et les hautes technologies. L'innovation est également un secteur oùl'excellence du pays est considérée comme une prioritépar la Chine.

Le 8 avril 2016, lors de sa visite d'Etat en Chine, l'ancien Président de la Confédération Suisse Johann Schneider-Amman a publié avec le dirigeant chinois Xi Jinping une déclaration conjointe pour établir un partenariat sur la stratégie d'innovation entre les deux pays.

Quant à l'initiative «Une Ceinture, Une Route», pour 2016, la participation des sociétés suisses a été plutôt modérée. «Nous prévoyons une croissance plus forte en 2017 et pour les prochaines années à venir lorsque tous les processus seront mis en place», a-t-elle précisé.

Les multinationales suisses ayant déjà une forte présence en Chine vont profiter d'avantage de cette initiative, mais ce sera un peu plus compliqué pour les PME. La compétitivité de l'économie suisse réside justement dans ses petites et moyennes entreprises hautement spécialisées et flexibles, représentant plus de 99% de l'ensemble des entreprises enregistrées en Suisse qui emploient les deux tiers de la main-d'œuvre totale.

Dans l'avenir, Pauline Houl a indiqué que la Suisse attend un meilleur accès du marché chinois pour certains produits et services innovants, notamment dans l'industrie des certifications. Les entreprises suisses opérant dans les domaines tels que l'agriculture, l'agro-alimentaire, les services financiers, les transports ainsi que la santé et les sciences de la vie pourraient aussi bénéficier d'une demande accrue accompagnant le développement économique de la Chine et des pays qui participent aux nouvelles Routes de la Soie.

Le modèle suisse de la formation professionnelle

Le Président Xi Jinping a affirmé lors de sa dernière visite d'Etat en Suisse que ce pays offrait un modèle de formation professionnelle idéal dont la Chine doit s'inspirer afin de faciliter l'emploi des jeunes. Les deux nations ayant signé à cette occasion un accord de partenariat dans plusieurs domaines.

«La complexité des machines et processus de production actuels nécessite un niveau d'ingénierie élevé. La Chine a besoin de collaborateurs plus expérimentés. Cette préoccupation est aussi partagée par les entreprises suisses implantées en Chine qui sont à la recherche d'une main d'œuvre qualifiée», a noté Pauline Houl.

En réponse à cette proposition, elle a fondé en 2016 le premier institut Suisse pour la formation professionnelle et l'éducation en Chine. Le « Swiss Institute for Vocational Education and Training » (SIVET) lancera fin 2017 sa première classe pilote de 100 élèves. La structure est gérée en collaboration avec les gouvernements suisse et chinois.

Cette première école bénéficie de nouvelles infrastructures dans un campus de plus de 100 000 mètres carrés situé dans la province du Guizhou (sud-ouest de la Chine) qui a signé en 2015 un partenariat avec la Chambre de Commerce Suisse en Chine et ses entreprises. D'autres établissements devraient par la suite être créés dans tout le pays, notamment dans les provinces où se trouvent le plus grand nombre d'entreprises suisses, telles que Wuhan, Chengdu, Chongqing, Shandong, Shanxi, Guangxi, Fujian, Guangzhou, Beijing, Shanghai, avec 3000 élèves en moyenne dans chaque institut.

Améliorer la compétitivité des acteurs chinois

Concernant le Forum d'« Une Ceinture, Une Route », les réactions des médias occidentaux sont très variées. Pour Pauline Houl, la presse suisse perçoit cette initiative comme globalement positive. Soulignant que «dans un monde agité, une telle initiative est importante pour promouvoir la paix et non la guerre, afin de renforcer l'économie mondiale et d'unir les pays, plaidant pour la diversité culturelle et la tolérance en aidant les nations dans le besoin et en coopérant avec les plus forts».

Mais pour cette professionnelle du commerce bilatéral, les acteurs chinois peuvent encore améliorer leur compétitivité pour mieux bénéficier de l'économie mondiale. Notant que les Chinois approchaient les sociétés étrangères d'une manière trop artisanale. Par exemple : «Un dirigeant chinois préfère faire confiance à son ami d'école ou à un copain d'enfance même si celui-ci ne connaît que vaguement le marché étranger plutôt que d'écouter un spécialiste».

«C'est très bien la confiance, mais il faut distinguer la confiance et la compétence. Parfois, en Chine on fait passer cette première devant le savoir-faire. Il vaut mieux un bon équilibre des deux».

Il y a aussi le cas de nombreuses zones industrielles conçues dans le but d'attirer des investisseurs et firmes étrangères, mais peu de preneurs à la fin de la construction.

«Le projet est souvent entre les mains des Chinois qui lèvent la voile seulement une fois que les travaux sont quasiment achevés. La partie étrangère n'a pas son mot à dire sur la conception de cette ville », a fait remarquer Pauline Houl, en ajoutant que «dans un esprit de solidarité, les gouvernements étrangers sont souvent prêts à apporter leur aide technique mais ne vont certainement pas payer un bureau pour la communication d'une ville qu'ils n'ont pas décidé de construire».

Pauline Houl a suivi ses études à l'IMD de Lausanne et est titulaire d'un diplôme d'expert-comptable. Elle a eu comme mentor le président du Sénat français Christian Poncelet et Paul Dor, ancien président de Fortis PrivateBanking. Elle fait partie du Club XXIe siècle grâce au parrainage de Jacques Attali.

Après sept ans comme directrice générale en Chine pour le Groupe Fortis Intertrust, elle est aujourd'hui la CEO pour la Chine, Taiwan, Hong Kong de Eurohold, tout en assumant le rôle de la secrétaire générale de la Chambre de commerce Suisse-Chine. 

(Rédacteurs :Qian HE, Guangqi CUI)
Partez cet article sur :
  • Votre pseudo
  •     

Conseils de la rédaction :