A l'occasion de la troisième session plénière du 18e Comité central du PCC, Richard ARZT, journaliste de « Paris-Match » résidant en Chine a accordé une interview exclusive au Quotidien du Peuple en ligne, afin de donner ses points de vue sur cet événement.
1. Depuis combien de temps êtes-vous en Chine ?
Je suis journaliste-correspondant en Chine depuis 2008. Pour Paris-Match et surtout pour Le Parisien et LCP. Auparavant, je travaillais en France à la radio RTL. Je venais cependant deux fois par an en Chine depuis 1980 pour faire des sujets sur les évolutions de la politique, de l'économie et de la société.
2. Quels sont vos centres d'intérêt concernant la troisième session plénière du 18e Comité central du PCC ?
Cette 3e session plénière d'un Comité central indique généralement en Chine les grandes évolutions à venir. C'est le moment où on peut voir quelles seront les grandes décisions de l'équipe au pouvoir. Ainsi, en 1978, c'est au cours du 3e plenum qu'a été proclamée sous l'autorité de Deng Xiaoping la nécessité de « l'ouverture » et de « la modernisation ». Aujourd'hui, l'économie et la société chinoises ont beaucoup évolué. Il n'est pas possible d'avoir une idée force aussi évidente qu'en 1978. Les dirigeants autour de Xi Jinping se sont mis d'accord sur « le rôle décisif » du marché. Ce qui permettra sans doute de soutenir les évolutions de l'économie chinoise. Mais sans remettre en cause « le système de propriété d'Etat ». Cette prudence est très intéressante : elle signifie que les évolutions ne peuvent pas aller aussi vite qu'avant car la Chine et le reste du monde sont plus complexes.
3. Avez-vous remarqué des différences ou changements au cours des dernières sessions ? Par exemple, sur le contenu, la forme et la cérémonie d'ouverture ?
Je trouve que la façon d'avancer est différente. Il n'est plus possible dans le monde d'aujourd'hui de déterminer une ligne de conduite d'un pays qui soit simple. Le développement a aussi rendu la Chine plus complexe. Les décisions politiques supposent sans doute de plus discuter qu'avant avec les acteurs économiques du pays. D'autres part, les décisions à prendre sont souvent des directions possibles. Au cours du plenum, il est probable qu'il a été décidé de suivre l'évolution de l'économie pour corriger telles ou telles évolutions. Il n'est plus question de repartir de zéro. Par exemple, le communiqué final indique qu'il a été question de la réforme des terres rurales. Mais il est clair qu'il va encore falloir travailler sur le droit de propriété des agriculteurs afin d'arriver à la meilleure solution possible. Ce Plenum fixe surtout, selon moi, des pistes de travail. Le regret que les journalistes peuvent avoir c'est que les séances du Plenum – ou certaines d'entre elles au moins - ne soient pas ouvertes à la presse. Ça aiderait beaucoup à comprendre pourquoi il y a des questions qui sont détaillées et d'autres pas.
4. Quelles sont les attentes, les commentaires de la presse française par rapport à cet événement ?
Je pense que la presse française s'attendait à des avancées plus spectaculaires. Or comme la méthode est finalement prudente et très réaliste, il n'est guère possible de faire de gros titres avec les résultats de ce Plenum. J'ai pu faire un papier cependant ! Mais le traitement journalistique international de cette réunion à Pékin est resté relativement modeste. Il va plutôt falloir observer maintenant les évolutions dans tous les domaines abordés par le communiqué final..
5. D'après vous, qu'apportera cette troisième session plénière 2013 à l'économie chinoise ?
Il est probable que tous les sujets abordés vont connaître des évolutions mais je pense qu'elles seront progressives. Il n'est pas possible – et sans doute il ne serait pas habile- de bousculer trop la société et l'économie chinoise. De plus la situation internationale n'est pas très stable actuellement. Donc, je pense que cette 3eme session plénière a un grand mérite : elle fixe les bases de travail et de réformes auxquelles doit s'atteler la Chine. Il y aura sans doute des domaines où les évolutions pourront être plus rapides que d'autres. Par exemple, je me pose la question sur l'indépendance de la magistrature par rapport aux pouvoirs locaux. C'est un thème seulement cité dans le rapport du Plénum . Il faudra voir comment cette nécessité évolue. De façon générale, je suis curieux de savoir comment sera composé et comment va évolué le « groupe central dirigeant » mis en place par le Plenum. Sa mission semble être de porter un regard sur le fonctionnement de la Chine et d'apporter des idées de perfectionnement. Voir cette institution au travail serait extrêmement intéressant ! Je parle en tant que journaliste !!
6. En tant que journaliste étranger résidant en Chine, quelles sont pour vous les changements les plus importants intervenus au niveau économique et social depuis ces dernières années ?
Cette question est très vaste. Je trouve que l'économie et la société chinoises évoluent vite. Le plus important est peut-être dans la formation d'une classe moyenne importante qui soutient le développement et la modernisation du pays. Sans doute est-il nécessaire que ce développement se poursuive et que cette classe moyenne soit encore plus importante. Et qu'elle ait pleine confiance dans la situation du pays. La crise économique hors de Chine amène peut-être à moins compter sur les exportations. Peut-être que l'essor de la Chine va désormais plus se faire à partir du centre du pays. De nouveaux équilibres pourraient ainsi se mettre en place.
7. Comment l'opinion publique de votre pays voit-elle cette troisième session plénière 2013 ?
L'opinion en France sent bien que c'est une nouvelle équipe qui est au pouvoir en Chine. Et que l'enjeu est de maintenir un bon niveau de développement et de croissance économique. A partir de là, il y a deux types de réactions : ceux qui estiment qu'il est bon que la Chine continue de se développer car cela soutient l'économie mondiale. Et ceux qui craignent que ce développement soit néfaste pour leurs intérêts. La session plénière de cette semaine n'apporte pas de réponses précises. Car c'est la Chine elle-même qui était le sujet. Pas son action économique et commerciale extérieure.
8. Si vous siégiez à cette troisième session plénière 2013, quelle proposition(s) feriez-vous pour améliorer la situation économique et sociale de la Chine ?
Il m'est très difficile de répondre à cette question car je ne peux pas me mettre à la place des membres du Comité central ! D'un point de vue de journaliste étranger, je pense qu'une plus grande ouverture des séances du Plénum permettrait de mieux comprendre où sont les possibilité d'évolutions de la Chine et où sont les blocages qui causent des retards.
9. Comment, à votre avis, pourrait être améliorée l'organisation et la communication autour de la troisième session plénière 2013 ?
C'est la suite de la réponse précédente. Je considère par exemple qu'une conférence de presse des dirigeants chinois à la fin de ce Plenum aurait pu être utile.