Jean-Claude Juncker (Photo d'archives) |
Le Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker a annoncé jeudi sa démission. Le doyen de la politique européenne tombe dans le pays le plus riche de l'Europe. C'est aussi la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale qu'un cabinet ne peut aller au bout de son mandat dans le petit Grand-Duché, qui a fait de la stabilité politique un des atouts pour attirer les investissements étrangers.
M. Juncker, issu du Parti chrétien social (CSV), a annoncé sa décision suite à l'éclatement de la coalition au pouvoir, dont les alliés socialistes font front commun avec l'opposition pour déposer une motion demandant la dissolution de la Chambre des députés et l'organisation des élections anticipées dans les trois mois. Le CSV devient donc minoritaire avec 26 députés sur 60 au sein du Parlement.
M. Juncker est membre du gouvernement luxembourgeois depuis plus de 30 ans et Premier ministre depuis le 20 janvier 1995. Il est ainsi le jeune doyen de la politique européenne. Il est l'un des architectes du traité de Maastricht et de l'Union économique et monétaire, étapes cruciales pour la construction européenne. M. Juncker était le premier président de l'Eurogroupe en 2005-2006 et a été reconduit à cette fonction en 2008, avant d'être remplacé par le Néerlandais Jeroen Dijsselbloem en janvier 2013.
Le scandale concernant des irrégularités et des malversations commises dans les années 2004-2009 par les services de renseignement placé sous l'autorité du Premier ministre est à l'origine de cette crise politique sans précédent. Une commission parlementaire avait été créée fin 2012 pour enquêter sur cette affaire.
être ou ne pas être?
M. Juncker et son parti ont été désavoués mercredi par tous les autres groupes composant la Chambre des députés lors des débats sur l'espionnage politique interne, des écoutes illégales et des malversations, comme des reventes de voitures de luxe achetées à pris réduit, perpétrés par les services secrets fonctionnant vraisemblablement en dehors de tout contrôle. Le rapport de la commission d'enquête dévoile la responsabilité du Premier ministre.
M. Juncker a déclaré n'assumer "aucune responsabilité personnelle" et ne pas avoir été mis au courant des actions menées en sous-marin par les services secrets, après avoir reconnu quelques petites erreurs. Mais sa défense n'était pas convainquante. Pour le président du Parti socialiste luxembourgeois, Alex Brody, "il y a eu de graves dysfonctionnements, la responsabilité du Premier ministre est engagée ... c'est à M. Juncker de porter la responsabilité politique".
La cote de M. Juncker, très populaire au Luxembourg depuis longtemps, sera mise en épreuve, puisqu'il pourra être candidat à sa succession lors des élections anticipées qui seront organisées probablement en octobre prochain. A seulement 59 ans, il détient le record de longévité à la tête d'un gouvernement européen pour avoir été côte à côte avec l'ex-président français François Mitterrand et l'ex-chancelier allemand Helmut Kohl. Sa personnalité, sa longévité et sa capacité à faciliter le consensus font de lui un homme de la synthèse entre Paris et Berlin.