Le 9 décembre, le Comité du renseignement du Sénat américain a publié un rapport d'enquête sur l'utilisation de techniques d'interrogatoire extrêmes par la CIA depuis les attaques terroristes du 11 septembre 2001. Il s'avère ainsi que la CIA a dissimulé la situation réelle sur ses actions au Congrès et au public ; le processus d'interrogatoire des prisonniers qu'elle décrit a en fait été infiniment plus cruel qu'elle ne l'a dit, et la torture n'a pas eu les effets escomptés pour la protection du peuple américain et la prévention des actes terroristes. Le rapport complet fait 6 700 pages, mais il reste encore un véritable secret d'Etat. Le contenu des 500 pages révélées le 9 décembre n'est en fait qu'un résumé et une conclusion du rapport.
Ce rapport d'enquête, qui a demandé 5 ans de travail et coûté 40 millions de Dollars US a révélé que la CIA a utilisé des techniques d'interrogatoire allant bien au-delà de ce que la loi permet, comme la simulation de noyade, l'isolement prolongé, frapper violemment la tête les prisonniers contre les murs, des coups et même des menaces de mort. Les enquêteurs, qui ont eu accès à environ 600 millions de documents de la CIA, estiment que beaucoup de preuves confirment que la situation réelle des tortures pratiquées par la CIA a été beaucoup plus brutale que ce qu'elle a expliqué au Congrès et au public.
Bien que la publication de ce rapport témoigne d'un certain aspect de lutte entre partis politiques, le comportement de la CIA ne reflète pas celui des Etats-Unis dans leur ensemble, mais elle montre tout de même aussi l'hypocrisie américaine face à la situation réelle en matière de discrimination raciale et de droits de l'homme. Dans un communiqué publié après la publication du rapport, le Président américain Barack Obama a déclaré que les actes commis par la CIA après les attentats du 11 septembre ont violé les valeurs américaines. Non seulement ce comportement violent est contraire aux valeurs américaines, mais il ne saurait assurer les intérêts des États-Unis en matière de sécurité dans leur vaste lutte contre le terrorisme. En outre, ces actes de torture ont gravement porté atteinte à la réputation de l'Amérique dans le monde, mais rendent également plus difficile la poursuite par ceux-ci de leurs propres intérêts avec leurs alliés et partenaires.
A Londres, le journal « Middle East News » a écrit que le scandale de ces abus est une parodie des soi-disant droits de l'homme aux États-Unis : les Etats-Unis ne cessent de parler des droits de l'homme, mais pour les prisonniers détenus par son agence de renseignement, il y a pas de droits de l'homme du tout, beaucoup d'entre eux sont victimes de nombreuses sortes d'abus. Face à ces tortures qui font froid dans le dos, les gens ont la sensation qu'ainsi les Etats-Unis ne montrent aucun respect pour les droits de l'homme et que cela constitue une preuve des violations dont ils se rendent coupables à cet égard.
A l'évidence, le comportement de la CIA n'est guère représentatif de celui des États-Unis, mais ce que le rapport révèle, c'est la contradiction flagrante entre la sécurité nationale et la liberté individuelle et, en fait, toutes les contradictions des relations entre les Etats-Unis et le monde : dans le monde, les droits de l'homme passent après les intérêts américains.
Le comportement de l'Amérique est une manifestation concrète de leur exceptionnalisme : en matière de politique étrangère, l'« exceptionnalisme » des Etats-Unis n'est pas seulement un mythe, mais un mythe dangereux, car il est construit sur quatre arguments incorrects : le premier, celui qui voudrait que le gouvernement américain est moralement et politiquement supérieur aux autres gouvernements. Le deuxième, le fait que les États-Unis sont indispensables à la paix et à la prospérité du monde. Le troisième, que pour les intérêts nationaux des États-Unis, les autres pays doivent être compatibles avec la politique américaine. Le quatrième enfin, que quand un pays refuse de coopérer, les Etats-Unis ont moralement droit de lui infliger des sanctions économiques et même d'y intervenir militairement.
Cet exceptionnalisme américain sape le soft power des Etats-Unis, et fait perdre beaucoup de force à leur rôle de défenseur des droits de l'homme.
Par Wang Yiwei, Directeur de l'Institut des affaires internationales de l'Université Renmin de Chine, et professeur de relations internationales