Une embarcation de fortune avec à son bord des migrants, mise à l'eau devant la Cour européenne des Droits de l'Homme (CEDH) à Strasbourg, a accosté mercredi au Parlement européen (PE) où ils ont été reçus par des eurodéputés, notamment écologistes. Une lettre de trois migrants a été remise afin qu'elle soit transmise au président du PE Martin Schulz.
Cet événement a été organisé par un collectif regroupant l'Association des Travailleurs Maghrébins de France (ATMF), ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions financières et l'Aide aux Citoyens), l'oeuvre oecuménique d'entraide la Cimade, le NPA67 (Nouveau Parti Anticapitaliste) ou encore Welcome to Europe, Afrique Europe Interact...
Dans la lettre, trois migrants, Ali Ahmed, Mohamed Bance, Samuel Babe qui ont fui la Libye en 2011 en appellent au président du PE : "Voilà vos propres mots : l'Europe peut faire et doit faire plus. (...) Il est plus que temps de changer nos politiques à l'égard des migrations et des réfugiés", écrivent-ils. "Nous demandons juste le droit de rester en Europe et de travailler", ajoutent-ils.
Les organisateurs de cette action symbolique baptisée "Un bateau vers le Parlement européen" déclarent qu'elle visait à dénoncer "une Europe forteresse aveuglée par l'obsession sécuritaire, toujours plus meurtrière", "la sous-traitance de la politique migratoire européenne aux pays de l'autre rive de la Méditerranée qui se traduit par des atteintes graves aux droits de l'homme et à la dignité humaine", "l'égoïsme et l'hypocrisie des Etats européens qui n'ont pas voulu aider l'Italie pour que l'opération Mare Nostrum continue".
Ce collectif milite pour l'arrêt de l'opération "Triton" menée par l'agence européenne pour la sécurité et les frontières européennes de l'UE appelée Frontex. Pour Hatem Gheribi de Watch the Med, Frontex "ne fait que du contrôle et terrorise les migrants. Elle ne sauve pas de vie". "Nous demandons aux parlementaires européens de regarder avec vigilance les actions de Frontex et d'exercer leur contrôle démocratique."
"Les milliers de migrants morts en mer sont une conséquence directe de la politique migratoire de l'Union européenne", affirme encore Hatem Gheribi selon qui "19.000 migrants ont été secourus par des cargos en Méditerranée entre novembre 2014 et avril 2015 contre seulement 1.700 par les bateaux de Frontex".
Dès le lancement de la mission "Triton", Amnesty International avait estimé qu'elle serait "vouée à l'échec", car elle "se trompait d'objectif". Le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, Antonio Guterres, s'était élevé contre le manque de moyens alloué par rapport à l'opération italienne "Mare Nostrum". Son budget est en effet trois fois inférieur à celui de "Mare Nostrum". Depuis l'abandon de "Mare Nostrum", les catastrophes sont de plus en plus meurtrières, affirme le HCR. Un député italien n'avait pas hésité il y a quelques semaines à parler de "mare mostrum"...
William Lacy Swing, directeur de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), s'est lui aussi prononcé pour le rétablissement de l'opération "Mare Nostrum".
Frontex fait l'objet, depuis 2013, de vives critiques dans le cadre d'une campagne baptisée Frontexit lancée par le réseau Migreurop. L'initiative regroupe une vingtaine d'associations humanitaires européennes, qui reprochent à l'agence basée à Varsovie de violer les droits fondamentaux et militent pour sa suppression.