Dernière mise à jour à 08h42 le 30/06
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a tenu mercredi, à Strasbourg, une audience dans une affaire concernant un ressortissant saoudien soupçonnée de terrorisme qui met en cause la responsabilité de la Roumanie dans le cadre du programme de prisons secrètes de la CIA (agence américaine de renseignements) en Europe visant des terroristes présumés.
Abd Al Rahim Hussayn Muhammad Al Nashiri affirme avoir été enfermé entre avril 2004 et septembre 2006 dans un centre de détention secret en Roumanie dirigé par les services de renseignements américains, "au su des autorités roumaines", avant son transfert pour Guantanamo. Dans la requête qu'il a introduite devant la CEDH en 2012, il allègue également avoir été maltraité et torturé pendant cette période sur le sol roumain.
Ce ressortissant saoudien d'origine yéménite, considéré comme un proche d'Oussama Ben Laden, est accusé par Washington d'être le cerveau de l'attentat terroriste visant le navire USS Cole de la marine américaine qui avait fait 17 morts le 12 octobre 2000 dans le port yéménite d'Aden. Il encourt la peine de mort.
Il est également soupçonné d'avoir joué un rôle dans l'attentat contre un pétrolier français en 2002.
Dans sa requête, Al Nashiri allègue que Bucarest a violé la Convention européenne des droits de l'homme, notamment les articles 3 et 5 portant sur l'interdiction de la torture et le droit à la liberté et la sûreté.
Il met en avant "l'absence d'enquête effective menée par la Roumanie" sur les circonstances entourant les mauvais traitements allégués, sur sa détention et son transfert vers Guantanamo.
Il soutient qu'"en autorisant son transfert de manière délibérée et en toute connaissance de cause malgré des motifs substantiels de croire qu'il existait un risque réel qu'il fût soumis à la peine mort", Bucarest a enfreint son obligation relative au protocole de la Convention européenne des droits de l'homme sur l'abolition de la peine de mort.
Lors de l'audience, la représentante de Bucarest a déclaré que "le gouvernement roumain n'a pas l'intention de contester l'existence d'un programme de prisons secrètes" mais a estimé qu'"au delà de ces éléments objectifs, il n'y a pas de preuves objectives de la complicité des autorités roumaines".
Dans une autre requête précédemment introduite par Al Nashiri, la CEDH a condamné en juillet 2014 la Pologne pour sa "complicité" dans la mise en place du programme de prisons secrètes de la CIA visant des terroristes présumés. Dans cette affaire, la CEDH a ordonné à la Pologne de lui verser 100 000 euros au titre de leur dommage moral.
La date du verdict de la CEDH dans l'affaire Al Nashiri contre Roumanie n'est pas encore connue.
L'existence de prisons clandestines contrôlées par la CIA hors du territoire américain, révélée fin 2005 par le quotidien américain The Washington Post, a été reconnue par le président des Etats-Unis à l'époque George W. Bush en 2006. En 2014, le Sénat américain a publié un rapport accablant sur ce qui s'est passé dans ces prisons secrètes installées après les attentants du 11 septembre 2001 dans le cadre de la lutte antiterroriste menée par les Etats-Unis.
Les eurodéputés ont condamné à plusieurs reprises le programme secret de détention et de restitution mené par la CIA et ont régulièrement appelé à des enquêtes approfondies quant à l'implication des États membres de l'Union européenne (UE) dans ces programmes. En juin dernier, ils ont adopté une résolution appelant les Etats membres de l'UE à "enquêter, en faisant preuve d'une transparence totale, sur les allégations faisant état de l'existence de ces prisons secrètes sur leur territoire et ont appelé à livrer à la justice les responsables ou complices européens.