Comment les talents et le travail d'équipe accélèrent les efforts vers un vaccin

Selon des experts, le développement rapide du vaccin anti-COVID-19 en Chine est le résultat de l'inspiration des défis de santé publique du passé, d'une mobilisation rapide mais méticuleuse de talents et de ressources et du respect rigoureux de normes scientifiques et médicales strictes à chaque étape de la recherche.

D'après l'Organisation mondiale de la santé, au 20 octobre, il y avait 44 candidats vaccins engagés dans des essais sur l'homme dans le monde, dont 15 développés par la Chine ou avec des partenaires chinois. La Chine compte quatre candidats vaccins en phase trois essais cliniques, dont trois vaccins inactivés et un vaccin à base de vecteur adénoviral, ou AdV5.

Lu Shan, membre du groupe de travail chinois sur le développement du vaccin COVID-19, a déclaré que la communauté scientifique du pays avait rapidement réagi à la nouvelle menace pour la santé publique, comme en témoigne l'organisation par le ministère des Sciences et de la Technologie de sa première réunion interministérielle sur la recherche sur l'agent pathogène le 21 janvier.

De nombreux scientifiques renommés, de ceux qui étudient l'origine du virus à ceux qui développent divers types de vaccins, étaient présents à la réunion, a déclaré Mme Lu au Science and Technology Daily, un journal géré par le ministère. De nouveaux projets de recherche et de nouveaux talents ont été constamment intégrés à l'effort de recherche alors que les scientifiques commençaient à en apprendre davantage sur le virus, et « le financement d'un nouveau projet arrive souvent le jour même de son approbation », a-t-elle noté.

« Le développement d'un vaccin avait de fortes chances d'échouer, et nous ne savions pas quelle voie technique pourrait conduire à un vaccin sûr et efficace », a dit Mme Lu. « Mais au fil des ans, nous avons accumulé le talent et les ressources pour essayer les cinq voies. La raison de cette décision était de garantir le succès ».

Les cinq voies techniques pour les vaccins sont les vaccins inactivés, les vaccins antigrippaux atténués, les deux types de vaccins à base d'acide nucléique -ADN et ARNm- et les vaccins à base de vecteurs adénoviraux. Selon l'Administration nationale des produits médicaux, le mois dernier, les cinq itinéraires contenaient des vaccins qui avaient commencé ou étaient prêts à commencer bientôt des essais sur l'homme.

Xu Penghui, chercheur en biotechnologie au Département des sciences et technologies pour le développement social du ministère, a pour sa part souligné que les progrès rapides de la Chine dans le développement du vaccin anti-COVID-19 sont enracinés dans les vastes connaissances professionnelles et administratives du pays acquises grâce à la création de nouveaux médicaments et à la gestion des risques de santé publique passés. « Depuis des années, nous surveillons de près diverses équipes de recherche à travers le pays. Nous savons exactement qui dirige la recherche et quelles sont leurs réalisations et leurs capacités », a-t-il indiqué, ajoutant que lorsqu'une nouvelle menace publique surgit, le ministère peut jouer le rôle de « chef de cabinet des scientifiques » et mobiliser rapidement les chercheurs en fonction de leurs spécialités pour relever ensemble le nouveau défi.

Ces équipes de recherche communiquent également de manière proactive et collaborent entre elles, partageant leur savoir-faire et assurant une meilleure allocation des ressources.

Par exemple, le ministère a d'abord chargé China National Biotec Group et Sinovac Biotech de créer le vaccin inactivé, mais plus tard, une équipe de recherche de l'Institut de biologie médicale de l'Académie chinoise des sciences médicales s'est jointe à l'entreprise.

Le ministère a également consacré du personnel dédié à répondre aux besoins de recherche fondamentale des scientifiques, tels que l'acquisition et le transfert d'animaux de laboratoire, ainsi que la redirection des ressources de laboratoire dans le nombre limité de laboratoires de biosécurité de niveau 3 du pays pour soutenir le développement de vaccins.

Bai He, une experte des produits biologiques à l'Administration nationale des produits médicaux, a souligné que la Chine dispose d'un comité d'experts compétent chargé de superviser chaque étape clé du développement des vaccins afin de garantir que la recherche est menée de manière rigoureuse, ce qui peut réduire le temps nécessaire pour corriger les erreurs. « Si le développement d'un vaccin est comme conduire une voiture, nos chercheurs poussent l'accélérateur, et le comité est au volant et corrige le cap si nécessaire », a-t-elle noté.

Lors d'une inspection d'une entreprise de biotechnologie fin mars, des experts ont découvert que l'expérience sur le modèle animal de l'entreprise était mal conçue, ils ont donc fourni des conseils pour des révisions sur place et ont aidé l'entreprise à gagner au moins deux semaines de temps de recherche, a indiqué Mme Bai.

Yang Xiaoming, président du China National Biotec Group, a de son côté déclaré aux journalistes en septembre qu'en dépit du besoin mondial et de l'urgence de développer un vaccin efficace, il est interdit à la société de raccourcir les étapes de la recherche. « Notre principe fondamental est de ne pas sauter une seule étape dans la recherche et de ne pas abaisser un seul point des normes de sécurité. Ce n'est que sur cette base que nous pouvons tout mettre en œuvre et saisir chaque instant pour la recherche », a-t-il expliqué.

Lorsque la pandémie a commencé, la société a immédiatement alloué 1 milliard de yuans (149,5 millions de dollars) au développement de vaccins. Sur la base de ses ressources et de son expertise, l'entreprise s'est finalement concentrée sur la création de vaccins inactivés et à base d'acide nucléique. Trois de ses filiales effectuant simultanément des recherches ont permis à l'entreprise de surmonter rapidement des défis clés dans le développement et la production de vaccins, a-t-il ajouté.

Des progrès dans les essais

Au cours des derniers mois, la Chine s'est engagée à rendre un vaccin chinois accessible aux pays d'Asie du Sud-Est, d'Afrique et d'Amérique latine. Le 9 octobre, la Chine a annoncé qu'elle avait rejoint le Centre d'accès mondial aux vaccins COVID-19, ou COVAX, une initiative co-dirigée par l'OMS qui vise à promouvoir un accès équitable aux vaccins, en particulier pour les personnes vulnérables et les travailleurs de la santé dans les pays en développement.

Liu Jingzhen, président du China National Pharmaceutical Group Co, souvent appelé Sinopharm, la société mère du China National Biotec Group, a déclaré le 20 octobre que des essais cliniques de troisième étape de ses deux vaccins candidats inactivés étaient en cours dans 10 pays étrangers, dont le Émirats arabes unis, la Jordanie, l'Argentine, l'Égypte et le Pérou. « Les commentaires actuels sont très satisfaisants et nous avons reçu une large reconnaissance de la communauté internationale », a-t-il dit.

Eduardo Spitzer, directeur scientifique du Laboratorio Elea Phoenix à Buenos Aires, a indiqué à la revue Nature début octobre que les attentes d'un vaccin chinois réussi sont élevées en Argentine. Les essais à grande échelle de Sinopharm dans le pays ont commencé en septembre et ont reçu une large couverture médiatique, a-t-il ajouté.

L'Institut Butantan de São Paulo, l'un des principaux centres de recherche biomédicale du Brésil, qui effectue des tests de phase trois du vaccin inactivé fabriqué par Sinovac Biotech, a déclaré la semaine dernière que le vaccin chinois s'était avéré sûr dans des tests impliquant 9000 volontaires.

« Les premiers résultats de l'étude clinique menée au Brésil ont prouvé que parmi tous les vaccins testés dans le pays, CoronaVac est le plus sûr (et) celui avec les taux les meilleurs et les plus prometteurs », a déclaré le gouverneur de São Paulo, João Doria, aux journalistes à propos du vaccin de la société.

Des perspectives prometteuses

The Lancet, l'une des principales revues médicales au monde, a publié un commentaire le 15 octobre qualifiant le vaccin inactivé créé par China National Biotec Group de « prometteur », tout en notant que des recherches supplémentaires étaient nécessaires pour vérifier les effets du vaccin sur les personnes plus âgées et plus vulnérables médicalement, ainsi que dans la compréhension de la durée et de la force de sa protection.

Selon une étude publiée dans la revue Nature fin septembre, les résultats cliniques existants montrent que les vaccins candidats inactivés chinois sont généralement sûrs et sont relativement mieux tolérés par les receveurs par rapport aux autres vaccins dans les essais humains de stade avancé. Cependant, l'efficacité des vaccins chinois est encore inconnue. De plus, en supposant que les vaccins inactivés nécessiteront deux doses par personne -le même dosage utilisé dans les essais cliniques- ce sera une tâche monumentale de les distribuer à l'échelle mondiale, étant donné que l'approvisionnement en seringues, flacons en verre et équipements associés pourrait créer un goulot d'étranglement, a expliqué l'étude.

« Il est très probable que les vaccins inactivés et basés sur AdV5 produits en Chine -ainsi que d'autres vaccins candidats produits en Inde et ailleurs- joueront un rôle majeur dans la satisfaction de la demande mondiale de vaccins contre le SRAS-CoV-2 », a conclu l'étude.