Environ 80 personnes ont été tuées et une trentaine d'autres blessées dans les violents combats lundi et mardi à Bambari, dans le centre de la Centrafrique, ayant opposé deux factions de l'ex-coalition rebelle centrafricaine de la Séléka minée par des divisions, d'après un bilan provisoire communiqué jeudi par des sources administratives et des responsables mêmes du groupe armé.
Entre les troupes du général Joseph Zoundéko, chef d'état-major "élu" de la Séléka installée depuis mai à Bambari, et les combattants peuls emmenés par le général Ali Djarass, sous-chef d' état-major chargé des opérations au sein de l'ex-rébellion écarté depuis trois mois des fonctions de commandant de région militaire dans cette ville,une crise pour la gestion de check-points a viré à l'affrontement.
En deux jours d'intenses accrochages à l'arme lourde, le bilan est déclaré "lourd", selon les propres propos du chef d'état-major Joseph Zoundéko, joint jeudi matin pour un entretien téléphonique avec Xinhua où il s'est cependant gardé de donner des détails de chiffres pour un incident dû à un simple "malentendu" entre frères d'une même famille, a-t-il expliqué.
"Selon les informations qui me sont parvenues, il paraît que du côté du général Ali Djarass il y a eu 72 morts et 23 blessés. Dans le camp du général Joseph Zoundéko, l'on annonce 6 morts et 7 blessés", a pour sa part rapporté le préfet du département de la Ouaka dont Bambari est le chef-lieu, Ben Ousmane Abakar, pris avec femme et enfants au piège de cette escalade de violences dans sa résidence. Le camp du général avait de son côté annoncé mardi "17 morts chez les Goula", contre une seule victime et trois blessés dans ses propres rangs. Le conflit entre les deux factions de l'ex-alliance rebelle s' est officiellement arrêté mardi soir, mais des tirs d'armes ont continué à retentir mercredi matin avant une médiation entreprise par les dignitaires musulmans sous la houlette de l'imam de la mosquée centrale de Bambari, Ibrahim Ahamat, qui a permis au général Zoundéko et son rival de se réconcilier, informe-t-on. Ouvert d'environ 13h45 à 15h00 (12h30 à 14h00 GMT) dans les locaux mêmes de la mosquée en présence d'une quarantaine de personnes, le conciliabule a été clôturé par une série de décisions dont l'une d'elles interdit aux ex-rebelles de la Séléka et aux combattants peuls recrutés par le général Djarass des déplacements dans les quartiers de Bambari munis d'armes, a fait savoir le général Zoundéko. Désormais, a-t-il précisé, tout mouvement des uns et des autres, contrôlé par les équipes de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) et de la force française Sangaris, dans cette ville du Centre de la République centrafricaine(RCA), distante de 384 km de la capitale Bangui, est soumis à l'obtention d'un ordre de mission signé de l'état-major. Les deux factions rivales se sont en outre accordées à mettre en place une équipe de police militaire permanente d'une trentaine de personnes autorisée à patrouiller dans la ville, comprenant parmi ses effectifs les différentes ethnies et groupes raciaux représentés au sein de la Séléka : Rounga, Goula, Peuls, Haoussa, Arabes, etc. Elles se sont aussi entendues pour veiller à la cessation des violences et dénoncer les responsables des exactions dans l' arrière-pays. "Nous avons décidé de tenir dans les 72 heures après la réconciliation une réunion d'état-major pour sensibiliser nos éléments sur les mesures de confiance adoptées", a encore indiqué le général Zoundéko. Concernant la gestion des check-points à l'origine du conflit, la médiation a permis l'installation immédiate d'une première équipe mixte d'une vingtaine de personnes pour le poste situé dans la ville en vue du contrôle routier donnant lieu au prélèvement de taxes auprès des véhicules de transport en commun en provenance ou en partance pour le Tchad et le Soudan, a apprend-on par ailleurs. Au total quatre dont trois dans les sorties Sud (vers Bangui), Nord-Est (vers Bangassou) et Est (vers Bria), ces check-points ont été longtemps tenus par les combattants d'Ali Djarass, opposé à une fusion avec les troupes de l'état-major de l'ex-alliance rebelle, à en croire Joseph Zoundéko.
"Il a privilégié les petites barrières qui donnent un peu de sous.Or, nos éléments ont tous besoin d'argent pour leurs besoins. C'est pour cela que nous avons opté pour une gestion mixte", a-t- il décrit. Le chef-lieu du département de la Ouaka, siège de l'unique usine de sucre du pays saccagée lors de l'offensive de la Séléka contre le régime de François Bozizé, renversé le 24 mars 2013 malgré un accord politique conclu deux mois auparavant à Libreville (Gabon) sous l'égide de la Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale (CEEAC), retrouve peu à peu un calme précaire.
"Ça va jusqu'à présent. La ville est calme, il n'y a plus de combats. Les activités ont repris", a rapporté le chef d'état- major. A l'instar de la population, le préfet Ben Ousmane Abakar en est quant à lui traumatisé. "Je suis démoralisé par les coups que j'ai reçus à Bangui. J'ai perdu mes concessions, tous mes biens. Depuis huit mois, je gère une situation très difficile à Bambari. A cause des combats de ces derniers jours, ma résidence est criblée de balles". L'homme se dit surpris par le silence manifesté vis-à-vis de ses appels à la détresse pour sa protection, par la Mission des Nations Unies pour la Centrafrique (MINUSCA) en cours de déploiement et déjà présent avec un contingent marocain, la MISCA sur place avec un contingent congolais et Sangaris.
"Ma résidence se trouve à moins de 300 mètres de la base du contingent marocain de la MINUSCA. Ils m'ont pourtant promis de venir m'exfiltrer. Depuis ces événements, les mouvements de la MISCA et de Sangaris sont inaperçus. C'est avant-hier que les hélicoptères de Sangaris ont survolé la ville", a expliqué le préfet. Depuis son retrait de Bangui en mai, l'ex-coalition rebelle de la Séléka totalise "au moins 3.500 éléments à Bambari. Mais je ne les vois pas tous avec mes yeux. Les éléments d'Ali Djarass sont basés dans les villages peuls", avance le général Joseph Zoundéko qui pointe une nouvelle menace, de la part des milices anti- Balakas.
"Depuis hier, a souligné le dirigeant rebelle, il y a la menace anti-Balakas. Ils veulent profiter de l'attaque des Peuls pour nous attaquer à leur tour. Moi je suis originaire de la Vakaga, j' ai tenté une médiation avec mes frères anti-Balakas. Ils m'ont dit qu'ils n'ont pas de problème avec nous, que leur problème c'est les Peuls. Mais je leur réponds que nous sommes tous des Centrafricains".
Par Raphaël MVOGO