Une nouvelle loi organique de la Haute Autorité togolaise de l'Audiovisuel et de la Communication ( HAAC), dont l'adoption est attendue mardi au parlement, soulève actuellement une vive polémique dans le monde médiatique national.
Les organisations de la presse du Togo s'apprêtent à faire obstacle à l'adoption de ce projet de loi qu'elles jugent liberticide à leur égard.
Sur le réseau d'informations Média-Togo, une pluie de communiqués s'insurge contre l'initiative du gouvernement.
Le ministre de la Communication, Djimon Orée (de l'Union des Forces de Changement, ex-opposition radicale devenue modérée), rassure dans un entretien avec le confrère Plume Libre que la loi organique en perspective ne vise pas le musellement de la presse, mais veut tout simplement donner les moyens à la HAAC de prendre ses responsabilités face aux dérives.
« Il s'agit très simplement de permettre à la HAAC de prendre ses responsabilités face aux dérives, parfois, quand cela s'impose. Mais le journaliste ou l'organe incriminé à la possibilité de saisir la chambre administrative de la cour suprême s'il juge la mesure arbitraire pour annulation. Mais aujourd'hui, pour un simple rappel à l'ordre ou correction, la HAAC doit saisir la justice», précise-t-il.
Il s'agit tout simplement, dit-il, de changer une procédure et d'accorder les prérogatives constitutionnelles dévolues à l'Autorité de Régulation (ndlr HAAC) pour permettre à cette institution de jouer convenablement son rôle.
« En tant qu'institution de la République, la HAAC ne peut pas porter plainte contre X s'il y a des dérives de la presse. C'est une loi organique qui réglemente le fonctionnement des prérogatives de la HAAC. C'est de cela qu'il s'agit. Il ne s'agit pas de museler la presse comme certains le pensent. La peur des journalistes n'est pas fondée d'autant plus que le code de la presse est là. La liberté est garantie", relève-t-il.
Maintenant, renchérit le ministre, l'institution qui a la charge de la régulation doit avoir les coudées franches, les prérogatives constitutionnelles pour pouvoir agir. Voilà l'essentiel de ce qu'il faut retenir à propos de cette nouvelle loi organique de la HAAC », renchérit le patron de la Communication.
Il ne s'agit pas, selon lui, de donner plus de pouvoir à la HAAC, mais plutôt de mesures disciplinaires et administratives permettant à l'institution de régulation de pouvoir agir en toute liberté.
« Ce ne sont pas des mesures exceptionnelles. Ce ne sont pas des prérogatives qui ne sont pas contenues dans la loi fondamentale qu'on veut accorder à la HAAC. Non. Il s'agit des prérogatives contenues dans la constitution de notre pays et qui vont permettre à la HAAC de jouer le rôle de régulation en termes de discipline et des formalités administratives », commente le ministre.
Se voulant encore plus rassurant, Djimon Orée souligne que la HAAC a aussi le devoir de veiller à la liberté de la presse, ajoutant qu'il sera question de « créer tout simplement une sorte d'harmonie, de symbiose entre les journalistes et l'institution de régulation, parce que chacun saura quel couloir aborder »
« La HAAC ne va surtout pas se transformer en gendarme derrière les journalistes. Il n'en est pas question. La HAAC doit veiller à la liberté de la presse dans notre pays. Mais cette liberté de la presse doit s'exercer en toute responsabilité. On ne peut pas rendre la HAAC irresponsable vis-à-vis du rôle qui est le sien en termes de promotion des valeurs de la liberté de la presse », renchérit, le ministre de la Communication.
Quand à la question de savoir si la nouvelle loi réglera les questions d'ordre judiciaire auxquelles se trouvait confrontée la HAAC à la presse, le ministre répond que la HAAC ne sera plus obligée de saisir la justice mais doit pouvoir travailler, encadrer et prendre des mesures disciplinaires si cela s'impose.
Maintenant, fait-il noter, il revient aux journalistes qui ne se retrouvent pas dans l'une des mesures prises par la HAAC de saisir la chambre judiciaire de la cour suprême pour pouvoir faire annuler une décision de la HAAC et faire ainsi valoir leurs droits.
Se prononçant sur l'éventualité d'abus dans l'exercice des pouvoirs de la HAAC, le ministre n'a pas hésité dans sa réponse. « Il ne doit pas avoir abus de pouvoir de la part de la HAAC. S'il y a abus de pouvoir, la justice doit pouvoir stopper la HAAC. C'est pourquoi la justice peut être saisie pour annulation si des mesures arbitraires venaient à être prises par la HAAC. Il y a toutes les garanties pour qu'il n'y ait pas d'abus de la part des membres de la HAAC. »
Dimon Orée appelle au calme, et à l'apaisement, invitant tous les journalistes togolais à se sentir à l'aise et leur promettant que le gouvernement veut les aider par des ateliers de formations, par des encadrements à travers le ministère de la Communication, à travers l'Autorité de Réglementation pour plus de professionnalisme.
Le CONAPP (Conseil national des patrons de presse), OTM ( Observatoire togolais des médias), UJIT (Union des journalistes indépendants du Togo), SYNJIT (Syndicat national des journalistes indépendants du Togo), RAJOSEP (Réseau africain des journalistes sur la sécurité humaine et la paix), SOS journalistes en danger, organisent un sit-in pacifique mardi devant la Palais des Congrès pour désapprouver le vote de ce projet de loi organique qu'elles taxent d'inconstitutionnalité.
Ces organisations trouvent restrictive le projet de loi et entendent se mobiliser pour faire obstacle à son adoption.
Le Togo est l'un des pays de l'Afrique où la liberté de la presse est des mieux respectée et garantie avec la dépénalisation du délit de presse. Des milliers de journaux, plusieurs radios et chaînes de télévisions se disputent la scène médiatique dans ce pays.