Présentée officiellement vendredi au Chef d'Etat, la composition du nouveau gouvernement tunisien a suscité différentes réactions allant des craintes sur le prolongement de l'échec du cabinet sortant et l'inefficacité de quelques ministres proposés avec un optimisme quant au rétablissement de l'ordre et l'escalade des perturbations sociales liées essentiellement à la flambée des prix et la détérioration du pouvoir d'achat du Tunisien.
Le nouveau Premier ministre tunisien Ali Laarayedh a présenté vendredi la composition de son gouvernement ainsi que son programme politique et économique au chef de l'Etat Moncef Marzouki après 15 jours de pourparlers avec plusieurs partis politiques et blocs parlementaires. "Le nouveau gouvernement sera celui de tous les Tunisiens", a rassuré M. Laarayedh quelques minutes après avoir présenté son cabinet.
D'après Abdelhamid Jelassi, un des dirigeants du parti islamiste majoritaire Ennahdha (auquel appartient le Premier ministre), le nouveau gouvernement aura quatre priorités à satisfaire: rétablir l'ordre et garantir la sécurité, travailler sur les dossiers du développement, de l'emploi et de la maîtrise des prix, un dialogue national élargi en plus du dossier de la justice transitionnelle, réforme, reddition des comptes.
D'un autre côté, M. Jelassi a précisé que le nouveau gouvernement veillera à coordonner avec l'Assemblée constituante pour fixer un agenda bien déterminé de la mission gouvernementale. Dans ce sens, le Chef du gouvernement Ali Arayedh a déclaré que sa mission se poursuivra jusqu'à la fin 2013 et que la date des prochaines élections présidentielles et législatives "est du ressort de l'Assemblée constituante" mais les différents avis s'orientent, selon lui, vers le mois d'octobre ou novembre 2013.
Désigné ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jedou a fait part de sa surprise de sa nomination à ce poste puisqu'il s'attendait à être désigné ministre de la Justice vu son expérience en la matière. Cependant, il a avoué être préoccupé par le rétablissement de la sécurité dans le pays "et ce, pour rassurer les Tunisiens d'une part et accélérer le démarrage des projets en attente et motiver les investisseurs d'autre part".
Avec la neutralité des quatre ministères de souveraineté (Défense, Intérieur, Affaires étrangères et Justice), M. Arayedh a répondu à une requête incessante de l'opposition. En revanche, la reconduction d'une dizaine de ministres du gouvernement sortant a provoqué un mécontentement d'une frange de la classe politique tunisienne.
"La composition du nouveau gouvernement d'Ali Laarayedh est une version revisitée du gouvernement de la Troïka (coalition tripartite au pouvoir)", s'est exprimé le porte-parole du Parti républicain (opposition) Issam Chabbi. La nouvelle composition annoncée, a-t-il ajouté, "n'a pas réussi à joindre de nouveaux partis ou blocs parlementaires au gouvernement de la Troïka ce qui est un échec en soi". Selon M. Chabbi, "les ministres controversés de l'ancien gouvernement ont gardé leurs postes et que le nombre des ministres est toujours grand".
Le mouvement Wafa (Fidélité) qui s'est retiré à la dernière minute des pourparlers sur le nouveau gouvernement a estimé que le Premier ministre Ali Laarayedh "a adressé un message négatif aux Tunisiens puisqu'il s'est focalisé sur la composition et les noms des ministres sans parler du programme de ce nouveau gouvernement", s'est exprimé le député de Wafa Azed Badi.
Le gouvernement de M. Laarayedh est "un clone du gouvernement de la Troïka vu qu'il n'y avait pas de changement significatif au niveau des ministres", a précisé M. Badi, ajoutant que les ministères de souveraineté "ne devraient pas être tenus par des technocrates".
Encore un bloc parlementaire qui a refusé de faire partie du nouveau gouvernement, l'Alliance démocratique a critiqué la reconduction d'anciens ministres du cabinet sortant d'autant plus que "le programme du nouveau Premier ministre n'a pas contenu une position claire par rapport à la violence politique et la révision des nominations administratives en plus de l'absence d'une feuille de route pour la prochaine étape", a souligné le coordinateur général de l'Alliance démocratique Mohamed Hamdi.
Président du parti centriste "Al Majd" (Gloire), Abdelwahab Hani a contesté la présence de certains ministres dont celui des Affaires religieuses Noureddine Khadmi, celle des Affaires de la Femme Sihem Badi et celui du Commerce Abdelwahab Maatar dans le gouvernement actuel. "Ce nouveau gouvernement comprend des symboles de l'échec bien qu'il compte parmi ses membres des personnes reconnues pour leur compétence".
D'après M. Hani, force sera de promouvoir l'image de la Tunisie à l'étranger et renforcer le pouvoir d'achat des ménages deux éléments qui doivent être parmi les priorités de ce nouveau gouvernement.
Dans l'attente du vote de confiance par l'Assemblée constituante, le nouveau gouvernement tunisien a apporté dans sa composition une relative assurance manifestée par la neutralité des ministères de souveraineté et une volonté de rétablir la sécurité dans le pays pour regagner la confiance des Tunisiens comme des partenaires économiques de la Tunisie. Cependant, les élus du peuple auront leur mot à dire après avoir examiné le programme politique et socioéconomique du gouvernement ainsi que sa feuille de route pour la prochaine étape.