Entamé lundi 15 avril passé, le dialogue national lancé par le président tunisien Moncef Marzouki cherche encore ses repères au milieu d'une polémique sur son utilité, ses finalités voire même sa capacité de trouver un consensus entre les différentes fractions politiques du pays sur les priorités de la prochaine étape.
Des amalgames jugés par des experts et tunisiens de "trompeurs" entourent ce dialogue national. D'un côté, cette initiative intercepte à la fois l'agenda de l'Assemblée constituante sur les échéances politiques à venir et l'initiative de l'Union générale tunisienne du Travail (UGTT).
Mais de l'autre côté, ce dialogue ne servira pas les exigences prioritaires de l'actuelle étape en l'occurrence un congrès de national de sauvetage convoqué par le Front populaire principale coalition de gauche en Tunisie.
UNE FEUILLE DE ROUTE CLAIRE POUR LES PROCHAIENS ECHANGES
Entamé lundi dernier par la présidence de la République tunisienne, ce dialogue national a regroupé les différents partis du paysage politique tunisien y compris ceux en dehors de la Constituante. Le 29 décembre 2013 a été fixé à l'unanimité par les participants comme date limite pour les élections générales du pays (présidentielles et législatives).
"Il est prévu que le dialogue ne dépassera pas la semaine prochaine (..) et l'on s'attend à ce qu'il soit couronné par la publication d'une feuille de route claire comportant les dates des prochaines élections, de la finalisation de la Constitution et de la mise au point des instances constitutionnelles", d'après une source ayant assisté aux assises déroulées à huis clos.
Parmi les points de divergence relayés à l'issue des deux premières réunions de ce dialogue on a pu noter la séparation d' une période de 3 semaines ou d'un mois entre les élections présidentielles et législatives. Cette proposition a été fortement contrée par les représentants du parti islamiste Ennahdha (qui dirige la coalition au pouvoir).
"La position d'Ennahdha est inacceptable dans la mesure où la séparation entre les deux élections a constitué une revendication fondamentale de l'opposition du temps du président déchu y compris le parti Ennahdha (..) d'autant plus que "les programmes électoraux en prévision des législatives et de la présidentielles sont obligatoirement différents", a commenté le député Skander Bouallagui porte-parole de la Pétition populaire parti opposant faisant parti du dialogue.
Outre la date des élections, les participants à ce dialogue se sont penchés sur les axes de discorde sur la nouvelle Constitution tunisienne pour ainsi éviter une deuxième lecture et un éventuel recours au référendum en cas d'absence de consensus.
Il s'agit également de trancher sur le régime politique du pays à adopter dans la Constitution (parlementaire, présidentiel ou mixte) en plus de la constitutionnalisation des prérogatives du chef d'Etat et celles du Chef du gouvernement pour en finir avec l' instauration d'une institution sécuritaire républicaine garante de la sécurité nationale, des citoyens , des institutions et des biens publics et privés.
L'INITIATIVE DU PRESIDENT MARZOUKI CONTREE PAR ELS SYNDICALISTES ET LA GAUCHE
Le dialogue national lancé par le président Marzouki a été boycotté par deux acteurs de poids, à savoir l'UGTT et le Front populaire, dont la popularité ne cesse de s'amplifier notamment à l'intérieur du pays. Lors d'un congrès régional à Kairouan (centre tunisien), le secrétaire générale de l'UGTT Houcine Abassi a annoncé son refus de faire partie de ce dialogue qui ne réunit pas, selon Abassi, tous les partis politiques.
Le patron de la centrale syndicale tunisienne a par ailleurs invité les partis politiques à rejoindre les travaux de son initiative lancée l'automne dernier avec pour objectif de trouver un large consensus sur les priorités de la Tunisie à même de parachever la dernière étape de la transition.
Du côté du Front populaire, les raisons derrière leur boycott du dialogue national initié par M. Marzouki coulent entre autres d' une certaine "dépendance partisane" affichée par ce dernier (M. Marzouki) et sa violation au "prestige de l'Etat" suite à ses déclarations lors d'une récente visite au Qatar attaquant l' opposition tunisienne et faisant l'avocat des dirigeants qataris.
Dans un communiqué, le Front populaire a insisté que la situation chaotique que connait actuellement la Tunisie sur les fronts politique, socioéconomique et sécuritaire "demande plus qu' une conférence de partis politiques".
Actuellement, insiste le Front populaire, "la Tunisie a besoin d'un vrai dialogue dans le cadre d'un congrès national de sauvetage avec pour mission de gérer la crise, mettre en place des programmes de sauvetage et un gouvernement compétent, indépendant et capable de diriger le pays".
D'un autre côté, les leaders du Front populaire estiment que le dialogue convoqué par la présidence de la République tunisienne " n' est autre qu'une campagne de propagande au service d'une campagne électorale avant l'heure du président Marzouki".
Bien qu'il a réussi à regrouper les deux principaux rivaux politiques de la scène politique tunisienne (le parti islamiste Ennahdha et le parti opposant Appel de Tunisie) autour de la même table, le dialogue national lancé par le président Marzouki n'a pas réussi à laisser une trace auprès des syndicalistes et de la gauche tunisienne d'autant plus que cette initiative se confond sérieusement avec le calendrier de l'Assemblée constituante qui a déjà voté le 27 avril courant pour finaliser la rédaction de la Constitution, le 8 juillet 2013 dernier délai pour la première lecture et du 15 octobre au 15 décembre prochains pour organiser les élections générales de la Tunisie dont l'officialisation reste tributaire de l'aval de l'Instance électorale qui piétine encore à voir le jour.