Les attaques récurrentes contre les véhicules sur les routes, notamment les cars de transport des voyageurs, ces derniers mois par des bandits de grand chemin communément appelés "coupeurs de route" relancent la question du désarmement des ex-combattants issus majoritairement des Forces nouvelles (FN, ex-rébellion du Nord pro-Ouattara).
Mardi, tôt le matin, peu avant 6h00 (locale et GMT) un mini car de transport a été mitraillé par des bandits encagoulés sortis de la forêt des deux côtés de la voie dans les environs de Djébonoua, à une vingtaine de kilomètres de Bouaké (centre, 368 km d'Abidjan), faisant deux morts et 30 blessés dont trois cas graves.
Une semaine plus tôt, le 2 juillet, l'arrivée à Korhogo du président Alassane Ouattara dans le cadre de sa visite dans le nord du pays a été endeuillée par la mort d'un gendarme, tué dans l'attaque du convoi officiel du responsable de l'autorité en charge du désarmement et de la réinsertion des ex combattants, à quelques kilomètres de Kong (nord, 680 km d'Abidjan), localité d'origine de la famille Ouattara.
Récemment sur l'axe Duékoué-Bangolo (Ouest), des coupeurs de route en pleine opération n'ont pas hésité à tirer sur le car d'une équipe de football qui tentait de leur échapper, faisant un mort et 23 blessés graves.
Dans les régions du Centre-ouest et du Sud-ouest, productrices de cacao dont la Côte d'Ivoire est premier producteur mondial, les "coupeurs de route" règnent en maîtres et les attaques sont légion.
Les ex-combattants en cause
"En général, tous les coupeurs de route qui ont été pris sont à 80% des ex-combattants ou des jeunes qui ont été associés aux combats" lors de la crise post-électorale de 2010-2011 et de la rébellion armée déclenchée en septembre 2002, avait estimé quelques mois auparavant une autorité préfectorale.
Ces soupçons ont été confirmés par le président Alassane Ouattara lui-même qui a ouvertement mis en cause les ex- combattants dans l'insécurité grandissante en Côte d'Ivoire, au dernier meeting de sa visite lundi à Korhogo.
"Oui, c'est vrai, vous avez participé aux combats. Certains d'entre vous n'ont pas encore eu du travail, d'autres sont devenus des coupeurs de route, je vous demande de laisser les kalachnikovs à la maison", avait-il lancé aux ex combattants assurant que le gouvernement va "trouver du travail pour tous".
Selon des analystes avisés, ces jeunes qui ont appris à manier les armes depuis une décennie sont mécontents du traitement dont ils sont l'objet après la guerre et auraient décidé, faute d'avoir perçu leurs "primes de guerre", de se payer sur les routes et dans les quartiers à travers les braquages et les vols.
Le gouvernement ivoirien a mis en place une structure unique chargée de conduire le processus par lequel ces combattants sont amenés à déposer leurs armes et à retourner à la vie civile ou à intégrer les forces armées ou paramilitaires, le DDR (désarmement- démobilisation-réinsertion).
Les ex-combattants sont composés majoritairement des soldats de l'ex-rébellion des Forces nouvelles auxquels se sont ajoutés, après la crise post-électorale, les supplétifs pro-Ouattara des Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) et quelques miliciens ou membres de groupes d'auto-défense pro-Gbagbo.
DDR en panne, ex combattants en colère
Selon les derniers chiffres officiels, leur effectif total est estimé à près de 65 000 personnes que l'Autorité pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion (ADDR) doit gérer.
Le gouvernement ivoirien a annoncé qu'il prévoit réinsérer 30 000 de ces jeunes d'ici la fin de l'année et les autres en 2014.
Pour l'heure, le gouvernement a réussi à intégrer environ 10% de ces ex-combattants dans les services de douanes, dans l'administration forestière et pénitentiaire sans compter la mise sur pied d'activités génératrices de revenus, de micro-projets et de formations professionnelles pour certains autres.
Mais force est de constater que le DDR marque le pas avec seulement 5.973 ex-combattants désarmés et démobilisés à la date du 10 juin.
Le compte est donc loin d'être atteint et les ex-combattants s'impatientent. En avril, ils ont bruyamment manifesté leur colère à Bouaké (centre), Man (ouest) et à Tengrela (nord) où ils ont même saccagé un commissariat après un accrochage avec des policiers.
Ils se disent "oubliés" et dénoncent la main mise sur le processus DDR par des chefs militaires qui, selon eux, "vendent les places aux plus offrants ou privilégient leurs proches au détriment de ceux qui ont réellement combattu".
Le gouvernement ivoirien reconnaît les difficultés liées au DDR dont le coût estimatif est de 85 milliards de francs CFA et, tout en assurant qu'aucun ex-combattant ne sera laissé de côté, il invite à la patience.
"Le gouvernement va faire de la démobilisation son cheval de bataille mais on ne peut réinsérer tout le monde en même temps", a avoué la ministre de la Communication, Affoussiata Bamba-Lamine, lors du dernier conseil des ministres tenu à Korhogo.