Plusieurs mois après, la ville de Bossangoa dans le Nord de la Centrafrique secouée par une vague de violences en 2013 ayant causé le déplacement d'environ 50.000 personnes à l'évêché, chrétiens et musulmans confondus, est aussi loin que la capitale Bangui d'avoir retrouvé la sécurité, malgré la présence de troupes françaises et africaines, selon une source religieuse.
Suite à la faillite des services administratifs, la ville natale de l'ancien président François Bozizé continue de subir, après les ex-rebelles de la Séléka (au pouvoir), la terreur des miliciens anti-Balakas (anti-machettes), du nom de ces fameux groupes d'autodéfense villageois créés à l'origine pour combattre les coupeurs de route et qui ont sorti leurs armes de fabrication artisanales et amulettes pour se venger des exactions des nouveaux maîtres de Bangui.
Evêque du diocèse de Bossangoa, Mgr. Nestor Désiré Nongo Aziadia parle d'un « drame difficile à gérer ». Pour pouvoir échapper aux violences où « des maisons continuent d'être incendiées à longueur de journée », quelque 42.000 personnes, des chrétiens, se sont refugiées à l'évêché. « Sur un deuxième site qui abrite la communauté musulmane, il y a environ 8.000 personnes », informe l'homme d'Eglise.
Les statistiques officielles estiment à 50.000 habitants la population de cette ville. En d'autres termes, Bossangoa s'est quasiment vidée de toute sa population. « Certains habitants sont allés se réfugier à Bangui. Tous les fonctionnaires se sont retirés », a rapporté dans un entretien téléphonique mardi à Xinhua Mgr. Nongo Aziadia.
Conséquence : « Je joue au préfet, au sous-préfet, au maire, au commandant de la brigade de gendarmerie, etc. Je porte toutes ces casquettes en ce moment, face à la faillite des autorités. Il n'y a plus d'autorités administratives, judiciaires et militaires. Ce n'est pas une mince affaire », déplore ce responsable de l' Eglise catholique.
Avec Bouca, Bouar et quelque peu Bossembélé, Bossangoa est l' un des symboles de l'opposition au pouvoir de Michel Djotodia illustrée par les miliciens anti-Balakas qu'on dit être soutenus par d'anciens soldats des Forces armées centrafricaines (FACA) fidèles à Bozizé. Les représailles contre les ex-rebelles de la Séléka ont plongé la population dans le désarroi.
Selon des sources concordantes, beaucoup de personnes se cachent en brousse par peur d'être tuées. Comme l'archevêque de Bangui, Mgr. Dieudonné Nzapalainga, qui avait tenté une mission de médiation et de réconciliation en septembre dans la région, Mgr. Nongo Aziadia est formel : « La situation est tendue. Il y a des groupes d'individus, aussi bien les Séléka que les anti-Balakas, qui profitent de la crise pour se livrer à des pillages ».
Le déploiement d'une centaine de soldats français de l' opération Sangaris, à peu près le même nombre que le contingent congolais de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique (MISCA), une force africaine ayant pris le relais de la Force multinationale de l'Afrique centrale (FOMAC), n'a pas permis de rétablir et la sécurité dans la ville et ses environs.
« C'est difficile. Le problème réside dans le fait qu'une opération militaire est différente d'une opération policière. Si un militaire tombe sur un garçon de 15 ans qui est en train de brûler une maison, va-t-il lui tirer dessus ? C'est la police et la gendarmerie qui doivent jouer dans ce cas », observe Mgr. Nongo Aziadia.
La vérité est que ce qui reste de la police et de la gendarmerie centrafricaines aujourd'hui après la débande générale créée par la chute du régime de François Bozizé en mars, souffre d' un manque de moyens d'intervention. Officiellement dissoute, l'ex-coalition Séléka contrôle le jeu pour la conservation du pouvoir incarné par son leader Michel Djotodia.
Mgr. Nongo Aziadia se veut tout de même optimiste. « Par la grâce de Dieu, on va s'en sortir. C'est vrai, ça va prendre du temps, mais il faut rester optimiste. Autrement, on va tous mourir ». Mais il reconnaît que la tâche est ardue, car, « tout le monde attend que les autres fassent le travail à notre place. Les chefs traditionnels n'ont plus d'autorité sur leurs populations, les parents non plus sur leurs enfants ».
Pour cette normalisation souhaitée, il plaide un dialogue avec les anti-Balakas dont il dit qu'ils « combattent les exactions tout comme les Séléka le faisaient. C'est une population qu'il faut rencontrer et sensibiliser pour qu'elle adopte un comportement citoyen ».
Pour le pouvoir en place à Bangui, c'est le noeud gordien de la situation actuelle d'aggravation de la crise consécutive à l' offensive déclenchée contre le régime Bozizé en décembre 2012.
« Je ne peux nier qu'il y a eu des exactions commises par la Séléka. Je reconnais qu'il y a eu des pillages, des assassinats et des enlèvements. Personnellement, j'ai condamné et lutté contre cela », avoue cependant le colonel Christian Narkoyo, ex-porte- parole militaire de la Séléka aujourd'hui commandant de la gendarmerie mobile.
« Même si les chefs ne sont pas coupables, ces crimes commis par leurs éléments vont leur tomber dessus. Il y a certains chefs qui sont coupables », précise l'ex-chef de guerre.