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Boko Haram : le Cameroun se félicite de l'envoi de forces américaines, le chef d'Africom à Yaoundé

Xinhua | 16.10.2015 14h23

Le commandant du Commandement des forces américaines pour l'Afrique (Africom), le général David Rodriguez, est annoncé jeudi à Yaoundé pour une visite, qui intervient au lendemain de la décision prise mercredi à Washington par le président Barack Obama de l'envoi de 300 militaires au Cameroun pour la lutte contre Boko Haram dans la zone du lac Tchad.

Lors de son dernier déplacement au Cameroun il y a quelques mois, le général Rodriguez avait déjà été reçu par le président Paul Biya, auquel il avait fait part de la disponibilité des Etats-Unis à prêter main forte au Cameroun pour l'éradication du péril jihadiste, qui sème le désarroi au sein de la population avec son lot d'attaques armées et d'attentats-suicides, notamment dans la région de l'Extrême-Nord, frontalière avec le Nigeria.

Dans une déclaration officielle publiée jeudi soir, le pouvoir camerounais s'est félicité de "cet appui qui témoigne de la grande qualité des relations qu'entretiennent les Etats-Unis d'Amérique et le Cameroun, ainsi que de l'engagement résolu des deux pays à agir de manière concertée pour éradiquer le terrorisme dans le Bassin du lac Tchad et au bénéfice des populations concernées".

Les troupes annoncées ont pour principale mission de "conduire des opérations de renseignement, de surveillance et de reconnaissance", selon le communiqué signé du secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh. "Ce détachement dont le déploiement a commencé sera basé à Garoua [dans la région du Nord]", a-t-il ajouté.

L'arrivée d'un premier contingent de 90 soldats sur les 300 déclarés est en effet signalée depuis lundi. Ces forces "seront présentes au Cameroun aussi longtemps que nécessaire", a précisé Barack Obama dans la lettre adressée au Congrès américain et dans laquelle il explique que sa décision est liée à la défense de la sécurité nationale et aux nécessités de la politique étrangère des Etats-Unis.

C'est l'officialisation d'une opération qui se préparait depuis plusieurs mois, par des visites discrètes régulières menées par des groupes de responsables militaires américains tant à Yaoundé qu'à Maroua, dans l'Extrême-Nord où il est fait état de la mise à disposition de drones de surveillance en appui aux forces de défense et de sécurité camerounaises.

Par cet acte, l'administration américaine dame le pion à son grand adversaire la Russie, qui tarde à concrétiser une promesse faite aux autorités du Cameroun depuis plusieurs mois pour le soutien en équipements militaires de pointe pour une lutte plus efficace contre la secte islamiste nigériane, de l'avis de sources militaires concordantes camerounaises.

L'événement n'a pas échappé aux analystes, qui y perçoivent une logique de positionnement de la première puissance mondiale pour la défense de ses intérêts politiques, économiques et stratégiques à la fois au Cameroun et dans les pays voisins, concernant surtout l'exploitation de l'important potentiel de ressources dont regorge leur sous-sol, à l'exemple des hydrocarbures qui attisent des convoitises.

"C'est un engagement fort venant d'un pays comme les Etats-Unis. Donc, il y a une volonté politique forte d'envoyer non pas seulement des conseillers militaires et du matériel, et de ravitailler en renseignements, mais aussi d'envoyer des troupes au sol", a commenté à Xinhua le géostratège Joseph Vincent Ntuda Ebodé.

Pour cet universitaire, le fait que la lutte contre Boko Haram se passe essentiellement au Nigeria et dans la région du lac Tchad est un indicateur pour étayer cette analyse. "Le Nigeria lui-même est la première puissance productrice de pétrole en Afrique. Il est en outre avéré que dans le pourtour du lac Tchad il y a des réserves de pétrole importantes dont certaines licences ont déjà été attribuées".

"Cela permet de comprendre, poursuit-il, que les intérêts stratégiques militaires se fondent toujours sur des intérêts économiques. La déstabilisation du Cameroun, vu sa situation géographique centrale dans le golfe de Guinée [classée zone d'intérêt vital par les Etats-Unis], peut constituer un enjeu majeur dans la déstabilisation du continent".

Dans cette région, en dehors du Nigeria et de la Guinée équatoriale, premier producteur de pétrole d'Afrique centrale, c'est à consortium emmené par des investisseurs américains que reviennent les droits d'exploitation du pétrole tchadien transporté sur près d'un millier de kilomètres par pipeline de Doba jusqu'aux côtes camerounaises à Kribi (Sud) depuis 2003.

Au Cameroun, les Américains, qui manifestent aujourd'hui leur préoccupation de sécuriser leurs investissements présents et futurs en lançant quelque 300 soldats lourdement équipés à l'assaut de Boko Haram avec en perspective des frappes contre les cibles de ce mouvement, s'activent depuis de longues années pour la mise en valeur de gisements d'uranium dans le Nord.

Selon le professeur Ntuda Ebodé encore, l'envoi de troupes américaines pour aider à lutter contre le terrorisme dans ce pays d'Afrique centrale ne surprend guère, dans la mesure où "depuis environ 30 ans le Cameroun travaille main dans la main dans le secteur de la sécurité avec Israël, le plus grand allié américain". C'est une collaboration surtout observée dans la mise en place depuis plus d'une décennie du Bataillon d'intervention rapide (BIR), un corps d'élite de l'armée camerounaise spécialisé dans la lutte contre la grande criminalité et qui se retrouve aujourd'hui en première ligne dans l'offensive militaire engagée dans l'Extrême-Nord.

En plus du Cameroun, le soutien militaire américain servira à accompagner les opérations attendues pour la même cause de la part de la force mixte multinationale du Bassin du lac Tchad en cours d'opérationnalisation, regroupant en outre en son sein le Nigeria, le Tchad, le Niger, y compris le Bénin, non membre de cette organisation régionale.

(Rédacteurs :Wei SHAN, Yin GAO)
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