Dernière mise à jour à 08h33 le 16/01
L'île Maurice retient son souffle ce mardi 15 janvier, puisque l'avenir politique du Premier ministre Pravind Jugnauth est suspendu à une décision de justice.
En effet, le chef du gouvernement fait face à une contestation du Directeur des poursuites publiques (DPP) concernant son acquittement par la Cour suprême de Maurice dans une affaire de corruption autour de l'achat d'une clinique privée dont sa soeur était actionnaire.
Au cas où le Conseil privé de la reine d'Anglesterre donne gain de cause au DPP, le Premier ministre Jugnauth pourrait être condamné à douze mois de prison.
Les faits remontent à l'année 2009 quand le gouvernement mauricien d'alors dirigé par l'ancien Premier ministre Navin Ramgoolam, a décidé d'acquérir une clinique privée pour faire un hôpital gériatrique. Parmi les soumissionnaires, on trouve la clinique Medpoint du Dr Malhotra. Ce dernier est le beau-frère de Pravind Jugnauth alors dans l'opposition. Des tractations entre le Dr Malhotra et le ministre de la Santé de l'époque, Rajesh Jeetah vont déboucher sur une réévaluation de la clinique Medpoint, de 75 millions de roupies à 144 millions de roupies ( environ de 2,2 millions de dollars à 4,2 millions de dollars). En mars 2010, le gouvernement signifie son intention d'acheter cette clinique.
En mai de la même année, les élections générales ont lieu et le parti de Navin Ramgoolam, en alliance avec celui de Pravind Jugnauth, est vainqueur. Pravind Jugnauth devient le ministre des Finances. Quelques mois après le gouvernement valide la décision d'acheter la clinique Medpoint. Toutefois, Pravind Jugnauth, explique que sa soeur étant actionnaire de la clinique, se retire au moment des délibérations du Conseil des ministres et du vote. Néanmoins, c'est lui, en tant que ministre des Finances qui effectue le paiement.
L'année suivante, une plainte pour corruption est déposée devant la Commission anti-corruption sur cette affaire contre Pravind Jugnauth. Ce dernier va démissionner ainsi que cinq ministres membres de son parti. Poursuivi, M. Jugnauth crie à la "vendetta politique". Il est arrêté et inculpé pour conflit d'intérêts. Le 30 juin 2015, il est reconnu coupable par la cour intermédiaire mauricienne. Il sera condamné à 12 mois de prison mais sa sentence est commuée en 90 heures de travaux communautaires. Il fera appel et le 25 mai 2016, la Cour suprême lui donne gain de cause et casse le verdict de la cour intermédiaire.
Le DPP fait alors appel du jugement de l'acquittement de Pravind Jugnauth. Le 22 juin 2017, la Cour suprême autorise le DPP à faire appel devant le Conseil privé de la reine d'Angleterre du jugement d'acquittement prononcé en faveur de Pravind Jugnauth.
L'affaire est entendue ce mardi devant le Comité judiciaire du Conseil privé présidé par Lord Kerr. Chaque partie dispose de deux heures pour faire entendre sa plaidoirie. La question principale que devra trancher le Comité judiciaire est l'interprétation de la notion corruption "quand un officier public prend part dans les attendus d'un organisme public par rapport à une décision où il/elle a des intérêts personnels".
Au cas où le Conseil privé tranche en faveur du DPP, le Premier ministre devra démissionner et purger sa peine initiale. Cela pourrait entraîner la chute du gouvernement et provoquer des élections générales anticipées auquel il ne pourra pas prendre part. Cela serait un coup dur à la fois pour son avenir politique personnel et celui de son parti.
Dans le cas où le Conseil confirme la décision de la Cour suprême, M. Jugnauth sera revigoré et sera en position de force pour les prochaines élections prévues en décembre 2019.