Dernière mise à jour à 11h08 le 03/09
La campagne électorale pour la présidentielle anticipée du 15 septembre courant a démarré officiellement ce lundi avec, en lice, 26 candidats représentant les différentes familles politiques du pays à moins que, pour certains experts locaux, ces élections de 2019 rompront avec les tendances de celles de 2014 où l'idéologie l'avait emporté face aux défis sociaux et à la relance économique à long terme de la Tunisie.
En effet, 26 candidats participeront à la campagne électorale de la présidentielle anticipée, dont deux femmes (Salma Eloumi, ancienne ministre du Tourisme et ex-cheffe du cabinet présidentiel ainsi que Abir Moussi, présidente du Parti destourien libre, qui s'inspire de la philosophie du premier président postindépendance, Habib Bourguiba).
La liste des candidats comporte également l'actuel chef du gouvernement, Youssef Chahed, son ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, ainsi que deux anciens Premiers ministres et l'actuel président du Parlement, Abdelfattah Mourou, désormais candidat du parti islamiste Ennahdha, majoritaire au Parlement et principal allié au pouvoir depuis 2014.
"Par rapport à celle de 2014, les élections de cette année se démarquent par l'absence de toute influence idéologique, voire même de tout programme clair et à exécution faisable (...) pire encore, certains candidats ignorent même les prérogatives du chef de l'Etat telles que dictées par la Constitution", a confié à Xinhua l'expert en politique intérieure tunisienne, Sabri Zghidi.
Dans une interview accordée lundi à Xinhua à l'occasion du démarrage de la campagne électorale, M. Zghidi a regretté que "même pour ce qui est de la course législative, nous avons bien remarqué l'absence de programmes socioéconomiques clairs et réalistes outre la méconnaissance du rôle majeur du Parlement".
"A travers les appartenances politiques des 26 candidats à la présidentielles ainsi que celles des listes législatives, le pays s'apprête à subir d'importantes métamorphoses au sein de son échiquier politique à court et à moyen termes (...) cela reflète l'ampleur des divisions au sein de la classe politique manifestée par un certain phénomène de tourisme partisan", a commenté l'analyste tunisien.
Selon lui, "les candidats les plus en vue sont Youssef Chahed, Abdelkarim Zbidi, Abir Moussi, Nabil Karoui et Abdelfattah Mourou (...) pour Chahed, c'est le Premier ministre en fonction (à moins qu'il a délégué ses pouvoirs jusqu'à la fin de la campagne) et il s'avère mieux placé au centre de tous les moyens de l'Etat".
Pour Zbidi, "il se présente comme étant l'héritier du feu président tunisien Béji Caïd Essebsi" d'autant plus que Zbidi apparait face à ses sympathisants comme étant le "sauveur de la République" et de son économie. Zbidi se veut appuyé implicitement par la puissante centrale syndicale, le parti présidentiel Nida Tounes ainsi qu'une plateforme populaire renforcée par bon nombre d'hommes d'affaires et de personnalités nationales.
Quant à Abir Moussi, explique Zghidi, "elle a réussi à reconstituer de nombreux figures de proue du parti dissout (RCD, Rassemblement démocratique constitutionnel sous Ben Ali), en particulier ceux qui se trouvaient au niveau de ses structures moyennes".
Et d'ajouter que "Moussi a bien profité de son approche et discours hostiles aux islamistes pour mobiliser une grande frange de la société tunisienne essentiellement ceux qui affichent de plus en plus une réticence de la vie politique en critiquant les différents gouvernements ayant succédé depuis le soulèvement de 2011".
En se basant sur l'audimat de sa télévision privée (Nessma TV), le candidat Nabil Karoui - détenu depuis plus d'une semaine dans une affaire de corruption et de blanchiment d'argent qui remonte à 2016 - " compte énormément sur la popularité de son média audiovisuel, accessible à toute la population (...) mieux encore, Karoui comptait plus sur l'impact d'une association caritative dont il est le propriétaire".
Abdelfattah Mourou, candidat du parti islamiste Ennahdha, a désormais une réserve électorale éminente, celle de son parti, victorieux des dernières élections législatives (2014) avec plus d'un millions d'électeurs.
D'après l'analyste tunisien, Sabri Zghidi, "Abdelfattah Mourou a de fortes chances de se trouver au second tout présidentiel vu l'effet grandiose du discours idéologique de son parti qui touche les esprits du Tunisien sous prétexte qu'il (discours) est fondé sur les valeurs de la religion musulmane".
La grande majorité, parmi les 26 candidats, appartiennent au courant libéral avec, entre autres, Abdelkarim Zbidi, Youssef Chahed, Salma Elloumi, Mohsen Marzouk, Nabil Karoui et Neji Jaloul.
"Dans ce sens, force sera de constater la fracture au sein de la tendance politique destourienne en Tunisie (en allusion au Parti destourien de la période postindépendance) puisque la majorité de ces politiciens défendaient les mêmes principes et orientations du parti présidentiel Nida Tounes, fondé par feu Béji Caïd Essebsi et qui s'inspirait du Parti destourien", commente encore Sabri Zghidi.
La gauche est représentée par Hama Hammami et Mongi Rahwi, tous deux membres de la même coalition, qui a été elle-aussi témoin d'un conflit majeur couronné par une scission donnant naissance à deux entités politiques (...) ces deux candidats seront en concurrence avec un autre militant de la gauche, l'ancien ministre de la Fonction publique, Abid Briki, en l'occurrence.