Le Premier ministre chinois Li Keqiang va bientôt reprendre ses visites en Europe, ce qui, pour la diplomatie chinoise, fera de 2014 une véritable Année Européenne.
Outre sa première étape en Russie, la visite du Premier ministre Li en Europe comprendra trois volets principaux : l'un sera sa participation à la troisième série de consultations gouvernementales sino-allemandes et une visite officielle en Allemagne, le deuxième le verra assister à la dixième Réunion Asie-Europe qui se tiendra à Milan, lors de ce qui sera sa troisième visite officielle en Italie, et il prononcera enfin un discours devant la FAO (Food and Agriculture Organization, Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture) à Rome. Ces trois tâches peuvent être résumées en une phrase, qui est celle-ci : promouvoir l'interopérabilité entre l'Asie et l'Europe grâce à la « zone économique de la Route de la Soie » et la « Route de la Soie maritime » et son rayonnement vers l'Afrique et d'autres endroits. L'Allemagne n'est pas seulement un partenaire majeur de la Chine dans l'UE, mais du fait également de ses connections avec la Russie, elle constitue aussi une tête de pont pour la coopération eurasiatique. La ville allemande de Düsseldorf est le terminus de la nouvelle ligne ferroviaire reliant Chongqing à l'Europe ; le Dialogue Asie-Europe (ASEM) est un pionnier de la coopération intercontinentale, et la réunion de cette année se concentrera sur la façon dont le projet d'interconnection de l'UE peut se relier à l'Initiative chinoise de la Route de la Soie ; quant à l'Italie, elle est, historiquement, le point d'arrivée de la Route de la Soie maritime. Aujourd'hui, l'Italie peut toujours constituer un pont et un lien pour la coopération internationale entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique.
Le XVIe Sommet Chine-UE va proposer trois points importants pour les relations sino-européennes : réunissant le plus grand pays en développement et la plus grande union de pays développés, la Chine et l'Europe sont une« double grande puissance » du maintien de la paix dans le monde ; en tant que deux économies mondiales majeures, la Chine et l'UE sont un « double grand marché » qui encourage le développement commun ; berceau des cultures orientale et occidentale, la Chine et l'Europe constituent une « double grande civilisation » qui promeut le progrès humain. Dans cette perspective, la coopération sino-européenne a des effets intercontinentaux triples :
Le premier, promouvoir une mondialisation plus inclusive par l'entremise du rêve de la Route de la Soie.
Le second, encourager l'intégration eurasienne grâce à l'interopérabilité. En 2010, le Conseil des Sages Européen a publié un rapport de recherche destiné à la Commission Européenne intitulé « L'Europe de 2030 », dans lequel il a émis un avertissement : l'Europe risque d'être marginalisée et de devenir de plus en plus une péninsule insignifiante de l'Eurasie. L'interconnexion, représentée par le train à grande vitesse, brisant les barrières géographiques, peut permettre à l'Europe de prendre en route l'« Asie Express », en pleine expansion, et d'inverser cette tendance. La Commission Européenne a lancé un projet d'interconnexion (Connecting Europe Facility, CEF), un réseau de transport de base dans l'UE, qui sera achevé en 2030. Entre 2014 et 2020, le total des crédits accordés à ce projet d'interconnexion atteindra 26 milliards d'Euros, et ils seront principalement utilisés pour la construction de neuf corridors de transport, l'optimisation de la circulation transfrontalière dans l'UE, la construction du réseau de transport de base de l'UE, et s'efforcer d'en faire une sorte d'« aorte » du marché unique de l'UE et de le relier au projet chinois de la Route de la Soie, en établissant un réseau tridimensionnel interconnecté complet, comportant des liaisons ferroviaires, routières, aériennes, maritimes, des pipelines de pétrole et de gaz, des lignes de transmission et des réseaux de communication. Le long de ces lignes se constitueront progressivement des services en réseau et des ensembles industriels connexes, destinés à promouvoir le commerce et faciliter les investissements, approfondir la coopération économique et technique, créer une zone de libre-échange, pour finalement former un marché eurasien.
Le troisième, encourager la coopération avec des parties tierces pour promouvoir un développement intercontinental coordonné.
La deuxième visite du Premier ministre Li Keqiang en Europe de cette année, grâce à la coopération sino-européenne qui encourage la coopération intercontinentale, permettra aussi de renforcer le partenariat global stratégique entre la Chine et l'Europe, et est une manifestation concrète de connotations stratégiques d'importance mondiale.
Wang Yiwei est professeur et Directeur du Centre d'Etudes Européennes de l'Université Renmin de Chine