Le concept de construction d'un nouveau modèle de relations entre grandes puissances n'est pas une théorie abstraite et peut encore être développé davantage avec la coopération pragmatique entre la Chine et les Etats-Unis, ont noté des experts américains.
Lors de leur réunion à Sunnylands en Californie l'an dernier, le président chinois Xi Jinping et son homologue américain Barack Obama ont approuvé l'idée de construire un nouveau modèle de relations entre grandes puissances en se fondant sur les principes de non-confrontation, de non-conflit, de respect mutuel et de coopération gagnant-gagnant, dans le but d'éviter les jeux à somme nulle qui ont opposé historiquement les puissances établies et montantes.
Le sommet à Sunnylands, et plus particulièrement l'accord visant à chercher un nouveau modèle de relations qui en découle, aurait donné le ton pour les relations sino-américaines dans la prochaine décennie.
"Je crois que la Chine et les Etats-Unis ont l'opportunité d'établir un nouveau modèle", a déclaré le diplomate chevronné Henry Kissinger dans une interview récente accordée à Xinhua dans son bureau new-yorkais.
"Ce n'est pas une théorie abstraite. Elle découle de la nécessité des technologies modernes et de l'ampleur des problèmes auxquels nous devons faire face", a estimé l'ancien secrétaire d'Etat américain.
Interrogé sur le même sujet, certains experts américains ont noté que les deux pays peuvent prendre des mesures plus concrètes pour matérialiser le concept du nouveau modèle de relations entre grandes puissances.
"Le concept a fait partie du vocabulaire depuis le sommet de Sunnylands", a commenté Stephen Orlins, président du Comité national sur les relations sino-américaines, dans une interview récente accordée à Xinhua.
M. Orlins a affirmé que ce qu'il veut voir, c'est comment le nouveau concept guidera la coopération bilatérale sur les questions régionales et internationales ainsi que la résolution pacifique des tensions en mer de Chine orientale et méridionale.
Signe encourageant pour définir ce nouveau type de relations, la Chine et les Etats-Unis ont élaboré un plan conjoint ambitieux pour réduire les émissions de CO2 lors de la réunion des dirigeants économiques de la Coopération économique pour l'Asie-Pacifique (APEC), qui s'est déroulée à Beijing du 10 au 12 novembre.
"Je pense que l'accord est très important pour deux raisons. Il est important parce que, d'après ce que j'ai compris, la négociation était très cordiale et professionnelle, donc cela montre que la Chine et les Etats-Unis peuvent travailler ensemble sur une question importante. C'est donc un grand pas en avant", a expliqué David Denoon, directeur du Centre de l'Université de New York sur les relations sino-américaines.
"Deuxièmement, les émissions de CO2 elles-mêmes sont un sujet important. Ce qui est également important pour l'avenir, c'est que la Chine et les Etats-Unis se sont mis d'accord sur des objectifs généraux", a-t-il ajouté.
En plus de s'engager dans une cause commune contre la menace du changement climatique, la Chine et les Etats-Unis ont également fait de réels progrès lors du sommet en ce qui concerne les visas, le commerce et la sécurité.
Néanmoins, des divergences demeurent entre les deux pays sur un éventail de questions, notamment la sécurité informatique et les efforts visant à établir des blocs commerciaux régionaux parallèles en Asie.
Au sujet de l'existance des divergences et du terrain d'entente entre les deux pays, M. Denoon a fait le commentaire suivant : "Je pense que la Chine et les Etats-Unis doivent s'habituent à ce qu'il y ait certains domaines où nous allons coopérer et d'autres où nous serons en concurrence. C'est un comportement normal pour les grandes puissances".
"Le noyau de la relation reste fort, mais sur les marges, nous avons constaté des difficultés", a-t-il souligné.
Selon M. Denoon, dont le centre a organisé le 5 décembre la 4e Conférence sur les marchés financiers chinois, éviter les conflits requiert "des compromis" des deux parties.
"Je pense que les Etats-Unis et la Chine doivent s'entendre sur le rôle de l'institution. Et puis, les Etats-Unis doivent accepter le fait que la Chine joue un rôle plus important."
En plus de tout cela, les tensions géographiques, telles que les litiges territoriaux entre la Chine et ses voisins (Japon, Philippines et Vietnam) en mer de Chine orientale et méridionale, et le rééquilibrage stratégique des Etats-Unis vers l'Asie-Pacifique compliquent également les efforts visant à forger un nouveau modèle de relations entre grandes puissances.
"Les Etats-Unis devraient préciser plus clairement quels sont leurs objectifs dans le Pacifique et quelles sont les mesures spécifiques qu'ils prendront dans les sphères culturelle, politique et militaire", a noté M. Denoon, avant d'ajouter que "en ce moment, c'est ambigu".
Par ailleurs, M. Denoon a estimé qu'il est "très important pour les Etats-Unis de reconnaître que la Chine a des intérêts légitimes. Et ces intérêts se situent dans les domaines du commerce, de la culture et de la protection de son périmètre. C'est pourquoi je pense que ce serait une erreur pour les Etats-Unis de remettre en cause la souveraineté chinoise".
M. Kissinger s'est dit convaincu que si les Etats-Unis et la Chine travaillent ensemble pour éliminer les tensions et coopérer sur les questions mondiales, cela profitera au monde entier.
"La Chine est un pays qui monte. Les Etats-Unis sont un pays plus ou moins établi. Il est donc inévitable que dans une partie de ce processus, les deux pays interfèrent l'un avec l'autre, mais ils devraient saisir cette occasion, ils devraient utiliser cela pour, tout d'abord, supprimer les tensions partout où ils le peuvent, et ce qui est plus important encore, travailler ensemble sur les grandes questions qui affectent le monde", a relevé M. Kissinger.
"Sans la coopération sino-américaine, il ne sera pas possible de résoudre ces questions", a-t-il martelé.