Dernière mise à jour à 14h05 le 20/08
L'interview avec M. Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur de France en Chine
Nous avons célébré en 2014 le 50e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques franco-chinoises, et la visite d'État du président Xi Jinping en France a permis de tourner une nouvelle page de l'amitié et de la coopération entre la Chine et la France. C'est un grand plaisir pour nous d'interviewer M. Maurice Gourdault-Montagne, ambassadeur de France en Chine et d'écouter ses observations sur la Chine.
Q : Avant d'accepter votre mandat d'ambassadeur de France en Chine, quelles étaient vos impressions sur la Chine? Vous êtes en Chine depuis le mois d'août dernier et, êtes au contact quotidien des Chinois, qu'est-ce qui vous frappe le plus?
J'ai fréquenté la Chine quand j'étais le conseiller diplomatique du président Chirac et que j'étais en charge du dialogue stratégique, qui a été institué entre la France et la Chine par le Président Chirac, et par le Président Jiang Zemin. Je suis venu pendant cinq ans – plusieurs fois par an – pour des rencontres avec le conseiller d'Etat Dai Bingguo.
A l'époque, je découvrais la Chine et je voyais la Chine avancer dans sa politique d'ouverture et de réforme mise en place par Deng Xiaoping. C'était très impressionnant ! Mais je ne suis pas venu en Chine depuis 2007. En revenant l'année dernière, je découvre une autre Chine. Parce que le développement de la Chine, avec son rythme de croissance, a non seulement montré que la face de la Chine avait changé, mais que la Chine avait pris une importance dans tous les domaines, qui la place maintenant au rang de première ou de deuxième économie mondiale.
Ce qui me frappe, aujourd'hui c'est la conscience de la Chine de sa responsabilité internationale, le fait que la Chine soit devenue un grand acteur de la mondialisation, que la Chine se soit intégrée et continue à s'intégrer davantage dans la société internationale. La Chine entretemps est rentrée à l'OMC, la Chine a toujours été membre permanant du Conseil de sécurité. Mais elle est de plus en plus impliquée dans la vie internationale. Et je pense que c'est quelque chose de très important dont tous les pays du monde doivent tenir compte. C'est ça, le principal changement que je vois, c'est ce résultat d'un développement qui amène la Chine à être un acteur à part entière de la scène internationale, avec lequel chaque pays doit pouvoir compter.
Q : L'année dernière, nous avons célébré le 50ème anniversaire de l'établissement de la relation diplomatique sino-française, et il y a eu de nombreux évènements présentés en Chine. Pourriez-vous nous rappeler quelques événements importants qui ont permis de renforcer la connaissance du peuple chinois sur la France ?
Ce qui est important dans ces événements, c'est de regarder le passé pour se rendre compte, pour réaliser le chemin qui a été parcouru. Mais il ne s'agit pas de regarder seulement le passé, il s'agit de se dire que si on a surmonté le passé ensemble, nous pouvons aussi regarder l'avenir ensemble. C'est cela l'intérêt d'une commémoration de cinquante années.
On a eu beaucoup d'événements, on a célébré le geste visionnaire du Général de Gaulle décidant avec le président Mao Zedong d'établir des relations diplomatiques, alors qu'à l'époque nous étions en pleine guerre froide. C'était un geste fort qui pour la première fois commençait à évoquer un monde multipolaire que la France et la Chine souhaitaient. Nous avons aussi marqué cette année du cinquantenaire par des visites importantes. Je pense à la visite du président Xi Jinping en France qui a fixé à la France et à la Chine un plan de coopération à moyen et à long terme. C'est, - on pourrait dire - notre feuille de route.
Il faut souvent s'y reporter pour voir ce qui a été réalisé, ce qui reste encore à réaliser. Cela signifie qu'on continue à travailler ensemble dans les grands domaines industriels, les coopérations structurantes, du nucléaire, de l'aéronautique, mais également dans tout ce qui concerne les hommes et les femmes de nos pays, c'est à dire les sociétés de nos pays. En particulier dans le domaine de la santé, nous sommes des sociétés où les gens veulent vivre bien et mieux, où les gens vieillissent aussi. C'est un domaine où les sociétés française et chinoise évoluent finalement de la même façon. C'est aussi le cas dans le domaine de l'agroalimentaire, les Français et les Chinois veulent savoir ce qu'ils mangent, ce qu'ils ont dans leur assiette, c'est la question de la sûreté alimentaire. Ces questions nous intéressent. C'est un domaine où nous pouvons coopérer.
Et puis, il y a le secteur de la ville, nos sociétés sont urbaines et sont en train de s'urbaniser. C'est le cas de la Chine avec plus de la moitié de la population qui vit dans les villes. La France s'est urbanisée il y a déjà quelques temps. Mais nous sommes comme la Chine : la France a une origine paysanne. Nous sommes des descendants des paysans. Et donc, l'urbanisation, nous essayons de la regarder pour que la ville soit la plus agréable que possible. C'est à dire, avec un habitat agréable, avec un environnement agréable, avec des transports, avec des eaux matériaux, une ville propre, le traitement des déchets, tout ce qui recouvre l'économie verte. Tous ces domaines font que nous pouvons travailler ensemble, c'est ce que nos présidents ont décidé pendant l'année du cinquantième anniversaire. Et ça c'est très important de l'avoir en tête.
Enfin, il y a quelque chose de très important, qui existe aussi, qui a été décidé pendant la visite du président Xi Jinping, c'est que nous avons non seulement un dialogue stratégique global, et un dialogue économique et financier, mais nous avons aussi maintenant un dialogue sur les échanges humains. Entre la France et la Chine, d'un côté c'est Madame Liu Yandong, vice Premier ministre, de l'autre côté, c'est le ministre des affaires étrangères, Monsieur Laurent Fabius. Quelle est l'idée ? C'est là aussi de s'intéresser aux hommes et aux femmes de nos pays. C'est à dire, les échanges culturels, les échanges humains, parce que nos relations reposent sur un socle culturel, nous sommes de grandes nations culturelles, la Chine et la France. Il faut que les hommes se connaissent. Pour qu'ils se connaissent, il faut qu'ils se déplacent, il faut qu'ils bougent chez l'un et chez l'autre. Nous sommes entrés dans une dynamique de travail pour essayer de faciliter la mobilité des personnes.
Je crois que c'est très important d'avoir en tête que l'année dernière a été un tournant, une nouvelle étape de la relation franco-chinoise à la suite de la visite du président Xi Jinping et des décisions prises. Ce qu'il faut surtout avoir en tête et qu'on a vu l'année dernière, c'est que les relations entre nos deux pays, sont des relations entre Etats, décidées par les présidents et leurs gouvernements. C'est d'abord une relation entre hommes et femmes. Donc il faut se connaître, s'estimer, se comprendre. C'est une grande tâche que nous avons commencée il y a cinquante ans, et que nous allons continuer ensemble entre les Français et les Chinois, en nous aidant de la culture en particulier.