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"Hier Alstom, aujourd'hui Huawei. Et demain?", s'inquiète l'auteur du "Piège américain"

Xinhua | 30.05.2019 08h22

Les Etats-Unis utilisent une stratégie très similaire à celle utilisée contre Alstom pour déstabiliser et faire pression sur Huawei, le géant chinois des télécoms, a confié dans une interview exclusive récemment accordée à Xinhua Frédéric Pierucci, un ancien cadre d'Alstom.

Alors président de la division "chaudière" d'Alstom, il a été arrêté par le FBI en avril 2013 à son débarquement à l'aéroport JFK de New York pour une affaire concernant un contrat de centrale électrique en Indonésie, qui aurait été remporté par Alstom grâce à des pots-de-vin. Un an plus tard, Alstom a été obligé par les Etats-Unis de payer la plus gigantesque amende jamais infligée pour enfreinte à la loi extraterritoriale américaine dite Foreign Corrupt Practice Act (FCPA) et été partiellement racheté par General Electric, son principal concurrent américain.

"A l'époque, j'avais travaillé sur ce dossier (...) Mais ces faits remontent aux années 2003 et 2004 et le contrat indonésien a été signé en 2005. Ces négociations sont vieilles de presque dix ans (...) Et surtout, j'ai été blanchi par un audit interne", lit-on dans son livre "Le Piège américain" (Ed. JC Lattès), écrit avec l'aide du journaliste Matthieu Aron et consacré à cette affaire.

"J'ai longtemps hésité avant de publier 'Le Piège américain', mais maintenant je ne le regrette pas. En toute modestie, je pense qu'il contribuera à une prise de conscience des employés, des dirigeants d'entreprise et des politiques à ce sujet", espère-t-il.

M. Pierucci raconte que le ministère américain de la Justice (DOJ) l'avait mis en examen en novembre 2012 pour avoir enfreint le FCPA, loi sur les pratiques de corruption à l'étranger, sans cependant l'en avertir. Il l'a notamment accusé d'avoir participé à des pratiques de corruption menées par Alstom en 2003-2004 en Indonésie.

"Mon livre décrit ma descente aux enfers, et montre comment le DOJ s'est servi de moi pour faire payer à Alstom la plus grosse amende de son histoire pour avoir enfreint le FCPA (772 millions de dollars en 2014). Cela a facilité le rachat de 70% d'Alstom par son grand concurrent américain, General Electric, empêchant par la même occasion le rapprochement entre Alstom et Shanghai Electric Company", indique-t-il.

Ces poursuites ont pour lui été un cauchemar. "En tout, lors de deux 'séjours' effectués à trois ans d'intervalle, j'ai passé plus de 25 mois en prison aux Etats-Unis, dont 14 dans des quartiers de haute sécurité. Je n'ai pu voir ma femme que deux fois à travers une vitre blindée et je n'ai pas pu voir mes quatre enfants pendant ces périodes. A la demande du DOJ, j'ai aussi été licencié par Alstom pour 'abandon de poste' pendant que j'étais incarcéré. Ma carrière a été détruite", explique-t-il.

Interrogé sur la nature exacte de ce "piège américain", il assure qu'une analyse précise et détaillée des faits et de la jurisprudence montrent clairement que les Etats-Unis utilisent leur système judiciaire comme une arme de guerre économique dans le but d'affaiblir leurs concurrents, allant parfois jusqu'à les racheter à bon compte.

"En rachetant Alstom, les Etats-Unis ont mis la main sur la maintenance de toutes les centrales nucléaires françaises, qui produisent 75% de l'électricité produite dans le pays", souligne l'ancien cadre.

Récemment, les Etats-Unis ont également décidé d'interdire à l'entreprise chinoise Huawei de faire des affaires aux Etats-Unis. M. Pierucci constate que les Etats-Unis ont recouru à cette occasion à une stratégie très similaire à celle utilisée contre Alstom, en mettant en examen la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, afin de faire pression sur le groupe et de le déstabiliser.

"En toile de fond, il y a bien sûr la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis, notamment en matière de technologie 5G, sur laquelle tout le monde sait que Huawei a pris de l'avance par rapport à ses concurrents. L'avantage est que maintenant, le président américain, (Donald) Trump, ne s'en cache plus. La vérité est étalée au grand jour et plus personne ne peut ignorer que les Etats-Unis utilisent le droit comme arme de guerre économique", note-t-il.

Tous les pays du monde devraient s'unir pour contrecarrer l'unilatéralisme des Etats-Unis, qui ne veulent pas d'un monde multipolaire. "Hier Alstom, aujourd'hui Huawei. Et demain? Il est grand temps pour l'Europe et la Chine de réagir", souhaite Frédéric Pierucci.

Par Tang Ji et Ying Qiang

(Rédacteurs :Gao Ke, Yishuang Liu)
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