Dernière mise à jour à 08h33 le 24/10
"Il manque une agence spatiale importante à cette réunion. Où est la Chine ?" Voilà la question abordée par les participants à une séance plénière du Congrès international d'astronautique (IAC), qui se tient actuellement à Washington pour une semaine.
Cette interrogation émanant du public a surgi après qu'on a pris conscience que Wu Yanhua, vice-administrateur de l'Administration nationale de l'espace de Chine (ANEC), était absent alors qu'il aurait dû prendre la parole lors de l'inauguration de l'IAC lundi en compagnie des responsables de cinq autres agences spatiales nationales.
Pascale Ehrenfreund, la nouvelle présidente de la Fédération internationale d'astronautique (IAF), organisation mère de l'IAC, a fait état d'un "conflit de calendrier" en expliquant l'absence du scientifique chinois, mais certains participants à la réunion ont insinué qu'il s'agirait d'un "problème de visa".
L'obtention du visa américain est depuis longtemps problématique pour les scientifiques chinois. Lors d'une conférence de presse tenue dimanche, le coprésident du comité d'organisation de l'IAC, Vincent Boles, a déclaré qu'il avait commencé le contact avec le département d'Etat américain il y a 18 mois afin d'assurer l'octroi à temps de visas aux participants, des efforts qui s'avèrent pourtant n'avoir pas tellement marché.
QHYCCD, un fabricant de télescopes, compte parmi les quelques sociétés chinoises qui se sont rendues au hall d'exposition de l'IAC cette année. Bi Tingting, responsable des ventes de la start-up, a déclaré à Xinhua qu'aucun des techniciens de QHYCCD n'avait réussi à obtenir un visa pour les Etats-Unis.
China Aerospace Science & Technology Corporation et China Aerospace Science & Industry Corp, deux géants de la fabrication de fusées ayant fait forte impression par leurs technologies du dernier cri lors de l'édition 2018 à Brême (Allemagne), sont pourtant eux aussi absents cette année à Washington.
Au mépris du fait que la Chine a toujours été un participant actif à la conférence au point d'abriter l'édition 2013 de l'IAC, les Etats-Unis refusent depuis quelque temps d'accorder des visas, retardent le traitement des demandes, révoquent les visas de longue durée, et même fouillent et harcèlent des universitaires, des étudiants, des entrepreneurs et des scientifiques chinois, a déploré Geng Shuang, le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, lors d'une conférence de presse le 9 octobre.
Selon des observateurs, les autorités américaines tentent de plus en plus de bloquer ou de perturber les échanges normaux entre les peuples chinois et américain. Lors de la cérémonie d'ouverture, le vice-président américain Mike Pence a affirmé que son pays ne travaillerait en coopération qu'avec "des pays partageant les mêmes idées et épris de liberté".
Cette prise de position a suscité des interrogations des participants sur place. "Si la coopération internationale dépend du niveau 'épris de liberté', qui pourrait alors décider le point suffisant pour ce niveau d'être 'épris de liberté'?", lit-on sur le système de vote où les participants peuvent poser des questions.
La tentative américaine de politiser la coopération scientifique a même du mal à trouver des échos aux Etats-Unis. Environ 200 figures de la communauté astronautique du pays ont signé une lettre condamnant la participation de M. Pence à la cérémonie d'ouverture. Ils ont considéré sa présence comme étant en contradiction avec l'objectif de coopération mondiale de l'IAC.
Jan Woerner, directeur général de l'Agence spatiale européenne (ESA), a lui aussi remis en cause la position du vice-président américain. Pour lui, personne ne doit renoncer à la coopération avec pour seul motif de problèmes ou de risques potentiels.
"Ce n'est pas parce qu'on ne pense pas comme moi que j'arrête la coopération avec eux. Au contraire, d'autant qu'ils ne pensent pas comme moi, je vais m'engager dans la coopération", a déclaré M. Woerner à Xinhua.
Son point de vue a été partagé par Buzz Aldrin, l'un des deux premiers astronautes à avoir atterri sur la Lune et qui a reçu le Prix mondial de l'Espace IAF en 2019. Lors d'un séminaire tenu dimanche en amont de la conférence, il a estimé qu'il n'y avait pas de raison d'écarter la Chine de "Gateway", un projet américain de laboratoire en orbite lunaire, dans le cadre de la coopération internationale.