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Un mois « intérieur » au mont Wudang

La Chine au présent | 02.12.2015 08h31
Un mois « intérieur » au mont Wudang

Palpitations, arthrose cervicale, asthénie, début d'obésité... À cause de mes « nouveaux amis », j'ai dû démissionner d'une entreprise parmi les meilleures au monde. Après quelques recherches, j'ai décidé de passer l'été au mont Wudang, cœur de l'inspiration taoïste, dans une des écoles de kung-fu intérieur. Un mois, c'est vraiment court pour apprendre et pratiquer ces méthodes. Mais l'expérience de ces personnes si différentes de celles qu'on rencontre à Beijing m'ont ouvert les portes d'un monde nouveau.

Ma vie a changé à Wudangshan

Mon amie locale m'a conseillé le stage de remise en forme de Maître Chen Lisheng, représentant de la 15e génération de l'école Xuan Wu. À 38 ans, ce maître du Dao est un fin connaisseur des lettres et des arts martiaux, et sa réputation n'est plus à faire à Wudangshan. Voici 18 ans, avant de commencer à étudier le kung-fu, il était travailleur migrant, un métier peu prisé en Chine. Il a péniblement amassé la somme nécessaire à un apprentissage de 3 ans, puis il est arrivé ici bardé de rêves romantiques, abandonnant son emploi de contremaître à Shanghai, qui aurait pourtant pu le mener à une relative prospérité.

La terrasse du paradis

L'école se trouve dans la zone Qiongtai, ce qui signifie « la terrasse de jade ». Le premier matin de mon séjour, à 5h30 comme il se doit selon le règlement de l'école, portant les vêtements traditionnels, je suis sorti du dortoir pour faire mes exercices sur la terrasse. En ouvrant la porte, moi qui ai vécu 30 ans dans le smog pékinois, j'étais étouffé par la pureté de l'air. « La terrasse de jade, c'est la terrasse du paradis », m'a dit Wang An en citant une phrase de la légende.

C'était un jeudi, jour de repos ou « week-end » de l'école. Le maître donnait des cours à l'Institut du Taoïsme de Wudangshan, et ses élèves faisaient leurs exercices s'ils le voulaient. Même lorsque le maître était absent, j'ai toujours vu arriver ses élèves à 5h30 pile. C'est Élisabeth, qui vient de Slovénie, mais qui préfère s'appeler Li Bai, nom de l'un des plus grands poètes de la dynastie Tang, qui m'a expliqué le principe de cet exercice de base très important. Et docteur Sun, de Shanghai, a rectifié avec patience mes gestes. Les premiers jours, je ne pouvais faire que huit à dix minutes de méditation debout à la fois. Ensuite, le mal aux jambes et ma respiration saccadée m'obligeaient à m'interrompre. Alors que d'autres élèves méditaient pendant une heure au lever du soleil...

Après le petit déjeuner pris à 7h30 et un petit répit, c'était le moment de la méditation assise qui commence à 9h. Celle-ci semblait assez facile physiquement, mais la difficulté était de se vider l'esprit, de le garder tranquille sans penser à rien. C'était vraiment un problème pour moi au début. J'essayais de chasser les idées de mon cerveau, mais elles ne cessaient de revenir toujours plus nombreuses. Pas moyen de me tenir sur le chemin de la méditation.

Laisser faire le temps

« N'essaie pas de bloquer tes idées. Lorsqu'elles viennent, laisse-les passer. C'est le traitement sédimentaire de tes obsessions. Ne sois pas pressé », m'a indiqué mon maître. La pensée taoïste veut que l'on laisse du temps au temps.

Certains élèves voulaient apprendre le plus possible d'enchaînements de kungfu ou d'arme blanche pendant le temps limité de leur stage. Leur approche rationnelle leur semblait efficace. Mais mes condisciples et moi, nous pensons qu'ils font fausse route. Notre expérience de la philosophie de l'école Xuan Wu nous dit qu'il faut du temps pour construire tout d'abord la base, et les techniques de lutte doivent venir plus tard. Apprendre un enchaînement de boxe difficile, lorsqu'on manque de bases, ne permet pas de l'achever avec les gestes et les sentiments corrects. Mes condisciples et moi, nous ne cherchions pas à apprendre sans cesse des choses nouvelles. Moins efficaces mais plus concentrés, nous préférions travailler à la lente acquisition des bases par la méditation de longue durée. Pendant ce mois passé dans la montagne, je n'ai appris que trois séries de wushu : Ba Duan Jin, comme échauffement, puis deux autres : Ba Gua Zhang qui réduit le feu du cœur pour fabriquer de l'énergie vitale, le qi, avec l'eau du rein, et la série tai-chi des Neuf Gestes de Wudang.

Cette attitude prudente est recommandée surtout pour les méthodes de santé. Suivant le principe taoïste et la médecine traditionnelle chinoise, l'idéal à poursuivre est une circulation sans obstacle du qi à l'intérieur du corps. Dans l'enfance, les deux circulations intérieures du corps, Ren mai (du périnée à la bouche par le ventre) et Du mai (du périnée au palais en passant par la colonne vertébrale et l'occiput), sont connectées comme un ensemble ou circule le qi. Mais en grandissant, les mauvaises habitudes et le mode de vie moderne font qu'elles se déconnectent. Des blocages se forment dans l'une ou l'autre. C'est petit à petit, par la méditation debout ou assise, qu'il faut rétablir la circulation.


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(Rédacteurs :Yin GAO, Guangqi CUI)
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