Dernière mise à jour à 08h50 le 18/12
La vie différente des guides
Pubu Dunzhu est l'un des premiers guides diplômés de l'école d'alpinisme. C'est l'une des rares personnes capables d'escalader l'Everest sans oxygène. Aujourd'hui il est formateur à l'école d'alpinisme. Pour ses élèves, c'est un drôle de zigoto. Pendant ses cours, il lui arrive de s'emporter et de leur mettre un coup de pied au derrière... mais dans les nuits les plus glaciales, il fait souvent la tournée des dortoirs pour voir si personne n'est en train de geler.
Bata, un alpiniste talentueux, est lui aussi l'un des premiers diplomés de l'école. Sa façon très rapide de grimper lui a valu son surnom de « singe ». Dans le tournage du documentaire, il cumule les rôles de sujet et de photographe. Il a déjà grimpé ce sommet à neuf reprises.
Suoduo est le premier de sa famille à avoir travaillé en ville. En 2009, il est arrivé à Lhassa avec 1 000 yuans en poche après un voyage en train de huit heures. Lors de sa première ascension de l'Everest en 2003, il est monté à une altitude de 8 400 m, mais il a dû renoncer à atteindre le sommet pour sauver un alpiniste frappé d'hydropisie cérébrale.
Il a longtemps hésité à tenter une nouvelle ascension. Il avait vu une dizaine de corps sur la neige. « La mort n'est jamais loin dans ces montagnes », remarque-t-il.
Ce n'est qu'en 2014 qu'il finit par atteindre ce redoutable sommet tant convoité. Tout à son exploit, il s'est empressé d'envoyer des WeChat à ses amis. Mais en redescendant, il a subitement perdu la vue... un état heureusement temporaire.
D'après la croyance des guides, la montagne est sacrée et il est interdit de la gravir. Mais en réalité, ils sont reconnaissants envers l'Everest car c'est grâce à lui qu'ils gagnent leur vie. Ils ont quitté leur village pour Lhassa et l'alpinisme. Un guide doit savoir tout faire en montagne ; alors ils apprennent le chinois, l'anglais, les premiers secours, la photographie. Ils se sont lancés dans la carrière de guide de haute montagne, ce sport plein d'aventure et de dangers.
« Ce sont des gens ordinaires dans un sens. Eux aussi s'ennuient, ont leurs problèmes et craignent parfois pour leur avenir. Mais ils sont aussi extraordinaires et admirables, comme l'est tout alpiniste ayant atteint le sommet. Dans des conditions extrêmement dures, à la recherche des ressources ultimes de l'homme, du premier pas jusqu'au plus haut sommet, bien sûr qu'ils vivent des histoires incroyables. » Pour Xiao Han, ces personnes méritent plus que quiconque de faire l'objet d'un documentaire.
L'épreuve d'une vie
Lorsqu'il s'est attaqué à ce projet, Xiao Han était très idéaliste. Il se voyait en haut de l'affiche, célèbre... Mais la suite lui a montré que parmi tous les genres de l'audiovisuel, le documentaire en est le parent pauvre. C'est un travail difficile. Pourquoi les documentaires ne peuvent-ils pas être projetés dans les cinémas où les spectateurs achètent leur billet à prix d'or ?
Ce n'est qu'une fois le tournage terminé, le montage effectué, que chacun a commencé à s'inquiéter du devenir du film.
En Chine comme ailleurs, les documentaires ne sont pas des films grand public. Cela signifie que ce documentaire, malgré sa qualité, aura du mal à percer au milieu des fictions commerciales à gros budget. C'est là le principal sujet de préoccupation pour Xiao Han. La chance lui sourit pourtant et le 16 octobre, son documentaire est finalement accepté pour passer sur grand écran. « Ç'aura été une épreuve », nous confie-t-il. Mais il n'est pas déçu. Les entrées dépassent ses espérances, et 80 % des spectateurs viennent pour la première fois au cinéma pour regarder un documentaire. 90 % des paroles du film sont en tibétain, ce qui oblige les spectateurs à lire les sous-titres. Selon Xiao Han, ce choix est justifié : les acteurs font preuve de plus de naturel en parlant leur propre langue, et le film gagne ainsi en réalisme.
Son film est nominé pour le Prix de la communication internationale à la première édition de la Conférence des documentaires chinois. Ce documentaire, en tant que champion national, va également participer au festival Sunny Side of the Doc. La BBC et NHK ont déjà annoncé qu'ils allaient acheter les droits de diffusion.
« Pour beaucoup de spectateurs, c'est la première fois qu'ils voient un documentaire au cinéma. C'est très émouvant », avoue Xiao Han. C'est son rêve mais aussi son plus grand bonheur.