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De "beaux esprits" africains sur un campus chinois de renom

Xinhua | 26.10.2016 08h25

Dans un monde et une Chine de plus en plus internationalisés, si vous vous promenez sur le campus de la prestigieuse Université de Pékin (PKU, aussi appelée "Beida"), il n'est plus rare désormais d'y apercevoir de temps en temps des visages étrangers, dont certains africains.

De fait, l'histoire des échanges officiels entre les étudiants africains et les établissements d'enseignement supérieur chinois remonte aux années 1950. En 1956, un groupe de quatre étudiants et quatre intellectuels égyptiens est ainsi arrivé dans la jeune République populaire de Chine, fondée à peine sept ans plus tôt.

Ces échanges, généralement d'un volume modeste, n'ont jamais cessé, sauf lors de la Révolution culturelle (1966-1976). A mesure que la Chine se hissait sur le devant de la scène mondiale, le nombre de jeunes talents venus de ce continent fertile a connu une croissance spectaculaire depuis une dizaine d'années.

Selon le ministère chinois de l'Education, 49.792 étudiants africains suivaient des études l'an dernier en Chine, soit une nette augmentation de près de 20% par rapport à 2014.

Aujourd'hui, ils sont une centaine à étudier à Beida, suivant les pas de l'actuel président éthiopien Mulatu Teshome, qui y a décroché une licence de philosophie de l'économique politique en 1982 et un doctorat de droit international en 1991.

UN CHOIX POUR DES RAISONS DIVERSES

Originaires de 32 pays africains, ces jeunes étudiants sont venus étudier dans cette université qui est probablement la plus connue de Chine pour des raisons diverses.

Le père de Habibillah Ben Daoud, doctorant comorien à Beida, avait également fait ses études dans la capitale chinoise dans les années 1990. "Il chantait parfois des chansons chinoises à la maison, c'étaient mes premières impressions de la Chine", se souvient-il. En raison de cette expérience personnelle, il s'est envolé pour la Chine après le lycée au lieu de choisir un pays voisin ou occidental.

Mendoo Joseph Olivier, un étudiant camerounais en master de relations internationales, s'est dit intéressé par le rôle des grandes puissances en Afrique. "Comme j'ai déjà fait mes études au lycée en Allemagne et que je connais un peu le système occidental, je crois que la Chine pourrait me donner une autre vision", explique-t-il.

Pour Luyolo Sijake, un Sud-Africain de 23 ans, l'arrivée à Beida semble plutôt due au hasard. Invité à apprendre le chinois par un ami qui cherchait un compagnon d'études dans sa classe à l'université, ce jeune homme talentueux a décroché dans son pays le premier prix de la compétition internationale de chinois pour étrangers, "le Pont vers le chinois", après seulement deux ans d'apprentissage.

"Les organisateurs m'ont offert une bourse pour étudier en Chine, il faut en profiter! J'ai demandé à mes amis chinois quelle était la meilleure université en Chine. Ils m'ont tous répondu Beida."

DES ETUDES PAS TOUJOURS FACILES

Malgré leur maîtrise de la langue locale à différents degrés, l'obstacle linguistique demeure la principale difficulté des étudiants africains: en effet, les cours de chinois pour étrangers ne sont pas toujours adaptés à la pratique sur le terrain.

"Heureusement, mes camarades de classe chinois me donnent toujours un coup de main: ils me prêtent leurs notes et sont toujours prêts à répondre à mes questions", raconte Mendoo, qui essaie de se faire des amis parmi les étudiants et les professeurs chinois.

Suivre les feuilletons télévisés est un autre moyen d'affiner son oreille. "En plus, on connaît mieux la mentalité des Chinois à travers ces histoires très proches de la vie quotidienne", confie Luyolo.

Celia Kayo, une métisse sino-burundaise issue d'une famille de diplomates qui a fait ses études primaires et secondaires dans des écoles internationales, relève pour sa part la différence de mode d'enseignement.

"Les enseignants chinois 'donnent' un cours plus qu'ils n'interagissent avec nous. La plupart des étudiants chinois ne sont pas très enthousiastes à l'idée de prendre la parole non plus. J'ai vraiment eu du mal à m'y faire au début."

Outre les difficultés scolaires, l'intégration culturelle et sociale posent également problème. "Les gens ont plus ou moins tendance à rester dans leur zone de confort, c'est-à-dire que nous les Africains préférons fréquenter des Africains, et les Chinois préfèrent communiquer avec des Chinois. C'est plus facile. Mais on ne progresse et ne se rapproche jamais ainsi", déplore Luyolo.

"Ça ne me gêne pas d'avoir une camarade de chambre chinoise si les conditions de logement sont les mêmes", indique Celia, qui attribue partiellement ce phénomène à la séparation des dortoirs des étudiants chinois et étrangers. A Beida, comme dans de nombreuses universités chinoises, les étudiants étrangers ont le privilège d'être logés dans des conditions plus confortables : une ou deux personnes dans une chambre souvent plus vaste et mieux équipée.

Ce fossé est très présent, estime Smith, un Libérien participant à un programme anglophone de l'Institut de coopération et de développement Sud-Sud de Beida, un nouvel établissement fondé en avril dernier dans le cadre d'un programme de coopération éducative Sud-Sud proposé par le président chinois Xi Jinping qui vise à former de jeunes fonctionnaires des pays en développement.

"Les étudiants de mon programme ne parlent pas chinois. Nous ne pouvons pas communiquer avec les gens en dehors du campus. C'est embêtant", dit-il, en ajoutant que les Chinois se montrent souvent un peu "timides" et "passifs" envers les étrangers.

"Les Chinois, surtout ceux des grandes villes, peuvent avoir l'air froid au premier coup d'œil. Mais il faut que tu fasses le premier pas. Si tu vas vers eux en premier, si tu les salues, si tu leur demandes une faveur, ils peuvent se révéler très sympas et... curieux."

Cette curiosité peut aussi entraîner des malentendus. "Les Chinois me contemplent et me prennent en photo sans me parler. Je trouvais ça bizarre et un peu offensant au début. Il arrive aussi qu'ils m'inondent de tas de questions sur mon pays, ma famille... Surtout les chauffeurs de taxi, ils sont très bavards. Et je commence à comprendre que c'est plutôt une curiosité sans méchanceté", dit Mendoo. "Je crois que la plupart du temps, je suis respecté et accepté comme tous les autres en Chine."

UNE UNITE PANAFRICAINE CONCRETE

Liu Haifang, directrice adjointe du Centre des études africaines de Beida, est très impressionnée par la vivacité des étudiants africains. "Leurs notes scolaires ne sont peut-être pas toujours excellentes, mais ils sont très actifs en classe. Ils se montrent aussi très enthousiastes pour ce qui est des activités sociales. Chaque année, pendant le Festival culturel international de Beida, les stands des pays africains et les spectacles organisés par nos étudiants africains attirent le plus de monde", constate-t-elle.

Ces "activistes" consacrent également leurs efforts à l'autonomisation de leur continent. L'Association des étudiants africains de l'Université de Pékin (PUASA) est devenue une véritable petite Union africaine, avec ses tables rondes et séminaires variés, sans parler des voyages et des activités sportives avec les étudiants chinois. Les jeunes venus de ce continent de 30 millions de km2 sont réunis sous un même drapeau africain.

"Les hommes politiques africains travaillent encore pour la cause panafricaine, mais à Beida, nous avons déjà réalisé ce rêve panafricain", plaisante Mme Liu.

DE FUTURS "DIRIGEANTS AFRICAINS"

"J'aimerais utiliser ce que j'appris en Chine et ce que je sais sur l'Occident - nous avons été longtemps colonisés et placés sous leur système, qui ne nous est pas inconnu - pour trouver une voie de développement pour l'Afrique. Un poste dans une organisation internationale telle que le PNUD (Programme des Nations Unies pour le développement) me paraît intéressant", répond Mendoo quand on l'interroge sur ses projets d'avenir.

Pour ses pairs africains de Beida, rien n'est encore défini pour l'heure. Entreprises, établissements gouvernementaux, instituts d'enseignement ou de recherche, organisations internationales... "On verra, tout est possible. Mais de toute façon, je crois que je vais faire quelque chose lié à la Chine", confie Luyolo.

Quoi qu'ils fassent à l'avenir, "il ne serait pas surprenant de voir de futurs dirigeants africains émerger parmi nous", s'exclame Smith, l'air confiant.

(Rédacteurs :Yishuang Liu, Guangqi CUI)
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