Dernière mise à jour à 08h58 le 08/10
Le chef de la défense philippine a annoncé vendredi qu'il avait suspendu la participation de son pays à des patrouilles conjointes avec les États-Unis dans la zone contestée de la mer de Chine méridionale, premier signe concret d'une fissure dans l'alliance militaire entre les deux pays après l'élection du Président Rodrigo Duterte. Le Secrétaire à la défense Delfin Lorenzana a également dit qu'il demanderait aussi au petit détachement de troupes américaines qui fournissent une assistance antiterroriste sur l'île méridionale de Mindanao de la quitter quand le Président philippin le demandera, ajoutant cependant que cela n'arrivera seulement qu'après que l'armée philippine puisse effectuer de telles opérations par elle-même, ce qui pourrait prendre des années.
Depuis son entrée en fonction le 30 juin, M. Duterte a surpris les responsables américains et sa propre armée avec des déclarations apparemment faites à l'improviste, mais avec de profondes implications stratégiques potentielles. Son but, dit-il, est de desserrer les liens avec les États-Unis et de donner à son pays d'Asie du Sud-est une politique étrangère plus « indépendante », avec des « nouvelles alliances » avec la Chine et la Russie, voire des achats d'armements auprès de ces deux pays. « Nous ne nous joindrons à aucune expédition ou patrouille en mer. Je ne le permettrai pas parce que je ne veux pas que mon pays participe à un acte hostile », a déclaré M. Duterte mardi devant des membres des Forces aériennes philippines. « Je ne veux pas jouer aux têtes brûlées là-bas avec la Chine ou avec l'Amérique. Je veux juste patrouiller dans nos eaux territoriales », a affirmé le Président philippin.
Dans le sillage de plusieurs protestations anti-américaines, les responsables de la défense philippine avaient déclaré à plusieurs reprises qu'ils attendaient de voir si les paroles du Président étaient ou non une politique réelle, tandis que les responsables américains ont dit qu'ils avaient pas été informés de la moindre modification apportée à leur alliance avec les Philippines. Interrogé sur la déclaration du président de la semaine dernière, disant qu'il voulait mettre fin à tous les exercices militaires avec les forces américaines, M. Lorenzana a déclaré que son ministère était toujours en attente d'une directive officielle. « Nous l'avons entendu à la télévision », a-t-il dit. M. Lorenzana a dit qu'il y avait seulement deux exercices impliquant les marines des États-Unis et des Philippines en mer de Chine méridionale, mais que toute activité future était dorénavant « suspendue ».
Quant à savoir si aux États-Unis avaient été informés, il a dit « ils le savent déjà. Il n'y a pas de patrouille en mer de Chine méridionale ». Aucun avis formel n'a cependant été envoyé. M. Duterte a dit qu'il voulait que les patrouilles soient interrompues pour éviter d'indisposer la Chine, même si les Philippines ont remporté un arbitrage, que la Chine ne reconnaît pas, sur le territoire disputé en juillet, peu après son entrée en fonction. Le Ministre des Affaires étrangères Perfecto Yasay Jr. énoncé la position du Président de façon plus explicite dans un post publié mercredi sur Facebook, intitulé « L'Amérique nous a décus ». Il est temps pour les Philippines de se libérer de la « dépendance entravante » envers les Etats-Unis, qui ont gouverné les Philippines en tant que colonie jusqu'en 1946, après les avoir arrachées à l'Espagne lors de la guerre de 1898.