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Consommer pour fuir la solitude dans la Chine moderne

le Quotidien du Peuple en ligne | 18.10.2019 11h04

Le stéréotype d'un ermite de la Chine ancienne est souvent un vieil homme d'une grande sagesse, passant ses journées remplies d'alcool et de poésie ou vivant modestement loin de la civilisation. Passons maintenant rapidement à la Chine du 21e siècle, où la solitude est toujours bien vivante mais où les mégalopoles grouillent d'activités humaines.

L'urbanisation a regroupé les gens autour de pôles de productivité. Pourtant, le sentiment d'isolement dans une ville éloignée de la famille et des amis afflige de nombreux Chinois, à tel point qu'une « économie de la solitude » s'est développée pour répondre à ce phénomène moderne.

Pour autant, faire les choses seul ne veut pas dire qu'on est seul. Des formes de loisirs et de divertissement sont apparues dans les grandes villes telles que Beijing et Shanghai pour les jeunes célibataires, comme les mini kiosques de karaoké et les restaurants de fondue « Xiabu Xiabu ». Ces entreprises permettent aux clients d'être actifs en public sans être stigmatisés pour le fait d'être seuls.

Et les chiffres semblent justifier de tels investissements. Ainsi, selon un rapport du ministère des Affaires civiles, fin 2018, il y avait plus de 200 millions d'adultes célibataires dont environ 77 millions vivaient seuls.

Mais certains dépensent-ils pour oublier leurs souffrances ? Dans une enquête réalisée en 2018 par l'application de rencontre Momo et Xiaozhu, l'homologue d'Airbnb, plus de la moitié des personnes interrogées ont déclaré qu'elles pourraient dépenser de l'argent pour se sentir moins seules. Le rapport note également que les jeunes qui vivent seuls sont en train de « consommer leur solitude », beaucoup d'entre eux étant « célibataires » et vivant dans une ville loin de leurs proches.

Le sentiment de solitude -par opposition à ceux qui aiment ou qui choisissent d'être seuls- est donc devenu un problème lancinant, en particulier pour un groupe démographique de plus en plus âgé dans la société vieillissante de la Chine. Bien qu'ils ne fassent pas tout à fait partie de « l'économie de la solitude », les foyers de soins aux personnes âgées à but lucratif bouleversent les notions traditionnelles de la famille.

En Chine, les enfants soutiennent traditionnellement leurs parents lorsqu'ils vieillissent, mais une société plus mobile, où les gens vont dans d'autres villes pour travailler, a depuis quelque temps laissé un vide en matière de soins aux personnes âgées. Jusqu'à ces dernières années, les établissements de soins infirmiers publics désolés étaient pratiquement la seule option. Mais aujourd'hui, les établissements privés de luxe dotés d'un personnel infirmier et d'installations apparentées aux hôtels étoilés progressent dans les grandes villes et dans certaines plus petites.

La solitude découlant de la situation moderne n'est pas propre à la Chine. Au Japon, le terme « hikokimori » ne désigne pas seulement le demi-million de personnes qui se sont retirées de la société, il représente également une maladie grave caractérisée par l'isolement physique et le fait d'éviter des situations sociales pendant six mois ou plus.

Aux États-Unis, la solitude est aussi un fardeau économique. Une étude réalisée par le groupe de défense des droits AARP et l'Université de Stanford a ainsi noté que, pour les Américains âgés de 65 ans et plus, l'isolement social coûte près de sept milliards de dollars en soins de santé chaque année. Ceux qui se disent isolés ont davantage de problèmes de santé, peuvent souffrir de maladies mentales telles que la dépression et ont des difficultés à prendre un bain ou à faire leur toilette.

Que vous soyez jeune ou vieux, vivre seul suscite toujours de la compassion et parfois de la honte. Dans une société qui est plus que jamais connectée par la technologie, les gens se demandent s'il s'agit d'une aubaine pour la connectivité ou d'une béquille pour les interactions en face à face. Pour le meilleur ou pour le pire, des industries entières observent cette tendance croissante en Chine, où les notions de communauté évoluent, alors qu'elles tentent de combler un vide et de gagner de l'argent en même temps.

(Rédacteurs :Xiao Xiao, Yishuang Liu)
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