Le Comité Nobel norvégien a décerné le Prix Nobel de la Paix 2013 à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC), en « reconnaissance à sa contribution pour l'interdiction des armes chimiques dans le monde ». L'OIAC s'est révélé être un lauréat surprise, la favorite la plus en vue étant, avant que le prix ne soit dévoilé, une jeune Pakistanaise de 16 ans, Malala Yousafzai. Ou peut-être est-ce parce que les Prix Nobel de la Paix décernés ces dernières années ayant suscité beaucoup de controverses, le Comité Nobel n'a pas voulu risquer de ranimer de vieilles querelles, et a ainsi octroyé le prix à une organisation.
Malala est une jeune fille qui mérite sympathie et respect. Elle devenue célèbre pour sa lutte pour le droit à l'éducation des filles, elle a été victime d'une brutale tentative d'assassinat par des talibans qui l'a laissée entre la vie et la mort ; soignée au Royaume-Uni, elle y a poursuivi ses études ainsi que des activités publiques. Son histoire devenue légendaire a inspiré beaucoup de gens, et elle est considérée comme un symbole de «liberté et de lumière ».
Pourtant, même ainsi, que Malala soit devenue une candidate populaire au Prix Nobel de la Paix n'a pas été sans susciter de vastes controverses. Tout d'abord, le monde dans lequel nous vivons doit se demander s'il doit ou non encourager une enfant à s'exposer en première ligne pour la lutte pour les droits. Deuxièmement, Malala est une victime de deux systèmes de valeurs opposés, et ce n'est pas avec une puissante pression spirituelle née à l'extérieur que cette opposition pourra disparaitre. Que l'Occident aide Malala est juste, mais la dépeindre comme un modèle de lutte contre les Talibans, utiliser la force qu'elle représente pour peser sur le processus de paix progressive en Afghanistan, cette idée ressemble plus à la « consommation émotionnelle » propre aux Occidentaux, et il n'est pas sûr que ce soit bénéfique au processus de paix en Afghanistan et au Pakistan.
Que le Comité Nobel ait su cette fois éviter la controverse entourant Malala est un choix judicieux. Il n'en reste pas moins vrai que la puissante influence des valeurs occidentales qui s'exerce depuis longtemps sur le Prix Nobel de la Paix reste encore bien présente.
Avec l'approfondissement du processus de mondialisation, la diversité culturelle du monde et les valeurs occidentales sont sans cesse en conflit pour la domination culturelle sur le monde, mais cela ne devrait pas être considéré comme une lutte où ce qui n'est pas noir est nécessairement blanc ; l'interaction culturelle est un processus inévitable, l'incontestable puissance de la culture occidentale a ses propres raisons, mais cela ne doit pas empêcher l'Occident de conserver une maîtrise de soi.