La situation politique en Ukraine est bien différente de la désintégration de l'Union Soviétique : l'indépendance de l'Ukraine ne s'est pas contentée de donner naissance au troisième arsenal nucléaire du monde et de s'arrêter là ; bien au contraire, ces dernières années, l'Ukraine est devenue le dernier champ de bataille de la guerre froide, et pourrait même conduire au déclenchement d'une seconde guerre froide. Alors que l'Ukraine se tourne vers l'Occident, la région de Crimée a organisé un référendum sur son rattachement a la Russie. Ce petit jeu de balancier géopolitique entre la Russie et l'Occident est entré dans sa phase finale, et il peut nous apprendre beaucoup.
1er enseignement : les lignes de fracture politiques peuvent facilement conduire à une tragédie politique entre grandes puissances
En tant que deuxième plus grand pays d'Europe, pourquoi l'Ukraine est-elle un « dilemme »? Tout comme c'est à la jonction des plaques tectoniques que se déclenchent souvent des tremblements de terre, à la jonction de plaques intercontinentales se trouvent aussi des lignes de fractures de civilisation, qui conduisent souvent aussi à des tremblements de terre politiques. L'Ukraine, malheureusement, est située à la jonction des civilisations catholique et orthodoxe : la plupart des habitants des régions Ouest de l'Ukraine sont catholiques, alors que la plupart des habitants des régions de l'Est sont orthodoxes russes. La crise économique a déclenché un choc des civilisations, conduisant le pays au bord de la faillite et de la scission, offrant aux grandes puissances des opportunités d'intervention, et finalement conduisant sa propre tragédie à provoquer une tragédie politique entre grandes puissances.
2e enseignement : la crise politique découle de la crise économique, et une forte dépendance de l'économie envers l'extérieur est dangereuse pour la sécurité nationale
Ces dernières années, les efforts de l'Occident pour faire changer le régime politique dans certains pays ont souvent réussi, et ont eu tendance à se propager. Cette fois, pour éviter d'irriter la Russie, l'Occident n'a pas recouru à des slogans comme le « printemps ukrainien » ou la « révolution orange » ou autres, mais sur le fond il n'y a pas de différences. Les difficultés économiques internes de l'Ukraine, découlant d'un défaut de la dette et de la faillite, ont offert des opportunités de manipulations extérieures. L'Occident s'est appuyé sur la volonté de l'Ukraine de ne pas dépendre excessivement de la Russie pour encourager un changement de situation dans le pays.
3e enseignement : la lecture erronée de l'histoire par l'Occident est un facteur déclenchant de troubles
La désintégration de l'Union Soviétique, qui marqua la fin de la guerre froide, a plongé l'Occident dans l'ivresse de la victoire, poussant les États-Unis à conclure à la « fin de l'histoire », ce qui a d'abord fait prospérer, pour un temps, les théories néo-impérialiste et néo-conservatrice, mais fini par conduire les États-Unis à s'embourber de manière inextricable pendant dix ans en Afghanistan et en Irak. De son côté, l'UE a également procédé à une expansion massive, absorbant 10 pays rien qu'en 2004, jusqu'à en faire une indigestion. C'est de ces mauvaises interprétations de la fin de la guerre froide que sont nés les troubles. Vouloir donner un caractère inévitable à la nature hasardeuse de l'histoire conduit souvent à des prophéties auto-réalisatrices.
4e enseignement : les doubles standards de l'Occident reflètent à nouveau leur hypocrisie
Les Etats-Unis et l'Europe ont autrefois apporté leur soutien à un référendum au Kosovo, mais aujourd'hui ils s'opposent au référendum en Crimée ; naguère, ils prétendaient que les droits de l'homme étaient au-dessus de la souveraineté, mais aujourd'hui, ils disent que la souveraineté et l'intégrité territoriale de l'Ukraine sont indivisibles. Les doubles critères des Etats-Unis et de l'Europe ont de quoi dérouter les gens : la raison en est bien sûr que les Etats-Unis et l'Europe décident des valeurs en fonction de leurs propres intérêts : à leur avis, l'indépendance du Kosovo arrachée à la dictature Serbe est légitime, mais l'indépendance de la Crimée de l'Ukraine démocratique est illégale ; dans leur esprit, il semble que la Russie n'est pas un État-nation qui s'est formé naturellement, et qu'il veuille à présent absorber la Crimée est également une violation des idées occidentales. A la veille de l'effondrement de l'Union Soviétique, l'Occident avait à promis Eltsine : pas d'élargissement de l'OTAN, et la Mer Baltique ne rejoindra pas l'UE. Or, quelle est la situation aujourd'hui ? Comment la Russie peut-elle faire confiance à l'Occident ?
La situation en Ukraine est toujours confrontée à de grandes incertitudes. Le 16 mars, un référendum s'est tenu en Crimée, mais le G7, les Etats-Unis et l'Europe ont clairement dit qu'ils ne reconnaîtront pas les résultats du référendum. On ne sait pas encore si l'Occident, face à des résultats du référendum en faveur de la Russie, acceptera ou non ce fait. La politique ukrainienne va constituer un gros problème pour de nombreuses grandes puissances, et comment elles y feront face sera pour ces pays un test de leur sagesse politique.