Le désir exprimé récemment par l'opposition syrienne en exil de discuter avec le président syrien Bachar Al-Assad et son administration reflète un changement dans la position des Occidentaux envers la Syrie, principalement du fait de l'impasse qui persiste sur le terrain et de la progression des groupes radicaux, ont indiqué les analystes.
Le chef de la principale coalition d'opposition en exil, Moaz Al-Khatib, a appelé lundi le gouvernement de Damas à démarrer des discussions en vue d'un départ de M. Al-Assad, une motion qui a peu de chances d'être acceptée par le gouvernement syrien, même si celui-ci n'a pas encore répondu.
M. Al-Khatib, récemment élu à la tête de la coalition nationale syrienne d'opposition, a appelé M. Al-Assad à confier à son vice- président, Farouk al-Chareh, la tâche d'ouvrir des négociations, déclarant que son objectif est de permettre à l'administration syrienne de se retirer pacifiquement et d'éviter de nouveaux bains de sang.
"La balle est maintenant dans le camp du régime. C'est à eux de dire oui ou non", a-t-il dit.
Ces déclarations récentes de M. Al-Khatib sont les troisièmes en ce sens depuis qu'il a créé la surprise la semaine dernière en annonçant qu'il acceptait de dialoguer avec des représentants de l'administration syrienne, à condition de libérer les détenus et de renouveler les passeports des membres de l'opposition à l' étranger.
Cette démarche inattendue des opposants syriens a également été saluée par les États-Unis.
Bassam Abuabdalla, professeur de droit international à l' Université de Damas, a déclaré que "lorsque la position des États- Unis a changé, on a assisté à un changement de rhétorique de la part de l'opposition".
M. Al-Khatib a tenu ces propos en préparation du prochain sommet russo-américain qui doit discuter des principes d'une solution à la crise syrienne en conformité avec la déclaration de Genève, sur laquelle la Syrie est précédemment tombée d'accord, a déclaré à Xinhua ce professeur.
Analysant ce changement de position des États-Unis, M. Abuabdalla a estimé que Washington était arrivé à la conclusion qu' il n'y avait aucune perspective pour l'actuelle opposition alors que les groupes armés sur le terrain sont débordés par les djihadistes et radicaux étrangers, déclarant "il y a un accord entre les États-Unis et la Russie, et l'administration Obama ne peut prendre davantage de risques concernant la présence croissante de radicaux armés".
"Les États-Unis ont réalisé qu'il était impossible de renverser le régime de Syrie par ce moyen (la rébellion armée)", a-t-il dit.
De son côté, le politologue Hamdi al-Abdullah a abondé dans le sens de M. Abuabdalla, déclarant que le changement de position des États-Unis et de l'opposition était dû "à la perte d'espoir dans la possibilité de terminer le conflit en Syrie en renversant le régime par une rébellion armée".
S'adressant à Xinhua par téléphone mardi, M. Abdulla a attribué le changement de position de l'Occident à la crainte des organisations extrémistes qui progressent et à la gravité d'un prolongement de cette crise, qui pourrait donner encore plus de force à ces groupes radicaux et menacer les intérêts occidentaux dans la région.
La troisième raison est l'attitude de la population envers les groupes rebelles armés, affirme M. Abdullah, expliquant que les gens commencent à se plaindre de la présence des rebelles dans les régions peuplées et de leurs actions.
Concernant les appels au dialogue conditionnels de M. Al-Khatib, M. Abdullah a estimé qu'un tel dialogue devrait être basé sur une absence de conditions préalables.
Minimisant les exigences des dirigeants d'opposition de libérer les détenus et de renouveler les passeports des Syriens à l' étranger, le politologue a estimé que ces conditions n'étaient que des "formalités", "peu convaincantes", avancées par M. Al-Khatib pour justifier son changement de position soudain.
Par ailleurs, le parlementaire syrien Esam Khalil a émis l' espoir que la nouvelle approche favorable au dialogue de l' opposition serait basée sur une vision réaliste et pas seulement sur une réaction à un état de dépression après l'échec de la rébellion armée en Syrie.
Le gouvernement syrien ne peut pas "prendre au sérieux » les appels de M. Al-Khatib, « à moins qu'ils n'expriment des positions ouvertes et claires", à savoir "le rejet d'une intervention étrangère en Syrie, la dénonciation du terrorisme, de la haine et des discours sectaires, ainsi que la préservation de l'unité et de la souveraineté de Syrie".
M. Khalil a exprimé l'espoir que l'intérêt national l'emporterait et qu'une solution en Syrie serait trouvée exclusivement par des Syriens dans l'intérêt du peuple.