L'armée française s'est montrée avare en images, concernant l'opération Serval qu'elle mène au Nord-Mali depuis le 11 janvier dernier, réduisant sa communication "au strict minimum", a constaté lundi le journal Libération.
Le quotidien français, qui a consacré un dossier à cette question de la couverture médiatique de l'intervention militaire française au Sahel, a souligné, dans son éditorial, le dilemme auquel il est confronté dans ce conflit, devant choisir entre la version nécessairement orientée de l'armée française et la " violence abjecte" dont use le camp d'en face, celui des terroristes islamistes.
Cela n'a pas empêché le journal de noter que "les autorités françaises contrôlent de facto le travail journalistique et offrent aux citoyens un récit contrôlé qui ne permet pas l' information légitime du pays".
Il ne fait aucun doute, pour Libération, que cette rétention de l'information de la part de Paris entrave la bonne marche du travail journalistique en "rendant difficile l'établissement d'un bilan fiable" de l'opération militaire française au Mali.
Evoquant un "paradoxe Serval", le journal hexagonal s'étonne du refus continu de l'état-major des armées françaises de trop en dévoiler sur le déroulement de la guerre, donnant les informations au compte-goutte, se contentant de rendre compte des sorties aériennes et du déploiement des troupes.
Pourtant, "depuis son lancement, l'opération de l'armée française au Mali est un succès", reprenant en quelques jours le contrôle des principales villes du Nord malien, telles que Gao, Tombouctou ou encore Kidal, jusqu'alors occupées par des groupes islamistes armés liés, pour certains, à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Cette opération, qui n'a entraîné la mort que d'un seul soldat dans les rangs français, a laissé étrangement filtrer très peu d' images des affrontements ou encore des victimes.
Selon Libération, la divulgation des premières images de la guerre, montrant tirs et corps morts, n'a eu lieu que dimanche 10 février, soit près d'un mois après le début de l'intervention française, au journal télévisé (JT) de TF1 et de France 2.
Les envoyés spéciaux des deux chaînes françaises ont filmé "au plus près les échanges de tirs entre islamistes dans un commissariat, soldats maliens arrosant en vain les moudjahidin et armée française arrivant à grand renfort de blindés".
Ces images restent, estime Libé, "soumises au bon vouloir des armées françaises et maliennes qui, entre contrôle et crainte des enlèvements, verrouillent le conflit comme on ne l'avait plus vu depuis la première guerre du Golfe".
Un militaire français au Mali, cité par le journal, a démenti qu'il s'agissait d'une guerre sans images. "Nous avons des images tournées par nous à (la) disposition (des journalistes)", a-t-il assuré.
Mais, comme le dit l'un d'entre eux, qui, en déplacement à Bamako, n'a pas eu la chance d'être embarqué dans des vols militaires, réservés à quelques envoyés spéciaux privilégiés, " tout cela donne l'impression déplaisante d'un tri sélectif de l' information qui serait fait à Paris et au seul profit des grands médias, qui joueraient le jeu de l'armée".
"L'armée (française) n'a jamais caché son désir de voir sa guerre "contre le terrorisme" faire l'ouverture du (JT de) 20 heures", a estimé Libération, tout en constatant que les images envoyées depuis la Mali pourraient "parfois se résumer à celles d' une prodigieuse avancée vers le Nord".