Le président américain Barack Obama fait face à un dilemme en Syrie alors qu'il doit décider de lancer ou non une intervention militaire à la suite de l'allégation de l'emploi d'armes chimiques dans le conflit syrien. Cependant, aucun des choix qui s'offrent à lui n'est dénué de pièges.
M. Obama se prépare sans aucun doute à un affrontement militaire. Il a organisé dimanche par une liaison satellite une rencontre du conseil national de sécurité sur l'affaire syrienne qui allait dans ce sens, avec la participation du vice-président américain Joe Biden, du secrétaire d'Etat John Kerry, du secrétaire de la Défense Chuck Hagel, de la conseillère à la sécurité nationale Susan Rice, du directeur de l'agence centrale de renseignement John Brennan, du chef d'état-major Martin Dempsey et d'autres officiels de haut rang.
Selon la Maison blanche, M. Obama a "reçu un examen détaillé des options potentielles, qu'il avait requis pour que les Etats-Unis et la communauté internationale puissent réagir à l'emploi d'armes chimiques (en Syrie)".
Des officiels américains ont déclaré que les options à leur disposition vont d'une série d'attaques précises aux missiles de croisière à une campagne aérienne soutenue. M. Hagel, en visite en Asie à l'époque, a annoncé à des journalistes que le département de la Défense avait préparé diverses options pour faire face à toute éventualité, comme le président Obama l'avait demandé.
"Nous somme prêts à suivre n'importe quelles options" que M. Obama décide d'employer, a déclaré dimanche M. Hagel lors d'une conférence de presse à l'issue de sa rencontre avec son homologue malaisien Hishammuddin Hussein.
Parallèlement, l'armée américaine pratique, de son côté, la diplomatie de la canonnière. Les médias ont cité dimanche des officiels de la Défense non identifiés qui affirmaient que la marine américaine avait envoyé un quatrième navire de guerre, équipé de missiles de croisière, dans l'est de la Méditerranée.
M. Obama travaillait à la construction de sa coalition pendant que son armée s'affairait. Il a appelé respectivement samedi et dimanche le Premier ministre britannique David Cameron et le président français François Hollande pour discuter de la Syrie et de "réactions possibles de la communauté internationale".
Toutes ces actions pointent vers une intervention militaire. Mais M. Obama lui-même reste prudent. Il a confié à CNN au cours d'une interview qu'avant de décider la prochaine action à prendre, les Nations Unies devaient avoir tiré la conclusion formelle que Bachar al-Assad avait ordonné des attaques chimiques qui avaient tué, selon les rumeurs, des centaines ou des milliers de personnes, dont des femmes et des enfants.
Dans ce cas, les Etats-Unis ne pourraient procéder à une intervention qu'avec le feu vert de l'ONU ou un consensus international à grande échelle, a déclaré le président Obama.
"Il y a des règles dans le droit international", a-t-il annoncé. "Si les Etats-Unis entrent en Syrie et attaquent un pays sans la permission de l'ONU ni de preuve manifeste qui puisse être présentée, cela soulèverait alors des questions : est-ce que le droit international soutient l'action, avons nous la coalition pour la faire fonctionner, vous savez, ce sont des considérations que nous devons prendre en compte".
La preuve recherchée et l'autorisation de l'ONU pourraient ne jamais se concrétiser. L'administration Obama a annoncé dimanche matin par le biais d'un haut responsable du gouvernement que les informations selon lesquelles al-Assad allait octroyer à une équipe d'inspecteurs de l'ONU un accès en Syrie, quelques jours seulement après l'attaque présumée, ne pouvaient pas être perçues comme une preuve que le régime syrien n'a pas utilisé ou stocké des armes chimiques.
"A ce stade, la décision tardive du régime al-Assad d'accorder un accès à l'équipe onusienne a été prise trop tardivement pour être crédible, notamment parce que les preuves disponibles ont été sérieusement corrompues en raison des bombardements continus et d'autres actions intentionnelles du gouvernement au cours des cinq derniers jours", a déclaré l'officiel, alors que pour l'administration américaine il ne fait quasiment aucun doute que le gouvernement syrien a eu recours aux armes chimiques.
Hormis la Syrie, le président américain a d'autres facteurs extérieurs à prendre en considération. L'Iran et la Russie ont demandé aux Etats-Unis de faire preuve de retenue et de ne pas commettre l'erreur de mener une intervention militaire unilatérale en Syrie.
En outre, Aaron David Miller, du Woodrow Wilson Center, a écrit dans un article récent que M. Obama n'était pas actuellement d'humeur à se consacrer à la Syrie.
"Il préfère sans aucun doute qu'on se rappelle de lui comme un président qui a essayé de réparer la maison américaine brisée que d'être perçu comme un chef qui a parcouru le monde à chercher en vain à réparer celle d'autrui dans une quête vouée à l'échec", a écrit M. Miller.
"La réforme de l'immigration, le budget, appliquer de façon efficace la réforme Obamacare sur la santé (Affordable Care Act), continuer de se concentrer sur l'infrastructure et l'éducation, ce sont des choses importantes pour les Américains et pour l'héritage d'un président qui est le 17e de l'histoire américaine a avoir été réélu pour un second mandat. Le temps vient à manquer. Pourquoi le gaspiller dans des affaires qu'il ne peut pas résoudre, comme celle en Syrie?"
Quant à l'opposition syrienne, comme le général Dempsey l'a indiqué la semaine dernière dans une lettre adressée à Eliot Engel, le démocrate le plus haut placé dans la commission des Affaires étrangères de la Chambre des représentants, les Etats-Unis peuvent faire pencher la balance vers l'opposition syrienne dans le conflit, mais le gouvernement américain peut également refuser d'intervenir du fait que les rebelles pourraient ne pas défendre les intérêts américains une fois l'opposition au pouvoir.
L'opinion du général Dempsey montre, selon M. Miller, qu'"en Syrie, le danger ne se situe pas dans la fausse analogie avec le fiasco de l'intervention militaire américaine en Afghanistan et en Irak, mais plutôt dans les incertitudes liées à l'emploi de la puissance militaire américaine dans une situation où les objectifs politiques sont flous et les dépenses sont vraiment inconnues".
Mais cela ne veut pas dire que M. Obama ne mènera aucune action en Syrie. Dans l'interview avec CNN, M. Obama a annoncé que les Etats-Unis avaient dorénavant des "intérêts nationaux clés" dans la guerre civile syrienne maintenant que les armes chimiques font partie de l'équation, avant d'étoffer ces propos en ces termes : "nous devons à la fois nous assurer que les les armes de destruction massive ne prolifèrent pas, et nous devons protéger nos alliés, nos bases dans la région".
Il n'en demeure pas moins que la voie à suivre pour arranger la situation actuelle constitue pour l'instant un véritable dilemme pour le président Obama.