Ces derniers temps, la France a fait face à beaucoup de pressions sur la question des ventes d'armes à la Russie. Après le drame du vol MH17 de la Malaysia Airlines, ces pressions se sont encore accentuées.
Pour une majorité presque écrasante de l'opinion publique occidentale, il ne fait pas de doute que l'avion malaisien a été abattu par des rebelles pro-russes installés dans l'Est de l'Ukraine, à l'aide de missiles de type « Buk » fournis par la Russie.
La conséquence en est que l'Union Européenne se prépare à renforcer les sanctions contre la Russie. Selon certains rapports, la prochaine étape pourrait voir un élargissement des sanctions de l'UE. En plus d'ajouter un certain nombre de personnes et d'entreprises sur la liste des sanctions, celles-ci pourraient aussi concerner les domaines militaire, scientifique et technologique, l'accès aux marchés financiers européens et le secteur de l'énergie.
Bien évidemment, quand on se réfère à des sanctions d'aspects militaire, cela veut dire arrêter la vente de tout équipement de ce genre à la Russie. Cela inclut l'obligation de ne pas livrer de navires d'assaut amphibie français de classe « Mistral » à la Russie. Ce type de navire de guerre ne possède pas seulement de puissantes capacités de projection, il est également équipé de systèmes électroniques de pointe.
À cet égard, la plus forte opposition vient des États-Unis. Le porte-parole du département d'État des États-Unis Marie Harf a ainsi récemment déclaré : « Nous pensons que personne ne devrait fournir d'armes à la Russie ». Et le Premier ministre britannique David Cameron a été plus explicite encore le 21 juillet : « Franchement, il n'est pas imaginable que ce contrat signé par la France soit honoré ».
Mais le problème est que la France a vraiment des difficultés. Comme nous le savons tous, la France et la Russie ont signé un accord en juin 2011 pour la construction de deux navires d'assaut amphibie de la classe « Mistral » en faveur de la Russie. Selon ce contrat d'une valeur de 1,2 milliard d'Euros, le premier navire navire, baptisé « Vladivostok », devrait être livré en octobre de cette année, tandis que le second navire, le « Sébastopol » devrait l'être en 2015. Le contrat créera 1 000 emplois en France. Mais si, en raison de la crise en Ukraine, le contrat était suspendu voire annulé, cela causerait sans doute des dommages considérables à l'industrie de la construction navale française. Et dans le même temps, la France devrait également s'acquitter d'énormes indemnités envers la Russie.
Actuellement, la France semble vouloir adopter une approche de compromis. La France a souligné que la Russie a déjà versé une partie du prix du premier navire, le « Vladivostok ». Comme c'est une affaire de crédit commercial, il ne peut qu'être livré. Mais en ce qui concerne le second, la livraison n'est en aucune manière obligatoire. Qu'elle ait lieu ou pas dépend de l'attitude de la Russie dans la résolution de la crise sur l'Ukraine, en particulier sa capacité à cesser de soutenir les rebelles sur le territoire ukrainien.
Pour certains pays occidentaux, l'attitude de la France est évidemment inacceptable. Ils vont continuer à faire pression sur elle, pour l'inciter à arrêter toutes les ventes d'armes à la Russie. Le problème est que des marins russes sont à bord depuis le début du mois de juillet, mais que, de même, le « Vladivostok » est ancré dans le port de Saint-Nazaire, en France, pour suivre une formation et qu'il sera prêt à être livré en octobre, quand les marins russes le conduiront vers leur pays. Est-il envisageable de leur causer finalement une déception en les contraignant à abandonner leur navire et à rentrer en Russie en avion ? Pour n'importe quel marin, ce genre de décision est par trop difficile à accepter. Mais le plus gros problème réside dans le fait qu'en ce cas, les relations entre la France et la Russie seront gravement endommagées, et que l'Occident perdra par la même occasion la possibilité de jouer un rôle important dans le dialogue et les négociations avec la Russie. Car jusqu'à présent, dans la bataille des idées qui a opposé l'Occident et la Russie, l'attitude plus modérée de la France a certainement joué un rôle de tampon.
Les intérêts commerciaux, la réputation du pays, les relations bilatérales, tout cela contribue à plonger la France dans un dilemme. Il faudra peut-être effectivement avoir à attendre jusqu'au mois d'octobre et la livraison pour que ce problème se débloque.
En ce moment, la crise ukrainienne s'est intensifiée, a tel point qu'elle met même en danger la sécurité des voyageurs internationaux, comme en témoigne la tragédie de l'avion MH17 de la Malaysia Airlines ; nous sommes parvenus à un moment où, plus que jamais, une solution doit être trouvée. Et afin de désamorcer la crise, il faut d'abord parvenir à un cessez-le feu en Ukraine, ce qui pourrait contribuer à une solution politique à la crise interne que connaît ce pays. Si on ne va pas dans cette direction, et qu'au contraire on continue à renforcer les sanctions, le résultat pourrait être contre-productif.
Vendre ou ne pas vendre? Guerre ou paix? C'est précisément là que réside le test de la sagesse des politiciens occidentaux.
Auteur : Ren Yaqiu