Alors que la victoire prévue de son parti à l'élection de la Chambre basse du Parlement dimanche semble en bonne voie, le Premier ministre japonais Shinzo Abe, s'il est réélu, devrait décider comment traiter l'inquiétante dérive vers l'extrême-droite de son pays qui semble de plus en plus probable sur le long terme.
La plupart des sondages publiés jusqu'à présent suggèrent que la coalition dirigée par le Parti libéral-démocrate (PLD) pourrait décrocher la majorité parlementaire à la Diète (composée de 473 sièges), une victoire convenable pour M. Abe qui avait forcé le mois dernier la dissolution du Parlement en vue d'une élection anticipée.
Pourtant, à l'heure où il peut se réjouir de sa victoire électorale imminente, M. Abe devrait être conscient sur le fait que le vote reflète un désir de stabilité politique chez les électeurs plutôt que leur validation des programmes diplomatiques et sécuritaires de plus en plus nationalistes de Tokyo.
En fait, les Japonais sont irrités par la froideur des interactions de leur pays avec presque tous ses voisins d'Asie orientale, comme l'a démontré le taux de participation désespérément bas aux élections de cette année.
Dans la seule année 2014, l'archipel nippon a enragé à maintes reprises ses voisins avec, entre autres, les visites flagrantes de membres du cabinet et de députés au sanctuaire controversé de Yasukuni et les propos de certains politiciens qui sont revenus sur le fait que l'armée japonaise a recruté de force plus 200.000 esclaves sexuelles étrangères pendant la Seconde Guerre mondiale.
A cela s'ajoute le fait que le Japon a mis les nerfs de ses voisins à rude épreuve en cherchant à revenir sur la levée de son droit à l'autodéfense collective datant de la fin de la guerre dans le but de permettre au pays de combattre à l'étranger et d'abandonner complètement la Constitution pacifiste japonaise d'après-guerre.
Ces mesures insultantes pour les pays voisins ont gelé les relations politiques entre le Japon et ses voisins et ont eu des répercussions sévères sur l'économie japonaise chancelante et dépendante des exportations.
De plus, les frictions fréquentes et le manque d'échanges de haut niveau entre le Japon et ses voisins ne cessent de menacer la stabilité régionale et de susciter des contrecoups des Etats-Unis, l'allié numéro un du Japon.
Avec toutes ces conséquences en ligne de mire, il n'y a rien d'étonnant dans le fait que M. Abe ait cherché à organiser une réunion avec le président chinois Xi Jinping en marge du forum de l'APEC en novembre, après que les deux parties avaient atteint un accord en quatre points en vue d'apaiser les tensions.
Cependant, réaliser un rapprochement avec ses voisins exige davantage d'initiatives de Tokyo, qui devrait faire preuve d'honnêteté vis-à-vis des atrocités commises par l'armée japonaise en temps de guerre, de respect pour sa Constitution pacifiste et de prudence dans ses démarches pour régler les différends territoriaux.
Alors que l'année 2015 se profile à l'horizon, il est impératif que Tokyo endosse ses responsabilités en sortant de son idéologie d'extrême-droite et en traduisant son engagement diplomatique en actions réelles.