La France traverse une crise terroriste. Au cours de la version française des "attentats du 11 septembre" perpétrés par trois islamistes réclamés par Al-Qaïda au Yémen et par le groupe Etat islamique (EI), vingt personnes, dont trois agresseurs, ont perdu la vie, un bilan sans précédent depuis au moins un demi-siècle dans l'Hexagone. Les retombées sociales, économiques et politiques commencent à peine à se faire ressentir. Voici une analyse d'experts chinois.
DES ACTES TERRORISTES GENERALISES
L'objectif des organisations islamistes qui mènent des attaques terroristes est de saper le moral du gouvernement français, forçant l'Occident à revenir sur sa politique au Moyen-Orient et à suspendre ainsi ses opérations militaires contre l'EI.
Pourtant, leur but sera certainement raté, a écrit Cai Situ, chroniqueur spécialisé dans les affaires politiques et culturelles françaises à Sina weibo (un réseau social influent en Chine, ndlr), du fait que le gouvernement français ne cèdera pas de terrain ni sur le plan militaire ni sur le plan diplomatique en abandonnant l'interventionnisme, un atout qui permet de montrer la puissance française dans l'arène politique internationale et de faire monter la cote de popularité de la présidence.
Dans ce contexte, pour les Français ordinaires, le terrorisme ne représente désormais plus seulement une menace potentielle, mais un danger réel. "La France n'en a pas terminé avec les menaces dont elle est la cible", a prévenu François Hollande vendredi lors d'une allocution télévisée. Les attaques perpétrées en France pourraient être le début d'une vague d'attentats à l'échelle européenne, a-t-on appris dans l'édition de dimanche du journal allemand Bild, qui cite les services de renseignement américains.
LE RALENTISSEMENT DU RETABLISSEMENT ECONOMIQUE
Ces attaques exerceront une influence négative sur l'économie française, déjà en difficulté. A court terme, pour des raisons sécuritaires, les grands soldes d'hiver attirent moins de clients qu'à l'habitude dans les magasins et boutiques, ce qui portera certainement atteinte aux chiffres d'affaires des institutions commerciales. Le tourisme français, l'un des secteurs piliers de la France, pâtira également d'une baisse du nombre de voyageurs étrangers, qui changeront leur destination, par crainte du terrorisme, a indiqué M. Cai.
A long terme, si la France n'arrive pas à relever le défi terroriste et à assurer un environnement commercial sûr et stable, la confiance des investisseurs étrangers sera minée, entraînant la diminution de postes de travail, le fléchissement d'activités commerciales, et causant un préjudice au taux de croissance de l'économie française, seul espoir encourageant les Français à se dégager de l'ombre de la crise de la dette souvernaine et de résoudre d'autres problèmes économiques et sociaux.
LA MONTEE EN PUISSANCE DU FRONT NATIONAL
Sur le plan politique, il faut impérativement veiller à la montée en puissance du Front national (FN, extrême-droite) sur la scène politique française après les attaques.
Peu après le bain de sang à Charlie Hebdo, Marine Le Pen a réclamé mercredi un "débat" sur "le fondamentalisme islamique", désigné comme reponsable de l'attentat. Selon Shen Xiao Quan, expert chevronné des affaires françaises, Mme Le Pen a catégoriquement pointé le fondamentalisme du doigt. Contrairement à d'autres dirigeants politiques français, elle a offert une réaction rapide et sans ambiguïté, un geste susceptible de gagner davantage d'échos et de soutien.
Sous la direction de Mme Le Pen, le parti qui prône la remise en cause des accords de Schengen sur la libre-circulation des personnes a connu une année fructueuse en 2014 : premier parti aux européennes, conquêtes de villes et premiers sièges de sénateurs.
UNE UNITE NATIONALE SANS PRECEDENT
Pourtant, en chinois, une crise n'est pas seulement synonyme de péril, mais aussi d'opportunité. Après les attaques, M. Hollande a déclaré : "il faut montrer que nous sommes un pays uni". Des consultations entre le président et les principaux dirigeants des partis politiques ont eu lieu jeudi et vendredi à l'Elysée, reflétant leur volonté de surmonter leurs divergences politiques et leur décision de faire front commun face au terrorisme.
Cette mobilisation politique a ses résultats. Face au terrorisme, 97% des Français estiment qu'il est nécessaire de se rassembler et de faire preuve d'unité nationale, selon un récent sondage Ifop. L'union fait la force. Samedi, quelque 700.000 personnes ont manifesté spontanément à travers la France en hommage aux victimes des attaques, à la veille d'une "marche républicaine" à Paris qui rassemblera un million de personnes, selon la presse française.
LE DEBUT D'UN TEMPS DE REFLEXION
Par contre, d'après certains experts chinois, un simple hommage aux victimes ne suffit pas pour améliorer la situation. "Nous déplorons les victimes qui ont péri dans les attaques et condamnons les actes terroristes barbares commis par des fondamentalistes irrationnels. Cependant, il n'est pas judicieux d'émettre des critiques aléatoires et subjectives contre une religion, traumatisant les musulmans, sous prétexte de la défense de la liberté d'expression", a souligné Zhang Jinling, vice-directeur de la section socio-culturelle de la faculté européenne de l'Académie chinoise des sciences sociales (ACSS), en référence à certaines caricatures satiriques excessives de Charlie Hebdo.
"La prise en considération du sentiment d'autrui et les réflexions sur les façons d'adopter des comportements mesurés sont nécessaires. D'après moi, il est temps pour la société française de réfléchir sur la relation entre la liberté d'expression et la liberté de croyance religieuse dans un environnement multiculturel", a dit M. Zhang.