La montée du racisme et de l'antisémitisme ces dernières années en France a poussé les autorités à agir, en lançant en mi-avril, un plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme.
Le dernier acte d'antisémitisme - survenu à moins de dix jours après la présentation du plan - a eu pour scène, Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) : un patron de supermarché de 53 ans, a été violemment agressé, le 25 avril et traité de "sale juif" alors qu'il sortait de la synagogue, rapporte Le Parisien. Cette agression fait suite à plusieurs autres cas violents d' antisémitisme et de racisme, à Paris comme à l'intérieur du pays.
Dans son rapport 2014, intitulé : "la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et xénophobie", le ministère de l'Intérieur note une hausse de +100% des actes à caractère antisémite : "851 faits délictueux enregistrés en 2014 contre 423 en 2013 soit +130% pour les actions et 90% pour les menaces", détaille le document. Un total de 1662 actes racistes contre 1274 en 2013, soit +30%.
Concernant les actes antimusulmans, le bilan statistique du ministère indique une baisse de 41% avec 133 actes en 2014 contre 226 en 2013. Cependant, l'observatoire national contre l'islamophobie note une forte hausse des actes anti-musulmans au lendemain des attentats du 7 et 9 janvier 2015 à Paris. Il dénombre après ces attentats, "116 actes antimusulmans dont 28 actions contre les lieux de culte et 88 menaces, soit 110% par rapport à 2014", indique dans un communiqué son président.
Une augmentation qui s'explique, selon Esther Benbassa, spécialiste des Juifs et d'histoire comparée des minorités, par de nombreuses causes, notamment géopolitiques "comme l'abandon de certains quartiers pauvres où les jeunes sont endoctrinés, le soutien de la cause palestinienne qui dérive parfois vers l'antisémitisme etc. Et la montée du racisme et l'islamophobie en particulier, provient quant à elle, à l'extrême droitisation de la France", explique la chercheuse à Xinhua.
Cette montée de l'intolérance et du racisme inquiète les plus hautes autorités françaises. "Le pire peut encore se produire. L'antisémitisme et le racisme sont encore là et donc, nous devons à travers cette cérémonie du Struthof, agir pour protéger ceux qui peuvent en être encore aujourd'hui les victimes", a déclaré François Hollande lors de la célébration de la Journée nationale de la déportation.
Une semaine auparavant, c'est le Premier ministre qui critique l'augmentation "insupportable" du racisme et de l'antisémitisme, à l'occasion de la présentation des mesures prises par son gouvernement pour lutter contre ce fléau.
"Le racisme, l'antisémitisme, la haine des musulmans et des étrangers, l'homophobie augmentent de manière insupportable dans notre pays. Les français juifs ne devaient plus avoir peur d'être juifs et les français musulmans ne devaient plus avoir honte d'être musulmans", avait annoncé à la presse M. Valls.
Dans son nouveau plan de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, figure une quarantaine de mesures. Il s'agit entre autres, de la sensibilisation (artistes, sportifs, média, associations...) afin qu'ils participent à cette lutte. La répression des discours de haine au droit pénal, mis sur pied d'une unité nationale de lutte contre la haine sur le Net, sensibilisation dans les établissements scolaires etc. Le coût de ce programme est de 100 millions d'euros, sur trois ans (2015 à 2017).
Sacha Reingewirtz, président de l'Union des étudiants juifs de France (UEJF), est optimiste : "Cela fait très longtemps que nous avons demandé que des mesures très sérieuses soient prises au niveau du gouvernement et des pouvoirs publics. Et que ça ne soit pas seulement des discours mais des réalisations. A ce titre, nous avons salué ces mesures (pour lutter contre le racisme et l'antisémitisme)", a-t-il indiqué à Xinhua.
Le président de SOS racisme, Dominique Sopo, ne dit pas le contraire. Il déclare sur France Inter, à propos de ce plan, que "c'est positif que l'Etat ait des paroles fortes" sur les questions de racisme et
d'antisémitisme. D'autant que "ça fait partir des prérogatives de la République, de l'Etat". Car, il s'agit, selon M. Sopo, de questions "d'égalité, de vivre ensemble et de fraternité".
Pour Sacha Reingewirtz, l'important c'est qu'il y ait un "réel travail au niveau pédagogique". "Parce que la lutte contre le racisme et l'antisémitique, ce n'est pas seulement les mots ni des politiques sécuritaires. Mais plutôt un travail dans les écoles, les universités (...)", a-t-il souligné.
En plus, le président de l'UEJF note dans le plan d'autres mesures intéressantes comme la lutte sur Internet.
Esther Benbassa estime aussi que ce plan est un geste important, qui rassure "aussi bien les juifs, les musulmans que les noirs, de la volonté du gouvernement de ne pas fermer les yeux" sur les questions de racisme et d'antisémitisme.
Toutefois, cette spécialiste trouve insuffisant la somme de 100 millions d'euros qui sera allouée à ce projet. Selon elle, la lutte contre le racisme et l'antisémitisme demande une vraie prévention,
l'augmentation des subventions pour les associations qui luttent contre ce fléau (...) Donc, "ce n'est pas avec 100 millions d'euros qu'on peut y arriver", a expliqué Mme Benbassa.
La chercheuse trouve également "grave de passer à la pénalisation. Car ce qui m'inquiète dans la pénalisation c'est qu' il y ait une comparution immédiate. Il faut réprimer mais avec raison".