Dernière mise à jour à 08h53 le 14/04
Réuni en session plénière à Strasbourg, le Parlement européen (PE) a débattu vivement et longuement, mercredi, en présence du Président du Conseil européen et de son homologue de la Commission européenne, des enjeux, des modalités et du financement de l'accord conclu entre Bruxelles et Ankara en vue de faire face à la crise migratoire.
De multiples critiques se sont élevées dans l'hémicycle strasbourgeois sur la nature du compromis trouvé, les 17 et 18 mars, entre les Chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne (UE) et la Turquie.
Le déplacement, mercredi, à Strasbourg du Président du Conseil européen Donald Tusk, et du Président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker visait à convaincre les eurodéputés de soutenir cet accord controversé à bien des égards.
"Les solutions que nous avons mises en place ne sont pas idéales et ne signifient pas la fin de notre travail. L'accord avec la Turquie n'est pas parfait et nous sommes pleinement conscients de ses risques et de ses faiblesses", a reconnu le Président Tusk. "Il serait dangereux de croire qu'il y a une solution idéale à 100%", a-t-il cependant mis en garde.
L'accord, entré en vigueur le 20 mars, prévoit que des milliers de réfugiés qui se trouvent actuellement en Grèce soient renvoyés vers le territoire turc, et que pour un migrant illégal reconduit en Turquie, Athènes accepte sur son sol un Syrien réfugié en Turquie. Un point qui cristallise les oppositions.
"Depuis le 4 avril, 325 migrants illégaux ont été renvoyés en Turquie, et 79 réfugiés syriens ont été acceptés en Europe". Les chiffres données par le Président de la Commission aux eurodéputés, tout comme ceux concernant le financement de mécanisme de transfert des migrants, sont loin de satisfaire nombre d'eurodéputés.
Pour la droite européenne, cet accord reste le meilleur moyen pour "mettre de l'ordre dans le processus". Mais cet argument ne convainc ni les écologistes ni l'extrême gauche ni les eurosceptiques qui se sont ouvertement interrogés quant aux pressions politiques que pourrait exercer la Turquie.
La question du financement de l'accord a elle aussi provoqué de nombreuses et vives réactions dans les rangs des parlementaires. L'attribution par Bruxelles à Ankara de 3 milliards d'euros, en plus de celle d'un même montant déjà décidée, laisse planer chez les eurodéputés de sérieux doutes quant à l'utilisation de ces fonds.
Autres points d'achoppement dans l'hémicycle : le volet de l'accord qui prévoit la libéralisation des visas pour les Turcs qui veulent entrer dans l'UE, et l'accélération des négociations sur l'adhésion de la Turquie. Deux thèmes qui cristallisent les oppositions les plus farouches.
Le Parlement était d'ailleurs également appelé, mercredi après-midi, dans un autre débat, à discuter avec le commissaire européen à l'élargissement Johannes Hahn de ces questions spécifiques avant le vote d'une résolution prévu jeudi.
De nombreuses voix, à l'instar du chef de file socialiste Gianni Pitella, se sont d'autre part faites entendre en faveur de la réforme du droit d'asile et d'une refonte du règlement dit « Dublin 3 » qui détermine comment et où l'asile doit être demandé dans l'UE.
"Si vous voulez combattre les passeurs, il n'y a qu'une solution, vous devez donner la possibilité d'une migration légale ! ", a déclaré avec véhémence le leader libéral belge Guy Verhofstadt avant d'exprimer ses doutes quant à l'efficacité de l'accord UE-Turquie.
Sans qu'un ensemble d'autres mesures, à commencer par la création d'un corps européen de gardes frontières ne soient mises en place, l'accord avec la Turquie risque d'être voué à l'échec, a laissé entendre l'eurodéputé.