Dernière mise à jour à 09h10 le 19/04
Des députés pro-destitution brandissant des pancartes disant « L'impeachment maintenant » et « Au revoir ma chérie » |
La Présidente brésilienne Dilma Rousseff a perdu un vote crucial dimanche soir pour sa destitution devant la chambre basse du Brésil, ce qui rend son éviction plus en plus probable, de même qu'un renforcement de la crise politique qui empoisonne le pays à moins de quatre mois avant la cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques d'été à Rio de Janeiro. Les adversaires de Mme Rousseff ont facilement obtenu la majorité des deux tiers des voix des 513 membres de la Chambre des députés, nécessaires pour passer la mesure de mise en accusation. Votant un par un lors d'une incroyable séance marathon diffusée en direct à la télévision devant un public brésilien fasciné, les législateurs pro-destitution ont ensuite fêté bruyamment leur victoire à l'intérieur même du Parlement.
Le raz-de-marée de votes pour chasser Dilma Rousseff de son poste moins de deux ans après sa réélection a été une illustration saisissante de son effondrement politique et de son extrême impopularité. Mme Rousseff, 68 ans, est le successeur désigné de l'ancien président, l'emblématique Luiz-Inácio Lula da Silva, et leur Parti des travailleurs de gauche semblait jusqu'à il y a peu inattaquable, ayant réussi à conduire le Brésil à travers une longue période de prospérité qui a sorti des dizaines de millions de personnes de la pauvreté. Mme Rousseff et ses partisans ont dénoncé à plusieurs reprises la tentative de mise en accusation comme équivalant à un « coup d'Etat » interrompant de la démocratie brésilienne, qui a été restaurée en 1985 après 21 ans de régime militaire, mais en vain.
Le Brésil est actuellement embourbé dans sa pire crise économique depuis les années 1930, et une effrayante épidémie de Zika continue de se propager. Avec des dirigeants du pays consumés par les luttes politiques et un vaste scandale de corruption, le Brésil est aujourd'hui un pays bien plus en colère et plus divisé que celui choisi en 2009 pour accueillir les Jeux olympiques de cet été. La mesure de mise en accusation va maintenant passer au Sénat du Brésil, où seule une majorité simple est nécessaire pour forcer Dilma Rousseff à démissionner. Les sénateurs auront 180 jours pour tenir des audiences formelles de mise en accusation avant un vote final afin de déterminer son sort, tandis que le vice-président Michel Temer -ancien colistier de Mme Rousseff et maintenant rival qui ne cache plus ses ambitions- assurera une présidence temporaire. Avec un problème, son impopularité plus forte encore que celle de la Présidente actuelle.
Dilma Rousseff n'a pas été accusée d'avoir volé, mais ses adversaires ont soutenu qu'elle devrait être mise en accusation parce que son gouvernement a essayé de dissimuler les lacunes budgétaires avec de l'argent provenant des banques publiques. Elle a nié toute malversation. Les détails de ces accusations ont néanmoins été à peine évoqués au cours des travaux de dimanche, les législateurs votant pour la destitution s'étant concentrés sur l'attaque contre la corruption et le bilan économique de Mme Rousseff à coups de discours de 10 secondes qui ont été aussi souvent criés qu'ils ont été prononcés. De leur côté, des manifestants des deux côtés de la fracture politique du Brésil ont organisé des rassemblements et des manifestations de rue dans tout le pays dimanche. Beaucoup ont suivi le vote au Congrès sur grands écrans comme s'ils regardaient un match de football.