Dernière mise à jour à 08h34 le 16/09
"Nous respectons la décision britannique tout en la déplorant, mais l'UE n'est pas menacée dans son existence par cette décision", a assuré mercredi le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, lors de son discours sur l'état de l'Union européenne (UE) devant le Parlement européen réuni en session plénière à Strasbourg.
Lors de son intervention très attendue mercredi matin, le président de la Commission européenne, sous pression, s'est efforcé devant les eurodéputés de redonner un nouveau souffle à une UE en panne sèche, toujours sous le choc du vote britannique en faveur du Brexit lors du référendum du 23 juin dernier. Ses mots d'ordres étaient : la "responsabilité collective", la "solidarité" et la "volonté".
L'économie a tenu une place centrale dans son discours, exercice comparable aux fameux discours sur l'état de l'Union des présidents américains. M. Juncker a notamment annoncé une prolongation du plan d'investissement qui porte son nom. Mis en œuvre en 2015, ce plan vise à relancer l'investissement dans les pays de l'UE. Il sera prolongé jusqu'en 2022 (au lieu de 2017) et sera porté à 630 milliards d'euros à cette date.
Au pupitre central de l'hémicycle strasbourgeois, habituellement réservé aux chefs d'Etat et aux invités de marque du Parlement européen, le Luxembourgeois de 61 ans a prêché le rassemblement à la veille d'un sommet des 27 dirigeants européens (sans les Britanniques) qui se tiendra vendredi à Bratislava, en Slovaquie, et qui s'annonce tendu.
Le discours sur l'état de l'UE devant les 751 eurodéputés, lancé en 2010, est un rendez-vous clé pour le président de la Commission. L'année dernière, en pleine crise des réfugiés, Jean-Claude Juncker avait annoncé une politique volontariste en matière d'accueil des migrants, dont l'application, faute d'accord entre les Etats membres de l'UE, piétine toujours, cristallisant les clivages entre le sud et le nord, l'est et l'ouest de l'Europe.
"La participation équitable au programme de relocalisation et de réinstallation des migrants et des demandeurs d'asile est essentielle", a plaidé le président de la Commission, mettant l'accent sur la "solidarité". "L'UE elle-même est l'expression de notre solidarité, mais nous devons aller plus loin", a-t-il insisté. "Je demande à la Grèce et à l'UE de mettre en place des mesures urgentes pour protéger le sort des mineurs non accompagnés", a-t-il précisé.
Il a défendu son bilan à la tête de l'exécutif européen, notamment sur la question de l'évasion fiscale dont il se veut le champion.
"Nous nous battons contre l'évasion fiscale avec succès", a lancé l'ancien Premier ministre du Luxembourg, fragilisé sur ce dossier par le scandale financier Luxleaks qui a révélé en novembre 2014 le contenu de centaines d'accords fiscaux très avantageux conclus avec le fisc luxembourgeois par des cabinets d'audit pour le compte de nombreux clients internationaux, dont le géant américain Apple.
"Toute entreprise doit payer ses impôts là où ses bénéfices sont dégagés", a asséné le président Juncker, en référence à la retentissante décision de la Commission européenne qui veut contraindre le géant américain Apple à rembourser à l'Irlande 13 milliards d'euros d'"avantages fiscaux indus", assimilés à des aides d'Etat.
Tout en plaidant pour une Europe plus sociale - contre le "dumping social" - et tout en affirmant ne pas être "un fanatique du libre-échange", le président de la Commission européenne a estimé que l'UE devait continuer à conclure des accords commerciaux avec des pays tiers, qui "nous apportent plus d'emplois", alors que la négociation d'un accord de libre-échange avec les Etats-Unis semble au point mort.
"L'euro nous a protégés contre l'instabilité. C'est une monnaie qui compte", a encore défendu Jean-Claude Juncker. "Les banques européennes affichent une meilleure santé qu'il y a deux ans. Nous devons accélérer nos efforts pour l'union du marché des capitaux qui permettra de garantir la résilience de notre système financier", a-t-il affirmé.
Sur le front de la sécurité, après avoir rappelé qu'il y avait eu 30 attaques terroristes depuis 2004, le président de la Commission européenne a défendu l'augmentation des capacités de contrôle aux frontières.
"Une Europe qui protège est une Europe qui se défend tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de son territoire", a-t-il déclaré avant d'annoncer qu'une centaine d'agents supplémentaires de la nouvelle agence Frontex seront déployés en Bulgarie et à la frontière entre la Turquie et la Grèce, et que les pouvoirs d'Europol seront renforcés. "La sécurité des frontières implique de donner la priorité aux échanges d'informations", a-t-il insisté.
Concernant la politique de défense européenne, Jean-Claude Juncker a plaidé pour un quartier général unique dans l'Union européenne.
"L'Europe ne peut plus se permettre de dépendre de la seule capacité et puissance militaire de quelques Etats. La mise en commun de nos ressources militaires se justifierait pleinement", a-t-il estimé. Il a aussi annoncé que, d'ici la fin de l'année, l'UE proposera la création d'un nouveau fonds destiné à stimuler la recherche et le développement dans ce domaine.
Face à la défiance croissante que les Européens expriment à l'égard des institutions et la montée des populismes, le président Juncker a appelé à davantage de pédagogie. "L'Europe doit être mieux expliquée", a-t-il insisté. "La Commission doit être à l'écoute des citoyens, des parlements (...) corriger les erreurs technocratiques dès qu'elles se présentent", a-t-il relevé. Avant de lâcher : "Je ne suis pas un sourd muet bien payé dans son palais. Au cours de ma longue vie politique, j'ai parlé chaque jour à nos concitoyens, c'est notre obligation".