Dernière mise à jour à 16h47 le 15/03
Le Front national (FN) s'est engouffré dans un vide politique, captant les voix de convaincus mais aussi celles d'électeurs qui, hier encore, juraient qu'ils ne voteraient jamais pour le parti de la famille Le Pen, a indiqué récemment dans un entretien à Xinhua l'historienne spécialiste de l'extrême droite, Valérie Igounet.
Valérie Igounet est l'auteur, avec le photographe-documentariste Vincent Jarousseau, de l'ouvrage intitulé L'illusion nationale, issu de deux ans d'enquête dans des villes gérées par le FN.
Au-delà des discours, on découvre une France qui se sent marginalisée, abandonnée par les pouvoirs publics, dans des villes où les commerces du centre ont fermé boutique, dans des régions frappées par le chômage, touchées de plein fouet par la désindustrialisation, comme en Lorraine. "La désillusion à l'égard de la classe politique et un sentiment d'injustice sont récurrents dans les propos que nous avons recueillis", relèvent les auteurs.
"La classe politique traditionnelle n'a absolument pas compris. D'élection en élection, elle se contente de dire qu'il faut faire barrage au FN", déplore Vincent Jarousseau.
"Dans le même temps, elle a tendance à s'adapter à ce parti. On pourrait dire que le rapport entre Les Républicains et le FN s'est inversé. Le récent discours de François Fillon au Trocadéro reprend une sémantique commune. Sur certains points, c'est même une copie rhétorique. Il y a fort à parier que plus on approche du premier tour de scrutin de l'élection présidentielle, plus les offres politiques vont se radicaliser", estime l'historienne.
Fruit d'un travail de longue haleine sur le terrain, ce "roman-photo où tout est vrai", sorti en librairie en février, rencontre un large succès, d'autant que la candidate d'extrême droite à l'élection présidentielle, Marine Le Pen, au plus haut dans les sondages, cristallise l'intérêt et suscite l'inquiétude dans l'Hexagone comme à l'étranger.
Les "héros" de cet ouvrage sont les électeurs du FN de trois villes de taille similaire administrées depuis 2014 par le parti d'extrême droite. "Nous voulions avant tout écouter les habitants et leur donner un visage. Nous avions l'intuition qu'il y avait une histoire à raconter sur ces électeurs qui, à un moment donné, ont basculé et ont décidé de glisser un bulletin de vote pour ce parti", racontent à Xinhua les auteurs de L'illusion nationale.
"Ce sont notamment dans l'est et le nord, beaucoup de chômeurs, beaucoup d'ouvriers, beaucoup d'employés. Des gens qui ont assez peu de visibilité dans la société et notamment dans les médias. Et notre idée, c'était de leur donner une visibilité pour mieux comprendre, mieux cerner, les maux qui traversent la société française aujourd'hui", poursuivent-ils.