Dernière mise à jour à 09h21 le 28/02
Au-delà de l'unité affichée, mercredi, à Paris, entre le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel, de multiples sujets de désaccords, notamment sur les dossiers économiques, opposent Paris et Berlin.
Des questions d'autant plus épineuses pour ces deux grands leaders, fragilisés dans leur pays respectif, alors que se profilent les élections européennes de mai.
Lors d'une conférence de presse conjointe à l'Elysée, mercredi, le président français et la chancelière allemande ont, comme à l'accoutumée, présenté le visage de la concorde et de l'unité du "couple franco-allemand".
Sur la question du Brexit, ils sont sur la même longueur d'onde, ont-ils clairement fait comprendre aux journalistes, au lendemain de l'annonce par la Première ministre britannique Theresa May d'un éventuel report du départ du Royaume-Uni de l'UE prévu le 29 mars à la fin juin.
"L'accord de retrait ne peut être renégocié", a déclaré le président français. "Si les Britanniques ont besoin de davantage de temps, nous pourrons examiner une demande d'extension", a-t-il ajouté, en précisant: "Si elle est justifiée".
Mais, au-delà de leur unité affichée, M. Macron, confronté à une crise sociale et politique sans précédent depuis plusieurs mois, et Mme Merkel, qui a renoncé à briguer un nouveau mandat, apparaissent tous deux fragilisés : dans une certaine mesure, ils sont otages des débats de politique intérieure et sous la pression de leur électorat respectif.
Le président français, empêtré dans la crise des "gilets jaunes" et confronté aux violences qui ont émaillé les manifestations depuis mi-novembre dernier, a d'ailleurs une nouvelle fois été interrogé lors de la conférence de presse sur la politique du gouvernement face à cette contestation toujours vivace malgré le lancement du grand débat le 15 janvier dernier.
"Je ne laisserai pas les forces de l'ordre sans aucun moyen de se défendre, face à des gens qui arrivent avec les pires intentions", a-t-il lancé en réponse à une question sur les lanceurs de balles de défense et leur dangerosité, au lendemain des vives critiques du Conseil de l'Europe qui a appelé Paris à suspendre leur utilisation.
Face aux nombreux sujets de désaccords qui divisent Paris et Berlin, la chancelière allemande a de son côté souligné devant les journalistes les nécessaires "compromis" à trouver.
Lors de leur déjeuner de travail, les deux leaders européens ont évoqué "les principaux sujets à l'ordre du jour du Conseil européen de mars (politique industrielle européenne, renforcement de la zone euro, lutte contre la désinformation), le Brexit, les relations transatlantiques et la situation internationale, ainsi que la relation de défense entre la France et l'Allemagne", a précisé l'Elysée.
La mise en oeuvre du traité de coopération et d'intégration franco-allemand signé le janvier à Aix-la-Chapelle était également au menu.
Macron et Mme Merkel ont d'ailleurs insisté devant la presse sur le moteur que représente pour l'Union européenne l'axe Paris-Berlin et plaidé en faveur du travail réalisé entre les deux pays depuis l'élection du président français en mai 2017.
Mais, malgré la signature du traité d'Aix-la-Chapelle, censé revitaliser la coopération entre les deux pays, les divergences entre la France et l'Allemagne restent nombreuses, notamment sur les dossiers économiques et la question de la souveraineté européenne, comme nationale.
M. Macron a d'ailleurs été interpellé sur la décision des Pays-Bas relative à la compagnie aérienne Air France KLM, pour le moins fraîchement accueillie par Paris. Il a rappelé que le ministre de l'Economie des Pays-Bas est attendu à Paris pour s'expliquer sur l'entrée de son pays au capital d'Air France KLM. "Le gouvernement français n'a pas été informé de cette décision. J'en prends note. Il appartient au gouvernement néerlandais de clarifier cette décision.", a-t-il dit.
Parmi les gros dossiers qui cristallisent les divisions entre Paris et Berlin figurent en bonne place le refus de l'Allemagne de soutenir une taxe en Europe pour les géants du numérique ou encore la prise de distance de la France sur le projet du gazoduc Nord Stream 2.
D'autre part, face aux menaces américaines sur les automobiles importées, l'Allemagne voudrait que Bruxelles engage rapidement des négociations avec Washington tandis que la France s'inquiète pour ses produits agricoles.
En matière de politique industrielle, après le récent échec de l'union entre l'Allemand Siemens et le Français Alstom rejetée par la Commission européenne, Paris et Berlin plaident pour une modification du droit européen de la concurrence. Mais il va leur falloir convaincre les autres pays de l'UE et dépasser les égoïsmes nationaux.
Dans le cadre d'une nouvelle politique industrielle destinée à aider les entreprises européennes à résister à la concurrence internationale, un premier projet soutenu par les deux pays concerne la production de batteries pour les véhicules électriques.
La France et l'Allemagne ont par ailleurs avancé vers une position commune sur un budget de la zone euro qui vise à soutenir la croissance, la compétitivité et la convergence en son sein.
Concernant les questions relatives à la politique de défense européenne, Paris et Berlin s'approcheraient également d'un accord technique sur la question très délicate des exportations d'armements.
Le président français doit prononcer fin février-début mars un important discours sur l'Europe pour mobiliser les Européens en vue notamment des élections européennes de mai. Un discours d'autant plus attendu que pèsent sur le scrutin de multiples inconnues et que l'Union européenne, plus que jamais, cristallise les oppositions, notamment dans les rangs du mouvement des "gilets jaunes".