Dernière mise à jour à 09h57 le 25/02
Le président français Emmanuel Macron a appelé samedi à l'ouverture de la 56e édition du Salon de l'agriculture à "réinventer" la politique agricole commune (PAC), actuellement en discussion à Bruxelles, synonyme à ses yeux de "souveraineté alimentaire, environnementale et industrielle" de l'Europe.
"Si nous cédons à l'esprit de division, alors dans cinq ans, dix ans ou quinze ans, nous ne pourrons plus garantir à nos concitoyens une alimentation saine, en tout cas totalement traçable et indépendante en Europe", a-t-il déclaré.
La cohérence d'une politique environnementale non plus ne pourra pas être garantie et l'UE sera dépendante d'intrants ou d'imports qui ne respecteront pas les mêmes règles, a ajouté le président français.
Car le vrai risque qui guette l'agriculture européenne, selon le chef de l'Etat français, ce n'est pas la concurrence entre Etats européens, mais "notre dépendance aux importations d'engrais phosphatés russes". Ou encore "le fait que 70% du bétail européen soit nourri par du soja OGM importé et donc que le prix de nos œufs, de nos volailles, soit tributaire de l'augmentation du coût de ces matières premières".
Emmanuel Macron a donc exhorté les pays membres de l'UE à l'unité et à la mobilisation en insistant sur ce risque de dépendance à l'égard d'autres continents, d'autres puissances qui, dit-il, n'ont plus rien à voir avec la PAC ou une concurrence au sein de l'Europe.
"On peut bien sûr critiquer certains aspects de la stratégie européenne. Mais je suis sûr d'une chose : c'est que, sans la PAC, les consommateurs européens ne bénéficieraient pas aujourd'hui d'une alimentation accessible et de qualité, que l'Europe ne sera pas en capacité de faire valoir ses choix au monde", a-t-il indiqué.
Le défi consiste alors selon le président français à "réinventer" cette politique agricole commune, aujourd'hui devenue une "question de souveraineté alimentaire, environnementale et industrielle".
C'est pourquoi la France défendra l'unité dont la prochaine PAC a d'abord besoin, puis la protection des agriculteurs et des consommateurs, la transformation du modèle agricole "vers plus de valeur et toujours plus d'écologie" et, enfin, l'anticipation en misant sur la recherche et en assurant le renouvellement des générations, a-t-il énuméré.
Mais M. Macron n'a pas totalement convaincu les acteurs de l'agriculture qui ont pointé un décalage entre le discours et la réalité sur le terrain. "Si on l'écoute, tout va très bien. Il y a une dynamique, de nouvelles perspectives, etc. Mais si on le confronte à la réalité, il y a un petit bémol", a déclaré dans une interview au quotidien La Dépêche du Midi, le vice-président de la Commission de l'agriculture et du développement rural au Parlement européen, José Bové.
Contrairement à ce que dit le chef de l'Etat, le projet de PAC propose de renationaliser les politiques agricoles, selon les agriculteurs. "C'est un projet destructeur qui réduit de 15% les aides directes aux agriculteurs et qui coupe de 25% les aides environnementales indispensables à la conversion au bio et au développement d'une agriculture de qualité", a expliqué M. Bové.
"Le problème, c'est que la PAC, ce sont essentiellement des directives, des règles et des contraintes et des subventions. Ce n'est pas comme ça qu'on bâtit une politique. Il faut qu'on accompagne les paysans pour changer de système et produire vraiment ce que les gens attendent", a réagi sur Franceinfo Laurent Pinatel de la Confédération paysanne.
L'agriculture étant un enjeu majeur pour les élections européennes prévues fin mai, le discours de M. Macron a également été vivement critiqué par ses opposants "anti-européens". Marine Le pen, présidente du Rassemblement national (ex-FN), a dénoncé dans un communiqué des "généralités, bonnes intentions, approximations et mensonges éhontés".
Selon elle, Emmanuel Macron s'est bien gardé d'expliquer que "son grand projet de PAC ambitieuse est en totale opposition avec la réforme actuelle portée par Berlin et Bruxelles" qui vise "à transférer plusieurs milliards d'aides agricoles vers un budget dédié à la gestion des flux migratoires".
Le député Nicolas Dupont-Aignan, qui a soutenu Marine Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017, a estimé dans un communiqué que M. Macron avait "prononcé l'un de ses discours les plus mensongers et scandaleux de son quinquennat". Ce en faisant "la propagande d'une Union européenne qui détruit avec sa complicité l'agriculture française en prétendant la protéger".